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À la recherche d’une doctrine

Par Nabil Adel M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'[email protected]

À la recherche d’une doctrine
Pour survivre dans cette nouvelle configuration des relations économiques internationales, il faut agir sur deux leviers : renforcer son économie et étendre au maximum la base de ses alliés.

Aucun développement économique n’est possible dans le contexte actuel, sans lecture et exploitation dépassionnées des relations internationales et de leur complexité. La promotion des exportations, l’attraction des investissements étrangers, le financement avantageux sur les marchés internationaux de capitaux n’opèrent pas dans un cadre isolé des éléments géopolitiques, culturels et historiques. En d’autres termes, les enjeux sont plus de plus en plus complexes et il ne suffit pas d’être performant économiquement pour réussir à l’international. Si seulement c’était aussi simple.

Les relations économiques internationales sont fondées sur une logique de domination et sur les rapports de force entre nations, loin des thèses d’un commerce international favorisant la coopération et la paix, telles qu’elles sont enseignées dans les manuels d’économie. Cet enseignement est de la pure propagande qui ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les révélations de l’agent américain Edouard Snowden sur l’espionnage par les États-Unis de leurs propres alliés ne laissent aucun doute sur les rapports réels entre pays. La confrontation sur la scène économique internationale se fait sur quatre éléments, à savoir l’exploitation de matières premières et de sources d’énergie, l’ouverture de débouchés, l’accès aux capitaux et leur placement dans des conditions optimales de rentabilité et de risque et de plus en plus l’attraction de talents et l’organisation de la fuite de cerveaux.C’est ainsi que les grandes puissances, constituées par le club des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale et de facto membres permanents du Conseil de sécurité, ont façonné le droit et les institutions internationales dans le sens qu’il leur permet d’exercer un contrôle effectif de ces éléments. Les règles qu’ils imposent de gré ou de force au reste du monde ne s’appliquent pas à eux, grâce au Joker du droit de véto et à leur mainmise idéologique et organisationnelle sur toutes les institutions internationales. Le vainqueur est avant tout celui qui impose ses normes et force ses adversaires à jouer selon des règles qu’il a lui-même établies et qu’il s’octroie le droit de transgresser quand elles ne sont plus en sa faveur (invasion de l’Iraq par les États-Unis, en dépit du refus du Conseil de sécurité). Ainsi, la performance économique d’un pays doit servir un dessein beaucoup plus grand que la simple amélioration du niveau de vie de ses citoyens. Elle doit diffuser ses valeurs et sa vision du monde.

La domination de l’Occident (environ 500 millions d’habitants) sur le reste de la planète (7,3 milliards d’âmes) n’est pas qu’économique, elle est surtout normative (capacité à fixer les règles pour tout le monde et à s’y soustraire en temps voulu).C’est la raison pour laquelle la Chine, même très puissante économiquement et militairement, n’est pas hégémonique, car elle est dans un jeu dont les règles sont fixées par les Occidentaux, en général, et les Américains, en particulier. C’est également le cas pour la Russie et le reste des pays émergents dont la performance économique ne se reflète pas dans l’influence sur la gestion des affaires du monde. Derrière les discours de paix, de développement partagé et de défense des droits et de la dignité humains, se cachent une course sans merci au contrôle des matières premières, des débouchés, des capitaux et des talents. Cette confrontation entre puissances établies et puissances montantes, même si elle est violente, n’est pas armée ; et quand elle le devient, la guerre se fait souvent par procuration. Chaque camp finançant et soutenant une partie dans un conflit et faisant en sorte que la guerre dure le plus longtemps possible pour épuiser les ressources de la partie adverse (cas de l’Iraq et de la Syrie). La confrontation directe n’est dans l’intérêt d’aucune puissance. Pour caricaturer cette nouvelle réalité, on dirait qu'il y a trois types de pays qui s'affrontent. Ceux qui décident des affaires du monde (membres permanents du Conseil de sécurité), ceux dont la position pèse dans ces décisions (autres membres du G20) et les autres qui les subissent sans être consultés, même quand ils sont directement concernés. Alors que la distinction était jusque-là idéologique, elle est devenue économico-militaire. Quand un pays dispose de ces deux leviers, il fait partie de la première catégorie de pays, quand il n'a qu'un levier sur deux, il fait partie de la deuxième. La dernière catégorie échoit à ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre.

Au Maroc, nos trois priorités économiques à l’international doivent être de promouvoir nos exportations, d'attirer et exporter le maximum d’investissements et de se financer à conditions avantageuses en cas de déficit. Pour survivre dans cette nouvelle configuration des relations économiques internationales, il faut agir sur deux leviers : renforcer son économie et étendre au maximum la base de ses alliés. Nous nous focaliserons sur le deuxième levier, sachant que le premier a fait l’objet de plusieurs chroniques. En tant que puissance régionale de taille moyenne, le Maroc ne peut pas s’offrir le luxe d’avoir des tensions à ses frontières ou avec les pays riverains, et plus particulièrement l’Algérie, la Mauritanie, la France et l’Espagne, ni de se couper institutionnellement de son continent. Une diplomatie éclairée est celle qui augmente le nombre d’alliés et réduit le nombre d’adversaires. C’est simple et ça se mesure. Tout en défendant farouchement nos intérêts, nous ne devons pas tomber dans le piège mortel qui nous est tendu, à savoir nous isoler géopolitiquement et moralement sur la scène régionale et internationale. En bons commerçants que nous devons être, nous devons nous faire aussi peu d’ennemis que possible, car il y va de la valeur de notre fonds de commerce. En matière de relations internationales, les protagonistes alignent leur morale sur leurs intérêts et non l’inverse.
Accepter et intégrer cette réalité nous permet de voir le monde tel qu’il est. Faute de quoi, notre émergence ne dépassera pas le stade des vœux !


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