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Faire naitre le Maghreb économique pas à pas !

Aujourd’hui, dans les cinq pays de l’Union du Maghreb arabe (UMA), l’étroitesse des marchés domestiques rend difficile pour les entreprises tant leur montée en gamme que leur diversification, tandis que la concentration des exportations sur des spécialisations similaires et sur quelques marchés de débouchés, essentiellement européens, limite les opportunités de développement. Dans de telles conditions, il est particulièrement regrettable que l’opinion générale se soit installée qu’un Maghreb économique serait bâti sur des économies régionales peu complémentaires et n’aurait de véritable intérêt qu’à attirer les investissements étrangers, à condition que soient levées très rapidement les barrières fiscales, douanières et tarifaires, ce qui parait peu réaliste. Il convient donc de souligner quelles complémentarités pourrait faire naitre un Maghreb économique et comment il pourrait le faire pas à pas.

Faire naitre le Maghreb économique pas à pas !

Un jour, des économistes ont calculé «le coût du non-Maghreb» et l’ont estimé à 2% de croissance par an pour chacun des pays membres de l’UMA. Depuis, ce chiffre a été repris un peu partout, bien qu’il paraisse hautement fantaisiste ! Pourquoi 2% ? On ne l’a jamais vraiment su et l’on peut même se demander si cette mesure a un sens. Quel est ce Maghreb susceptible de générer 2% de croissance ? Est-ce un marché unique ? Totalement ou bien partiellement intégré ? Correspond-il à une zone monétaire en plus ? Sur quelles projections se fonde-t-on ?

Les économistes, en l’occurrence, semblent avoir raisonné assez simplement : moins de 2% aurait paru peu intéressant ; plus de 2% aurait semblé élevé et il aurait fallu justifier un peu plus en détail l’assertion. Pourtant, 2% peuvent paraitre assez faibles et que ce chiffre ait été repris un peu partout témoigne peut-être surtout qu’au fond on n’attend pas grand-chose d’un marché maghrébin intégré, s’il se réalisait !
On sait que les échanges économiques entre les pays membres de l’UMA sont très faibles – les plus faibles de tous les flux d’échanges au sein des zones d’accords régionaux existantes. Une opinion s’est donc développée et paraît aujourd’hui largement partagée : si les échanges sont si faibles, c’est que les économies maghrébines sont peu complémentaires et se concurrencent plutôt : hydrocarbures algérien et libyen, textile et tourisme marocain et tunisien. Dans ces conditions, admet-on, un Maghreb économique serait surtout profitable aux investissements directs étrangers (IDE). Il permettrait aux grandes entreprises étrangères de couvrir un marché de plus de 75 millions d’habitants en réalisant des économies d’échelle et sans avoir à gérer des démarches d’implantation distincte dans chacun des cinq pays.

Dans ces conditions, réaliser un Maghreb économique reposerait sur deux piliers : abattre ou harmoniser les conditions tarifaires, fiscales et douanières d’une part ; développer de grandes infrastructures d’autre part. Cette vision est devenue la plus commune sans doute. Elle est cependant assez problématique, car elle revient à dire que, pour que cela marche, il faudrait d’emblée réaliser ce qu’il y a de plus difficile ! Elle revient également à promouvoir des investissements d’infrastructure pour développer le commerce, ce qui en général n’aboutit qu’à d’énormes gâchis – les investissements utiles suivent le commerce, mais le contraire est rarement vrai. Autre perspective discutable : cette approche semble considérer que le développement d’infrastructures de transport favorise le développement de l’ensemble d’un territoire. Pourtant, le contraire est plus souvent constaté : au début du XXe siècle, le développement du chemin de fer a fait de Chicago une capitale régionale incontournable, à l’encontre de ce qu’on attendait. Dans le cas du Maghreb, il est probable que le développement de réseaux de transport transnationaux conséquents, si l’on commençait uniquement par lui, aboutirait vite à de fortes concentrations des activités sur un ou deux points : une capitale régionale (Tunis ?) et le port le plus accueillant (Tanger Med). Bien sûr, un Maghreb économique est inenvisageable sans le développement d’infrastructures logistiques et de transport. Mais celles-ci ne le créeront néanmoins pas seules. Il faudra bien partir de complémentarités existantes et les développer.

