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Défis 2016 : le mot de la fin

Par Nabil Adel M. Adel est cadre dirigeant d’assurances, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'ESCA.

Défis 2016 : le mot de la fin
Les métiers mondiaux du Maroc ont permis de contribuer positivement à la croissance, à la création d’emplois et à l’équilibre des échanges commerciaux extérieurs du pays et ont inscrit le pays dans la carte géoéconomique mondiale des investissements

2016 commence déjà sur les chapeaux de roue. Avant son début, elle est confrontée à une saison agricole moyenne dans le meilleur des cas. Il en résultera hélas des résultats économiques mitigés avec un taux de croissance ne dépassant guère les 3%. C’est très insuffisant. 2016 est également une année électorale où le gouvernement doit présenter un bilan et proposer un programme. Entre réformes impopulaires risquant de coûter à M. Benkirane sa réélection et calculs politiques légitimes, 2016 ne sera certainement pas une année comme les autres.

Croissance, encore croissance et toujours croissance
Comme en 2015, et certainement en 2017 et au-delà, le principal défi de l’économie marocaine cette année est de s’inscrire dans une dynamique de croissance soutenue, permettant à la fois de résorber le chômage à court terme et de mettre le Maroc sur la voie du développement à long terme. Les politiques économiques suivies par tous les gouvernements depuis trois décennies se sont toutes focalisées sur la préservation des équilibres macroéconomiques et la lutte contre l’inflation, au détriment de la croissance et de la création de richesses. Le traumatisme du plan d'ajustement structurel de 1983 a décidément la peau dure. Le logiciel marocain a depuis été formaté sur la doctrine néolibérale et monétariste et il faut du temps pour le reprogrammer sur autre chose. Aujourd’hui, les comptes publics sont certes globalement bien tenus, mais au prix d’un chômage qui dépasse la barre des 10%. Tant que l’économie marocaine continue en 2016 à dépendre de la générosité du ciel, parler de politiques économiques volontaristes est un slogan.

Agir sur les bons leviers : 3M
Les métiers mondiaux du Maroc (3M) ont permis de contribuer positivement à la croissance, à la création d’emplois et à l’équilibre des échanges commerciaux extérieurs du pays. Ils ont, par ailleurs, inscrit le Maroc dans la carte géoéconomique mondiale des investissements directs. En cela, leur apport est hautement appréciable. Il s’agit à présent de diversifier nos partenaires et consolider nos acquis sur ces métiers où nos positions demeurent encore fragiles, du fait d’une forte dépendance à l’égard de quelques acteurs (Renault, Bombardier…). D’autre part, il y a lieu de lancer une nouvelle génération de filières porteuses de croissance, telles que les énergies renouvelables où notre pays commence à jouer dans la cour des grands, les métiers de la logistique et de la mer et les technologies de l’information. Le principal défi pour nous est d’augmenter la part des produits à forte valeur ajoutée et à haut contenu technologique, pour ne plus être dépendant que du coût de la main-d’œuvre. Outre les métiers mondiaux, le pays dispose également d’une carte à jouer dans les secteurs plus traditionnels, tels que l’agroalimentaire, les métiers de la distribution et quelques segments dans le textile.

Diversifier les débouchés
L'hostilité manifestée par certaines instances de l’Union européenne à l'égard des intérêts économiques du Maroc nous renvoie à l’une de nos tares économiques. En effet, la concentration de nos échanges commerciaux sur deux pays (France et Espagne) qui représentent plus du tiers de notre commerce extérieur nous met en position d’extrême fragilité, tant économique que géopolitique. Le monde ne se limite pas à un seul marché. Et pourtant, par suivisme culturel et tradition historique, nous nous enfermons dans une dépendance économique et commerciale mortelle.
C’est plus qu’une erreur, c’est un péché économique. L’ouverture timide sur d’autres partenaires est pour le moment réduite à des accords sur le papier qui ne se traduisent, malheureusement, ni dans les chiffres du commerce extérieur, ni dans la réalité économique de tous les jours. Le peu d’entreprises exportatrices que nous comptons continuent d’avoir les yeux rivés sur l’Europe. Et même à l’intérieur du Vieux Continent, nous sommes insuffisamment diversifiés.Ce paradoxe géoéconomique s’explique à la fois par les choix politiques du Maroc (ouverture économique salutaire, mais mal préparée, et forte dépendance culturelle de nos dirigeants) et par la faiblesse de la base productive du pays, qui limite notre capacité à explorer d’autres cieux. Par ailleurs, l’ouverture de notre économie et sa compétitivité à l’international demeurent insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées par une diplomatie économique dynamique et proactive. Sous d’autres cieux, la diplomatie est une machine de guerre économique efficace et bien huilée. La crise entre la Russie et la Turquie, l’importance du marché américain avec lequel nous avons signé des accords de libre-échange et les potentialités de l’Afrique que nous passons notre temps à séduire ouvrent pour notre économie d’importantes perspectives de croissance et de diversification, et pourtant !

N’oublions pas l’essentiel
Qu’il s’agisse de la croissance économique ou de la diversification des débouchés et la dynamique des exportations, des réformes en profondeur du tissu productif sont à entreprendre et attendent toujours. Elles concernent en priorité l’amélioration du climat des affaires, où nous comptons certes quelques avancées, mais où nous accumulons des retards significatifs. L’autre levier est la qualification de notre capital humain et sa préparation à affronter les défis d’une économie qui s’ouvre. La nouvelle concurrence à laquelle nous assistons n’est plus entre pays, mais entre entreprises attirant les meilleurs talents où qu’ils soient. D’où l’épineuse et éternelle question de notre système éducatif qui doit être réformé en profondeur. Il est déraisonnable que nous tolérions un système où nous figurons parmi les pays qui dépensent le plus et récoltent les pires résultats. Chaque année, nous perdons, en raison de la persistance de ce problème, de précieux points de croissance. Enfin, il y a lieu d’accompagner plus sérieusement le secteur privé, notamment les TPE et l’informel, qui ont longtemps été sacrifié sur l’autel des accords de libre-échange signés dans la précipitation et auxquels nous ne les avons pas préparés. Classique ! 

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