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Espace de rivalité et terrain d’influence

La globalisation des risques financiers, l’évolution de la technologie de l’information et la dérèglementation du secteur bancaire ont toutes trois révolutionné la finance internationale. Dès 1986, Charles Goldfinger introduisit le concept de géofinance. Depuis, la finance peut être considérée comme un espace de rivalité entre nations et peut conduire à la mise en place par des acteurs financiers d’une géostratégie dans l’espoir d’accroitre leur pouvoir.

Espace de rivalité et terrain d’influence

On se rappellera toujours du rapprochement opéré entre New York Stock Exchange (NYSE) et la place boursière européenne Euronext. Quand la CIA dispose de ses propres fonds d’investissement tels Carlyle ou IN-Q-Tel, l’étroite relation entre la finance et le monde de la politique et du renseignement n’est plus à démontrer. D’ailleurs, depuis bien des années, on a commencé à nuancer l’idée selon laquelle seule la recherche de la rentabilité ou d’un positionnement financier stratégique motive le choix des fonds souverains. Souvent, leurs ambitions stratégiques menacent la sécurité économique d’une nation ainsi que sa souveraineté industrielle et technologique. Ce qui a rendu nécessaire la prise au sérieux d’une pareille menace.

Durant les années 2000, on a relevé un gros appétit des fonds souverains américains pour les industries européennes d’armement. Un tel comportement était qualifié dans le rapport, réalisé en 2005 sur la participation des capitaux étrangers aux industries européennes d’armement, «d’une forme d’encerclement de l’industrie terrestre européenne». Emboitant le pas aux pays industrialisés, des pays comme la Chine, la Russie, le Venezuela ou le Nigéria ont contribué à la modification des équilibres géofinanciers via leurs fonds d’investissement alimentés en pétrodollars. Des ressources qui sont aussi bien utilisées pour l’achat de bons du Trésor et de titres obligataires que pour la prise de participation dans des fleurons nationaux européens ou américains, à l’instar d’EADS, Barclays ou Blackstone.

La prise d’intérêts des nations sur le territoire financier, que ce soit pour des motifs stratégiques ou idéologiques, se fait sur un autre plan, à savoir celui de la lutte pour le contrôle des grandes institutions bancaires et financières. Une lutte qui s’annonce de plus en plus acharnée entre les acteurs les plus puissants et d’autres émergents qui cherchent à renforcer le rôle des acteurs régionaux dans la prise de décision. De plus, la mise en place de nouvelles institutions défie clairement les piliers de Bretton Woods et accentue le processus de transition vers de nouvelles formes de gouvernement avec pour objectif la régionalisation financière. Les banques régionales fonctionnent en faveur de l’intégration régionale et contre «la doctrine du pivot» impulsée par les États-Unis.

Depuis 2013, la Chine œuvre pour la mise en place d'institutions financières régionales moins dépendantes des États-Unis. En complément de la nouvelle banque de développement proposée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) en 2014, on assiste en octobre de la même année au lancement à Pékin de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) par 22 pays asiatiques et plus de 40 pays hors Asie. Atlantistes jusqu’au bout, l’Inde et le Japon ne font pas partie de l’aventure, bien que cette institution pourrait être d’un grand support pour des projets d’infrastructures d’envergure en Asie.

On se rappellera toujours du rapprochement opéré entre New York Stock Exchange (NYSE) et la place boursière européenne Euronext. Quand la CIA dispose de ses propres fonds d’investissement tels Carlyle ou IN-Q-Tel, l’étroite relation entre la finance et le monde de la politique et du renseignement n’est plus à démontrer. D’ailleurs, depuis bien des années, on a commencé à nuancer l’idée selon laquelle seule la recherche de la rentabilité ou d’un positionnement financier stratégique motive le choix des fonds souverains. Souvent, leurs ambitions stratégiques menacent la sécurité économique d’une nation ainsi que sa souveraineté industrielle et technologique. Ce qui a rendu nécessaire la prise au sérieux d’une pareille menace.
Durant les années 2000, on a relevé un gros appétit des fonds souverains américains pour les industries européennes d’armement. Un tel comportement était qualifié dans le rapport, réalisé en 2005 sur la participation des capitaux étrangers aux industries européennes d’armement, «d’une forme d’encerclement de l’industrie terrestre européenne». Emboitant le pas aux pays industrialisés, des pays comme la Chine, la Russie, le Venezuela ou le Nigéria ont contribué à la modification des équilibres géofinanciers via leurs fonds d’investissement alimentés en pétrodollars. Des ressources qui sont aussi bien utilisées pour l’achat de bons du Trésor et de titres obligataires que pour la prise de participation dans des fleurons nationaux européens ou américains, à l’instar d’EADS, Barclays ou Blackstone.
La prise d’intérêts des nations sur le territoire financier, que ce soit pour des motifs stratégiques ou idéologiques, se fait sur un autre plan, à savoir celui de la lutte pour le contrôle des grandes institutions bancaires et financières. Une lutte qui s’annonce de plus en plus acharnée entre les acteurs les plus puissants et d’autres émergents qui cherchent à renforcer le rôle des acteurs régionaux dans la prise de décision. De plus, la mise en place de nouvelles institutions défie clairement les piliers de Bretton Woods et accentue le processus de transition vers de nouvelles formes de gouvernement avec pour objectif la régionalisation financière. Les banques régionales fonctionnent en faveur de l’intégration régionale et contre «la doctrine du pivot» impulsée par les États-Unis.
Depuis 2013, la Chine œuvre pour la mise en place d'institutions financières régionales moins dépendantes des États-Unis. En complément de la nouvelle banque de développement proposée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) en 2014, on assiste en octobre de la même année au lancement à Pékin de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) par 22 pays asiatiques et plus de 40 pays hors Asie. Atlantistes jusqu’au bout, l’Inde et le Japon ne font pas partie de l’aventure, bien que cette institution pourrait être d’un grand support pour des projets d’infrastructures d’envergure en Asie.

