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Et si les pays d’Afrique de l’Est étaient l’exemple à suivre ?

L’Afrique, ou plutôt les Afriques, cette cinquantaine de pays de différentes cultures, de différents passés coloniaux, de diverses fortunes et de multiples climats, cumule plus de 1,1 milliard d’habitants, soit 16% de la population mondiale. C’est ainsi que des pays aussi disparates que l’Afrique du Sud, le Tchad, le Niger, l’Égypte ou le Maroc semblent cristalliser les attentes et les espérances, les plus folles parfois, des observateurs économiques de tous bords.

Se positionnant souvent dans la posture du grand frère, le Maroc semblait regarder une partie non négligeable de ses voisins africains avec une bienveillance parfois teintée d’une certaine indifférence, et ce jusqu’à la fin des années 1990, comme l’attestent les transactions économiques Sud-Sud, pour la plupart réduites à la portion congrue, et encore davantage concentrées au sein d’une «zone de confort» de pays (Mauritanie, Sénégal…) portant une considération toute spécifique à notre Royaume.

C’est ainsi également que les échanges avec des pays un peu plus éloignés géographiquement ou culturellement, notamment ceux d’Afrique de l’Est (Kenya, Éthiopie, Ouganda, Tanzanie, Rwanda…) se limitaient le plus souvent à des flux anecdotiques, à des niveaux tellement faibles qu’ils n’étaient le plus souvent même pas listés dans les détails des exportations et importations réalisées par notre pays. Il me semble intéressant d'approfondir l'analyse de cette partie de l'Afrique, sans doute la plus méconnue par nous, contrairement aux grandes économies (Afrique du Sud, Nigeria…), à celles de pays voisins (Algérie, Tunisie, Mauritanie…), de pays culturellement proches (Égypte, Libye, Sénégal, Mali…), qu'il s'agisse de proximité linguistique, culturelle ou religieuse.

Il est indéniable que les pays d'Afrique de l'Est cités précédemment disposent de ressources limitées et par conséquent de potentiel commercial encore embryonnaire, comme en apportent la preuve, par exemple, des PIB de l’ordre de 63 milliards de dollars pour le Kenya, ou de 46 milliards de dollars pour la Tanzanie, pour des populations respectives de l’ordre de 46 et de 51 millions d’habitants, là où le Maroc émarge à un PIB excédant les 100 milliards de dollars, pour une population substantiellement moins importante (36 millions environ). Il est également vrai que ces pays possèdent des ressources limitées en termes de matières premières (l’importation de pétrole représentant à titre indicatif 30 et 23% des importations de la Tanzanie et du Kenya), ce qui exclut quasiment de fait le Maroc d'une place de partenaire économique privilégié de ces pays. Tout ceci légitime dans une assez grande mesure la modicité des transactions entre le Maroc et cette partie de l’Afrique.
Toutefois, il existe certainement un terrain sur lequel ces pays pourraient donner de véritables leçons au Maroc, à savoir celui de l’intégration géographique économique. Ainsi, un pays comme le Kenya trouve le moyen d’exporter 12 et 7% de ses richesses à ses voisins ougandais et tanzanien, indépendamment de la faiblesse de leurs économies respectives.

Bien plus, un pays aussi modeste que le Burundi et ses 3 milliards de dollars de PIB (soit, à titre de mise en perspective, le montant du chiffre d'affaires du secteur des assurances au Maroc) importe 11, 8 et 7% de ses besoins du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda, illustrant un modèle d’intégration géographique assez remarquable.
Qu’en est-il de notre pays ? Près de 50% de nos exportations sont orientées vers les marchés français et espagnol, tandis que nos premiers marchés d’importation demeurent l’Espagne, la France, la Chine, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Allemagne, l’Italie et la Russie.
Quid de l’intégration géographique ? Quasiment inexistante. Toute juste quelques millions de dollars de flux croisés avec le voisin algérien, guère plus avec la Tunisie.
La situation semble d’autant plus paradoxale que les principales importations du Maroc demeurent le pétrole (20% des importations entre pétrole brut et pétrole raffiné) et le gaz naturel (5% des importations), soit les principales ressources de notre voisin algérien.

Dans une telle logique, et devant la possibilité de réaliser des économies d’échelles et de coûts logistiques plus que conséquentes, il semble donc dommageable que les relations avec l’Algérie demeurent à ce point anecdotiques. En parallèle, un avantage concurrentiel majeur pour le Maroc, comparativement à ses voisins algérien et tunisien notamment, a trait particulièrement aux avancées notables réalisées par le Royaume sur le terrain du développement et de la gestion des infrastructures, notamment au cours des deux dernières décennies. C’est ainsi que des ports majeurs ont vu le jour (Tanger Med notamment) ou sont en cours de développement (Safi, Kénitra), que des aéroports ont été construits ou sérieusement réaménagés (Oujda, Marrakech, Casablanca…), des gares ferroviaires complètement remises à niveau (Casablanca, Marrakech…) ou encore des centaines de kilomètres d’autoroutes aménagées, sans parler de projets d’envergure internationale réalisés ou escomptés (mosquée Hassan II à Casablanca, Marina du Bouregreg à Rabat, Grand Théâtre de Casablanca…).

Dans une logique assez similaire, l’électrification et l’accès à l’eau potable ont été quasiment généralisés, tandis que la lutte contre l’habitat insalubre a connu des avancées majeures, avec des centaines de milliers de logements sociaux livrés au cours de la dernière décennie.

Même s’il est vrai que certaines composantes de ces projets demeurent perfectibles, notamment en termes de qualité des logements sociaux, il est assez intéressant de constater que l’Algérie s’est lancée depuis quelques années dans une politique de grands travaux assez similaire à la nôtre, quoique substantiellement décalée dans le temps, avec pour points d’orgue la Grande Mosquée d’Alger, censée devenir la troisième plus grande mosquée du monde (avec un coût escompté entre 1 et 5 milliards d’euros, selon diverses sources assez discordantes), le Grand Stade d’Alger ou encore le pôle universitaire de Bouzareah.
Assez intuitivement, et au regard de la proximité culturelle et linguistique entre les 2 pays, au-delà de la proximité géographique en tant que telle, une coopération entre l’Algérie et le Maroc, de manière à capitaliser sur l’expérience marocaine en termes d’ingénierie et de conduite de projets, somme toute similaires, aurait été plus que légitime.

Combien d’opportunités ainsi gâchées par le manque d’intégration économique régionale ! Capitaliser sur l’exemple de certains «petits frères» africains peut être très porteur d'enseignements… 

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