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Quelle analyse géopolitique pour la crise grecque ?

Depuis la semaine dernière, la planète entière a les yeux rivés sur la Grèce. Et pour cause ! Le pays organise un référendum ce dimanche 5 juillet pour demander à sa population si elle souhaite sortir de l’euro ou non.

Quelle analyse géopolitique pour la crise grecque ?

La situation inédite d'aujourd'hui est bien entendu le résultat de l’échec des négociations entre les créanciers et la Grèce, mais peut également avoir de sérieuses conséquences géopolitiques.

Un petit rappel des faits

Pour mieux comprendre la crise grecque, il faut replonger dans ses origines. La Grèce rejoint l'Europe en 1981 et entre dans la zone euro en 2001, mais est déjà à l’époque très endettée. Mais le pays, qui réalise alors un taux de croissance entre 4 et 5%, inspire une grande confiance aux créanciers qui l’accueillent à bras ouverts. Les problèmes surviennent en 2009 lorsque le premier ministre d’alors, Georges Papandréou, fait la lumière sur le déficit grecque : il n’est pas de 6% du PIB comme l’affirmait le gouvernement précédent, mais de 12,7%.
Dès lors, le pays devient un investissement à risque pour les créanciers privés qui ne souhaitent plus lui prêter pour financer ses dépenses courantes.
Et le 23 avril 2010, la Grèce doit se déclarer en cessation de paiement et demande officiellement une aide internationale.
En tant que membre de l’Union européenne, la Grèce reçoit des aides massives pour éviter sa faillite complète. Et ses alliés européens imaginent un montage financier complexe afin de faire passer la dette grecque des créanciers privés aux créanciers publics :
dès lors, ce ne sont plus les banques privées et les petits épargnants qui financent la Grèce, mais plutôt le FMI (il détient 21,25 milliards d’euros),
les États de l’Union européenne (avec l’Allemagne et la France en tête qui détiennent 52,9 milliards d’euros) , le FESF (le Fonds européen de stabilité financière détient 130,9 milliards d’euros), la BCE (la Banque centrale européenne détient 27 milliards d’euros) et les prêteurs privés adeptes du risque extrême qui détiennent en tout 80,6 milliards d’euros.
L’objectif de ce montage complexe était de permettre à la Grèce de se restructurer en profondeur pour rembourser sa dette de 312,65 milliards d’euros : la Grèce avait ainsi la possibilité de trouver le financement de son économie à des taux avantageux (entre 1,5 et 4% au lieu de 27% sur le marché privé) et ses banques trouvaient même du soutien pour régler les dépenses courantes. Mais seulement voilà, après deux plans d’aides successifs (le premier de 110 milliards et le deuxième de 130 milliards), la Grèce reste incapable de rembourser ses dettes et les négociations bloquent sur le troisième plan d’aide. Car de leur côté, les prêteurs ont eux aussi dû emprunter pour avancer de l’argent à la Grèce et craignent à leur tour de rembourser et donc de mettre à mal leurs économies.

Entre austérité et croissance, le modèle européen a-t-il toujours une chance ?

Si la Grèce a décidé d’organiser un référendum ce dimanche sur son avenir dans la zone euro, c’est parce que les négociations avec ses créanciers bloquent. Ces derniers ne semblent en effet pas disposés à créer un troisième plan d’aides, à moins de sacrifices supplémentaires, notamment sur les retraites et sur les hausses des taxes.
Or le pays réalise des sacrifices depuis bientôt 5 ans (nous pouvons citer pêle-mêle la hausse des taxes, le gel des salaires des retraités, la réduction de 30% des primes des employés du secteur public dès 2010), mais les choses ne s’améliorent pas. Selon les chiffres officiels, le chômage atteint les 25% de la population active et la dette est passée de 100% du PIB en 2006 à 171,3% en 2012. La question qui se pose est donc celle de la pertinence des mesures d’austérité, car pour la Grèce, elle ne donne pas les résultats escomptés. Et ce pays n’est que l’arbre qui cache la forêt, car des pays comme l’Espagne, l’Italie et même la France sont aujourd’hui étranglés par les mesures d’austérité. Tous doivent se soumettre aux exigences de la toute puissante Allemagne : la première puissance européenne a en effet fait de l’austérité et de la rigueur les piliers de sa croissance et compte bien apprendre la leçon aux autres. François Hollande, qui prônait la croissance pendant sa campagne, s’est très vite aperçu que la pilule ne passerait pas du côté allemand et se voit aujourd’hui obligé de rentrer dans le rang. Si la Grèce devait sortir de l’euro, cela donnerait certainement des idées aux indignés espagnols et à leurs confrères italiens et français qui souffrent de l’austérité.

C’est donc à terme le modèle européen qui serait remis en cause et qui risquerait tout simplement d’exploser avec des conséquences fâcheuses pour l’économie mondiale. Mais comment trouver un consensus et surtout quel consensus trouver ? Car la réalité est bien là : la plupart des pays européens n’arrivent pas à surmonter la crise financière de 2008 et peinent à s’adapter efficacement à la mondialisation. Et cela est bien le résultat de leurs politiques. Seule l’Allemagne, qui pratique l’austérité, a pu résister à la crise et s’en remettre. Alors que se passera-t-il dans les prochains jours ? 


Derrière la crise grecque, la bataille entre la France et l'Allemagne

La crise grecque a, depuis 2012, opposé deux écoles de pensée : d'un côté Angela Merkel et l'Allemagne qui prônent la rigueur et l'austérité. Et de l'autre, François Hollande et la France qui souhaitent l'investissement pour plus de croissance. Jusqu'à présent, l'Allemagne, dont l'avis est suivi par le FMI, a remporté la partie en obligeant la Grèce à serrer la ceinture. Mais le constat est là : depuis 2010, tous les efforts s'avèrent infructueux et la situation de la Grèce ne cesse de se dégrader. Pour autant, la solution française de la croissance n'a pas été privilégiée. Dune part, parce que c'est l'Allemagne qui est la première puissance économique européenne et qu'elle est l'un des rares pays européens à avoir surmonté la crise. Et d'autre part, parce que la France a le plus grand mal à s'en sortir avec sa propre solution : le taux de chômeurs dans l'Hexagone ne cesse de progresser chaque mois. Dans ce cas, on peut s'interroger sur le pouvoir de la France dans l'Union européenne. Certes, elle reste la deuxième puissance économique, mais dans les faits, sa voix compte de moins en moins. L'Allemagne prend régulièrement le dessus et les choses ne sont pas près de changer.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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