Une de ses premières actions sera de mobiliser des ressources pour relier les réseaux régionaux de valeur, à travers par exemple la «Route de la soie du 21e siècle», une ceinture économique qui inclut un ample réseau de chemins de fer au niveau continental, qui reliera la Chine à l’Asie centrale, la Russie, l’Europe et peut être même au Levant. Pour certains pays asiatiques, la BAII est considérée comme une institution qui va rivaliser directement avec la Banque asiatique de développement, fondée en 1966 sous la domination écrasante des États-Unis et du Japon. Le leadership chinois dans cette institution est plus qu’apparent, et ce à trois niveaux : 1. La Chine dispose au sein de cette institution de 35% des voix, puisque les droits de vote sont fixés au prorata du PIB. 2. Le responsable de l’institution n’est autre que le chinois Jin Liqun, ex-président de l’assemblée des superviseurs du fonds souverain chinois (Sovereign Wealth Fund) et ex-vice-président de la Banque asiatique de développement. 3. Comme pour la Banque de développement du groupe BRICS, la ville de Pékin sera le siège principal de la BAII. La rivalité sino-américaine se révèle aussi dans la position de Washington très critique vis-à-vis du projet de la BAII. Et au moment où l’Europe occidentale manifeste un grand intérêt pour le projet, l’Amérique du Nord (États-Unis, Mexique et Canada) refuse d’y adhérer.

Cela n’a pas empêché la Chine de remporter un franc succès diplomatique puisqu’elle aura réussi à fédérer 57 pays qui sont membres fondateurs. De plus, le Fond monétaire international, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement ont manifesté le désir de coopérer avec la nouvelle institution. Même les États-Unis, qui avaient boudé le projet au début, ont fait part de leur volonté de coopération avec l’AIIB. S’agit-il d’une tactique ou est-il question d’une révision de la position vis-à-vis de cette institution pour la considérer désormais plus comme un complément que comme une rivale ? Assistons-nous à une transition d’une approche fondée sur le conflit d’intérêts à une démarche de partage pour une diplomatie plus constructive, plus consensuelle et plus «douce» sur le territoire-finance ? Seul l’avenir nous le dira.


La Banque asiatique de développement : un instrument de la «doctrine Pivot»

Avec l’appui inconditionnel du Japon et en pleine Guerre froide, la Banque asiatique de développement est une institution orientée vers les intérêts géo-économiques et géopolitiques des États-Unis. Contrairement à la Chine continentale et Hong Kong qui possèdent respectivement 7 et 6,21%, le Japon et les États-Unis constituent les actionnaires majoritaires avec 31,23% du capital souscrit et 25% du pouvoir de vote. Tokyo conserve, depuis le début et jusqu’à aujourd’hui, la présidence de la Banque asiatique de développement à l’instar des Européens et Américains qui gouvernent depuis 1944 le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Le statut de seule puissance industrielle asiatique a conféré au Japon un rôle de premier plan. Son expertise et son niveau technologique, mais aussi ses besoins en matières premières, l’expansion de ses marchés d’exportation, ainsi que sa recherche constante de nouvelles opportunités d’investissements, lui ont donné un poids particulier au sein de l’organisation. À la différence de ses homologues, la Banque africaine de développement (BADf) et la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque asiatique a ouvert son capital aux pays industrialisés, l’argument avancé étant, à juste titre, que l’essentiel des ressources proviendrait de ces pays riches. L’engagement de ces derniers était motivé par la possibilité d’orienter leurs propres politiques de développement tout en préservant leurs intérêts économiques et politiques. Pour rappel, la Banque asiatique de développement (BAD) a été fondée en 1966, pour soutenir le développement économique et social des pays d’Asie et du Pacifique en leur procurant une assistance technique et en octroyant des prêts. Elle contribue à alléger la pauvreté de cette partie du monde et veut se doter de la capacité de créer un monde dans lequel les avantages seront partagés de manière soutenue et inclusive. En 2008, la BAD a mis sur pied la stratégie 2020, toujours dans le sens de libérer de la pauvreté ses pays membres tout en améliorant les conditions et la qualité de vie. Pour atteindre cet objectif, la BAD soutiendra trois principaux programmes de développement, à savoir : La croissance économique inclusive, la croissance durable de l’environnement et l’intégration régionale.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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