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Tendances lourdes et ruptures majeures

Echkoundi Mhammed,Professeur d’économie à l’Université Mohammed V Institut des études africaines.Hicham Hafid,Professeur d’économie ˆ l’Université Mohammed V Institut des études africaines.

Tendances lourdes et ruptures majeures
Après avoir surfé pendant deux siècles sur la vague de la croissance, le monde s’installerait donc dans un régime beaucoup plus paresseux.

Beaucoup d’économistes occidentaux ont, depuis la crise de 2008, stimulé une réflexion nouvelle en réhabilitant l’hypothèse de la stagnation séculaire.

En effet, certains économistes, à l’instar de Robert Gordon, spécialiste de la croissance de long terme dans les pays développés, mettent en avant l’idée du ralentissement généralisé du progrès technique et donc d’un élément indispensable à la croissance potentielle.
L’économie mondiale est traversée par quelques tendances lourdes dont les principales sont la baisse de la productivité globale des facteurs dans les pays occidentaux en raison de la perte d’efficacité de la recherche-développement, l’augmentation de l’intensité capitalistique (c’est-à-dire du poids du capital par rapport au travail), l’amaigrissement de l’industrie où les gains de productivité sont plus élevés qu’ailleurs et l’insuffisance du niveau de qualification de la population active.

Une croissance faible jusqu’en 2025

Pour nombre d’économistes, à l’instar de Gordon et Larry Summers, les trois révolutions industrielles qui ont contribué à stimuler la croissance de l’économie mondiale ne sont pas égales au regard de leur impact sur la dynamique de croissance. La deuxième (1870-1910) semble avoir eu un impact plus décisif que la première (1750-1830). La thèse de la stagnation séculaire renvoyant à l’idée que les perspectives de croissance au XXIe siècle ne peuvent en rien égaler celles du XXe. La raison en est que les innovations inhérentes à la troisième révolution industrielle ne peuvent rivaliser avec celles du siècle dernier. «Après avoir surfé pendant deux siècles sur la vague de la croissance, le monde s’installerait donc dans un régime beaucoup plus paresseux. D’autant que de nombreux facteurs contribuent eux aussi à refroidir la machine. Qu’il s’agisse du vieillissement démographique, de l’inefficacité croissante des systèmes d’éducation.»
La croissance rapide des technologies de l’information et de la communication est en train de modifier complètement nos modes de pensée. Le monde connaît une évolution majeure sous l’effet des technologies numériques. Ce qui peut générer une transformation radicale des métiers et des secteurs. Ainsi, pour Jean-Hervé Lorenzi, les pays vainqueurs de la guerre économique à venir seront ceux qui auront su capter la nouvelle vague d’innovation technologique.

Le vieillissement fera payer un lourd tribut à la croissance mondiale

Pour nombre d’analystes, le ralentissement démographique va extraordinairement peser sur la croissance mondiale dans les années à venir. Le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus passerait de 605 millions à 2 milliards en 2050. Il en résultera une baisse du taux de croissance mondiale autour de 0,4 point sur la période allant de 2014-2019 et, ensuite de 0,9% entre 2020 et 2025. L’impact négatif du ralentissement de la démographie sur la croissance mondiale se matérialise par deux aspects :
• La baisse de la population active.
• La baisse des taux d’épargne des ménages.
• Les effets sur le coût de la santé.
• L’accroissement de l’aversion au risque.
• La faiblesse de l’innovation.
Les pays qui connaîtront un fort vieillissement d’ici 2030 auront de sérieux problèmes pour maintenir leurs niveaux de vie tandis que les pays plus jeunes auront le potentiel, grâce à leur dividende démographique, pour réaliser de meilleurs taux de croissance en raison de l’importance de la population active.

Une épargne mondiale de plus en plus rare

La capacité d’équilibrer l’investissement mondial et l’épargne disponible est de plus en plus remise en question. En effet, l’économie mondiale rentre dans une nouvelle phase où l’épargne devient une ressource rare. Cette rupture majeure au niveau de l’économie mondiale est renforcée par la montée en puissance des classes moyennes avides de consommation dans les pays émergents. Ainsi, des pays tels que la Chine, qui ont joué un rôle important dans le financement de la consommation des ménages dans les pays occidentaux grâce à leur épargne, se concentrent de plus en plus sur la mise en place des systèmes de protection sociale. Ce qui veut dire que leur contribution à l’épargne mondiale sera revue à la baisse.

Un système productif de plus en plus fragmenté

Pour Pascal Lamy, ancien directeur de l’Organisation mondiale du commerce, la fragmentation du système productif mondial offre aux pays en développement une réelle opportunité pour s’industrialiser à moindre coût. En effet, la mondialisation a modifié le mode de production des biens et services. L’approche d’un système industriel se limitant à l’échelon d’un pays ne reflète plus la réalité. Elle est remplacée par des réseaux de production couvrant un ensemble de pays. Ces réseaux sont appelés les CVM.

La délocalisation : une chance pour les pays en développement

De même, la rupture fondamentale de ce siècle réside dans le fait que pour les pays développés et les pays émergents, la valeur ajoutée industrielle va brutalement changer de localisation. En effet, les mouvements de délocalisation ont donné lieu à une inversion des flux de marchandises. Le transfert de la demande de l’industrie vers les services. Ce phénomène de désindustrialisation s’explique principalement par :
• La hausse des prix des matières premières, ce qui implique une offre industrielle décroissante.
• L’accélération des nouvelles technologies et la tendance à la dématérialisation.
• Le vieillissement de la population qui favoriserait la demande des services.
En outre, les délocalisations vers les pays à bas salaires sont devenues de plus en plus fréquentes ces dernières années.

«Une délocalisation qui s’effectue de manière extensive sectoriellement et sélective géographiquement». Extension sectorielle dans la mesure où les services sont de plus en plus concernés à l’instar des centres d’appel, la saisie informatique, services de paie, gestion des relations clients, réservation, comptabilité, etc. De même, des services hautement qualifiés ont tendance à être délocalisés : l’administration de réseaux, programmation et développement de logiciels, ingénierie, design, etc. La sélection géographique se justifie par la nécessité pour le pays à bas salaire de disposer d’infrastructures de transport et de télécommunication de qualité. Par rapport au mouvement de délocalisation, il convient de distinguer entre deux types d’avantages comparatifs : les avantages longs et les avantages courts. Ainsi des avantages découlant des ressources naturelles ou de la disponibilité d’une main-d’œuvre abondante relèvent des avantages courts et flottants, tandis que des avantages issus des compétences spécifiques qui sont le fruit de long terme sont des avantages longs. «Théoriquement, les pays innovateurs peuvent récupérer des avantages antérieurement perdus par rapport aux pays retardataires imitateurs. Avec deux pays à capacités technologiques différentes, les producteurs du Sud peuvent imiter les produits découverts par le pays du Nord et les producteurs du Nord peuvent innover dans la fabrication de ces mêmes produits». D’où le phénomène des réversibilités dans les délocalisations.

La baisse conjoncturelle des prix de pétrole

La consommation énergétique mondiale est tirée principalement par les pays émergents, notamment par la Chine, l’Inde et le Brésil. La Chine est le deuxième consommateur mondial de pétrole avec une part de 13%, juste après les États-Unis (19%). De même, les pays de l’OCDE représentent plus de 40% de la demande mondiale de pétrole. Ainsi, la baisse actuelle des prix de pétrole peut s’expliquer par trois éléments majeurs : le ralentissement de l’économie chinoise, la crise économique que traversent les pays occidentaux et la hausse de la production de pétrole non conventionnel.

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