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Quand la Chine fait du neuf avec du vieux

En 2013, le gouvernement chinois a ratifié la stratégie «One belt, one road», une ceinture économique qui passe par les pays de la Route de la Soie, qui dans le passé reliait la Chine à l’Europe à travers l’Asie de l’Est et l’Asie centrale. Mais seul le le nom de code a été retenu : «The New Silk Road» ou la «Nouvelle Route de la soie».

Quand la Chine fait du neuf avec du vieux
L’objectif pour la Chine serait d’asseoir son pouvoir économique dans les pays que traversera cette route, d’ouvrir une nouvelle voie plus rapide que celle maritime pour ses échanges commerciaux.

Le projet a été imaginé depuis plusieurs années, mais n’a été officiellement lancé qu’en septembre 2013 par le Président chinois Xi Jinping lors d’une visite au Kazakhstan. Un projet qui devient une priorité puisqu’en mars de cette année, le gouvernement chinois a annoncé la création de la «Silk Road Company Ltd», le fonds d’investissement privé de 40 milliards de dollars qui portera le projet. Quand on parcourt la presse à ce sujet, les mêmes questions reviennent : est-ce une arme économique ou diplomatique ? Un expansionnisme commercial ? Est-ce un nouveau plan Marshall ? Est-ce un moyen de booster l’économie chinoise tout en confortant une influence politique ? Est-ce un moyen d’aider l’Asie du Sud-Est et, du même coup, freiner l’influence américaine et indienne ?

Symbole mythique de l’Orient, la Route de la soie ne représentait pas un mais différents chemins empruntés par les commerçants pour faire transiter les marchandises de l’Asie vers l’Europe, et ce depuis l’Antiquité.
Au 21e siècle, Pékin lance deux routes de la soie terrestre et maritime. C’est des milliers de ponts, de voies ferroviaires, de gares et de pipelines qui relieront l’Est à l’Ouest par voie terrestre. Certes, le tracé reste en débat, mais il devrait partir de la province chinoise du Xinjiang à fortes tensions ethniques, rejoindre le Kazakhstan, l’Asie centrale, le nord de l’Iran, l’Irak, la Syrie, la Turquie pour atteindre l’Europe en passant par la Bulgarie, la Roumanie, la République tchèque et l’Allemagne pour finir à Venise. L'objectif pour la Chine serait d'asseoir son pouvoir économique dans les pays que traversera cette route, d'ouvrir une nouvelle voie plus rapide que celle maritime pour ses échanges commerciaux et de contrôler l'ensemble du trafic commercial qui transite dans cette zone.
La «21st Century Maritime Silk Road», seconde Route de la soie, empruntera quant à elle les mers.

De l’Asie à l’Europe, le tracé partirait des grands ports de la mer de Chine, longerait la Thaïlande et le Vietnam, la Malaisie, Singapour, l’Indonésie, avant de rejoindre, via l’océan Indien, le Sri Lanka, puis la mer Rouge, le Golfe et, enfin, le canal de Suez et la Méditerranée, pour finir à Venise où se rejoindraient les deux routes, celle des mers et celle des terres. Un autre tracé fait allusion à un détour par le Kenya. Une façon de croiser l’Afrique.

Certains voient à travers la Route de la soie l’application par la Chine de la tactique «sea power» – une tactique qui consiste à développer un commerce extérieur prospère et à sécuriser les voies d'approvisionnement grâce à ses forces navales. D’autres, l’Inde en particulier, analyse la récente montée en puissance navale de la Chine comme une «volonté expansionniste». Pékin tenterait de s’ériger en grande puissance maritime et prévoirait de plus d’encercler et de contourner l’Inde par les deux ceintures maritime et terrestre.
C’est dans ce contexte que Narendra Modi, candidat à l’époque à la primature, avait lancé durant la campagne électorale : «La Chine va devoir abandonner son état d’esprit expansionniste». Une fois devenu Premier ministre, Narendra Modi avait entamé son mandat par une visite historique dans l’océan Indien pour renforcer les liens avec l’île Maurice, les Seychelles et surtout le Sri Lanka qu’aucun Chef de gouvernement indien n’avait visité depuis 28 ans. De surcroît, l’Inde projetterait de ressusciter la «Route des épices».

De l’autre côté du pacifique, la position américaine est ambivalente. D’une part, les États-Unis voient leurs intérêts économiques compromis par cette initiative qui risque d’entraver le partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership). Leur réponse à ce projet tourne autour de trois axes : le renforcement des liens économiques de l’Asie centrale et du Moyen-Orient, l’élargissement du traité et la facilitation de l’entrée de l’Afghanistan et du Kazakhstan dans l’Organisation mondiale du commerce. Par contre, sur le plan sécuritaire, cette initiative peut aider à rétablir la sécurité régionale en redynamisant le commerce en Afghanistan et au Pakistan. Dans cet ordre d’idées, les États-Unis se disent prêts à contribuer à ce projet en finançant plus de 1.000 réseaux électriques régionaux, pour 1,6 milliard de dollars et des centrales hydro-électriques modernes et écologiques. Une façon pour les Américains d’être partenaires dans ce projet dont la concrétisation permettra de contrôler le transit des armes et de la drogue et surtout le contrôle des vastes ressources énergétiques de l’Asie centrale.

Dans cette nouvelle Route de la soie, qui traversera l’Asie Centrale et l’Europe, on peut voir une réorientation de la géopolitique de la Chine vers l’intérieur du continent. On peut aussi l’interpréter comme une nouvelle diplomatie chinoise qui veut faire de la Chine un acteur clé dans le secteur mondial des infrastructures et lui permettre de s’ériger en leader dans la région asiatique face aux influences russe, indienne et américaine. Comme précisé précédemment, la Chine pourrait détenir via cette stratégie le lead dans l’instauration de la paix dans la région. En reconstruisant d’innombrables infrastructures, défectueuses pour la plupart du fait des années de conflits, le tracé terrestre proposé par la chine inclut l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak, l’Asie centrale et l’Iran. Ce qui permettra de connecter l’ensemble de ces pays à l’économie mondiale et, qui sait, peut-être la Chine réussira avec le soft power là où les Américains ont échoué avec le hard power.La paix et la stabilité restent des facteurs clés pour la réussite d’un pareil projet, des questions telles qu’inclure ou pas le Sri Lanka et l’Afghanistan et traverser les pays musulmans en guerre sont à l’ordre du jour. Une autre contrainte de taille demeure, il s’agit de la dimension verte des Routes de la soie. La Chine se veut rassurante à travers sa participation active à toutes les conférences sur le climat, mais pour les plus sceptiques ce n’est que du «green washing», autrement dit du «blanchiment vert». Quelles que soient les contraintes, la Chine est bien décidée à mettre en place des infrastructures, sur terre comme en mer, un volontarisme économique qui cache une politique agressive qui bouscule la diplomatie régionale et, à long terme, modifiera les rapports de force dans le monde. 

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