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Dette extérieure du Maroc : loin des opinions, analysons les faits

Par Nabil Adel M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'[email protected]

Dette extérieure du Maroc : loin des opinions, analysons les faits

La dette extérieure d’un pays est décriée comme source de perte de souveraineté économique et politique. D’autant plus que les pays s’endettent de plus en plus auprès de marchés financiers internationaux, ce qui alimente toutes sortes de fantasmes. À l’origine de toute dette, une consommation de richesses supérieure à leur production. Au Maroc, les politiques budgétaires menées par les différents gouvernements ont creusé les déficits publics et ont justifié le recours massif à la dette. Et comme si ce n’était pas suffisant, la politique monétaire s’y met aussi ! Où allons-nous ?

Dette : processus de fabrication

La dette est un transfert momentané de capitaux, moyennant rémunération avec obligation de remboursement. Elle est contractée par des agents économiques ayant des besoins de financement auprès d’autres agents ayant des excédents d’épargne. En termes moins savants, la dette est contractée par ceux qui dépensent plus qu’ils ne gagnent (Américains par exemple) auprès de ceux qui gagnent plus qu’ils ne dépensent (Chinois par exemple). C’est valable pour les ménages, les entreprises et les pays. L’endettement des États s’opère quand leurs dépenses (salaires et traitements des fonctionnaires, investissements publics, service de la dette, etc.) dépassent leurs recettes (fiscalité et parafiscalité, revenus des entreprises publiques, etc.). Au Maroc, les différentes politiques économiques depuis la fin du Programme d’ajustement structurel ont fabriqué la dette de toutes pièces. En réduisant systématiquement les revenus de l’État (baisse des taux marginaux d’IS et d’IR, niches fiscales abondantes et baisse des droits de douane) et en prenant en charge les dépenses ruineuses de compensation (qui n’ont bénéficié qu’aux plus riches), l’État a libéré du pouvoir d’achat pour les ménages et les entreprises et a grevé le sien. Résultat, ce sont ces excédents de revenus qui viennent aujourd’hui financer les déficits de l’État. En octroyant tous ces avantages, l’objectif de l’État était de booster la croissance. Il n’en fut rien. La croissance est restée molle et les déficits publics se sont creusés (si on exclut l’économie résultant de la réforme de la caisse de compensation). De même, notre politique monétaire, qui réduit la performance du pays à la distribution de crédits, a endetté les Marocains sans créer les conditions d’une croissance économique pérenne. Aujourd’hui, nous devons financer notre folie dépensière en produits importés, en partie par de la dette extérieure.

Dette extérieure du Maroc : Radioscopie

La dette extérieure se produit quand, au lieu de s’endetter auprès de ses propres agents économiques, un pays recourt à l’épargne internationale pour financer ses déficits. En 2015, la dette extérieure du Maroc se chiffrait à 14,2 milliards de dollars, soit 14,3% du PIB contre 12,1% en 2011, mais en amélioration par rapport à 2014 où elle représentait 15,3% de la richesse nationale. L’essentiel de cette dette est contracté auprès des institutions internationales (48,6% de la dette en 2015 contre 52,9% en 2011) et auprès du marché financier international (32,8% de la dette en 2015 contre 13,5% en 2011). Notons une baisse de la part des créanciers bilatéraux (dettes octroyées directement par les pays étrangers). Ainsi, leur part est passée de 33,6% en 2011 à 18,6% en 2015. Cette réorientation de l’endettement vers les marchés financiers serait dictée par les conditions avantageuses de financement pour le Maroc qui, bénéficiant d’une bonne notation, a pu lever des fonds à des taux avantageux. Cette politique présente, toutefois, l’inconvénient de rendre notre pays tributaire des évaluations des agences de notation. En effet, notre politique économique serait désormais sous leurs loupes et à la moindre dégradation conjoncturelle des équilibres macroéconomiques, notre note se dégradera et le coût de l’endettement augmentera. Ceci conduira nos responsables à privilégier l’équilibre à court terme, à la réforme structurelle à long terme.

Notre dette extérieure est, par ailleurs, libellée à hauteur de 75,9% en euro et 16,7% en dollar. La prépondérance de l’euro dans notre structure d’endettement fragilise nos équilibres financiers. En effet, dans une perspective de passage aux changes flottants, toute appréciation de la monnaie unique par rapport au dirham renchérira, à due concurrence, le coût de notre dette extérieure. Enfin, notons que la dette extérieure est à 100% à long et moyen termes et aux deux tiers à taux fixes, ce qui immunise le Maroc contre la volatilité des marchés financiers internationaux. Le recours de l’État à l’endettement en général et à l’endettement externe en particulier reste tributaire de deux facteurs structurels. D’abord, la réduction du déficit budgétaire et l’amélioration de la visibilité chez les opérateurs économiques suite aux mesures visant le rétablissement des équilibres macroéconomiques à travers la poursuite de la réforme du système de compensation et celle du système fiscal. Le second facteur est le redressement des comptes extérieurs du Maroc, en accroissant les exportations à forte valeur ajoutée, en relançant le tourisme et en attirant davantage d’investissements étrangers où le Maroc est loin de réaliser son plein potentiel. D’un point de vue conjoncturel, l’encaissement de recettes en provenance des pays du Golfe sous forme de dons permettra, à coup sûr, de réduire notre recours à l’endettement externe, mais ne saurait représenter une alternative crédible aux mesures structurelles de réforme de notre économie. D’un point de vue culturel, la dette est une facilité, dont l’abus conduit à privilégier la consommation à court terme, à la production de richesses à long terme. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup de mal à comprendre l’acharnement des autorités monétaires à endetter les Marocains, sachant qu’à peine le quart des crédits distribués va au financement de l’équipement, le reste est englouti dans une consommation sans lendemain. Un pays qui compte sur l’effort d’autres pays pour vivre au-dessus de ses moyens est condamné à terme. Une leçon précieuse d’histoire que nous avons intérêt à méditer longuement.

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