Il faut à cet égard souligner que le terme «complémentarités» recouvre en l’occurrence des aspects nettement distincts. Par complémentarités, il faut en effet entendre synergies, filières, productivité, approvisionnement et expertises. Les synergies se fondent sur le mixage de deux ressources et industries complémentaires. Dans le cas qui nous occupe, on peut particulièrement penser aux phosphates marocains et aux hydrocarbures algériens associés dans une industrie performante des engrais. Les filières s’entendent de compléments de gamme qui permettent d’élaborer une offre plus large sur un marché lui-même élargi. Le tourisme ou les matériels électriques pourraient ici représenter de telles filières.

La productivité, en termes de complémentarité, recouvre la mise en compétition d’industries ou de services comparables, dont l’affrontement produit à la fois des faillites, mais une hausse globale de la productivité – en général, ces secteurs sont donc très progressivement mis en concurrence. Le textile, mais aussi les banques représentent de tels secteurs dans le cas du Maghreb, particulièrement entre le Maroc et la Tunisie.
Les approvisionnements relèvent de la complémentarité si apparaissent, à l’échelle régionale, des entreprises plus larges et puissantes, mieux armées pour peser sur leurs coûts d’approvisionnement et en faisant bénéficier les consommateurs finals. L’agroalimentaire et la grande distribution sont notamment concernés. La complémentarité régionale joue enfin quand une expertise dont bénéficie un pays peut, par élargissement du marché, bénéficier à d’autres qui en manquent. Les nouvelles technologies (y compris environnementales) et les services experts et culturels peuvent être cités en exemples.

Ce simple et très sommaire tour d’horizon souligne qu’au sein d’un Maghreb économique, les complémentarités pourraient sans doute être beaucoup plus fortes qu’on ne pense, surtout si l’on considère que le Maghreb offre une homogénéité culturelle (de langues notamment) et économique (similarité des structures commerciales) dont très peu d’accords régionaux ont pu bénéficier – il suffit de penser à l’UE ! Par ailleurs, ces complémentarités endogènes pourraient encore être renforcées par l’apport d’investissements étrangers. Tout cela invite à adopter une approche micro-économique d’intégration régionale, qui ne va pas du tout à l’encontre de projets plus globaux, comme le financement d’infrastructures communes, au contraire et qui ne peut que profiter d’institutions régionales, comme la récente Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE). En revanche, cette approche invite à envisager non pas un grand big bang tarifaire et fiscal entre tous les pays, mais une harmonisation par secteurs et par étapes – l’UE ou l’Asean, après tout, ne se sont pas bâties autrement. Pourtant, quand on parle d’un Maghreb économique, on se fixe volontiers une perspective d’élargissement global et quasi immédiat, pour réaliser immédiatement à quel point il paraît inaccessible.
Au total, selon cette approche, la première démarche consisterait en un travail commun – que la BMICE pourrait parfaitement piloter – de cartographie des entreprises de croissance susceptibles d’avoir un potentiel maghrébin. Repérer, en d’autres termes, 250 entreprises clés d’un Maghreb économique, dès demain. La prise de conscience d’un tel potentiel d’acteurs complémentaires, aux cinq sens que nous avons distingués ci-dessus, soulignant tout ce qui pourrait être réalisé, ferait sans doute plus avancer les esprits que bien de grandes conférences. 


L’intégration économique régionale

Durant les années 1980-1990, qui ont été caractérisées notamment par une nouvelle phase d’intégration planétaire des phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels, les accords d’intégration régionale ont connu à leur tour un regain d’intérêt. Ces zones élargies regroupent fréquemment des pays situés à des niveaux de développement sensiblement différents. L’intégration économique régionale est un processus multidimensionnel qui consiste à rapprocher les nations entre elles pour supprimer toutes les entraves à la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des facteurs de production et favoriser ainsi les échanges.

Elle peut être mesurée par le nombre d'organisations régionales à vocation économique existantes. Les principales organisations à ce jour sont : l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), Marché commun du Sud (Mercosur), l'Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) et l’Union européenne.
Alena. En 1994, l'Accord de libre-échange nord-américain est entré en vigueur, créant l'une des plus vastes zones de libre-échange au monde et jetant les fondements d'une augmentation de la croissance économique et de la prospérité au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Depuis 1994, l'Alena a démontré combien le libre-échange contribue à accroître la richesse et la compétitivité, et apporte des avantages tangibles aux ménages, aux agriculteurs, aux travailleurs, aux fabricants et aux consommateurs.
Selon les statistiques officielles du gouvernement canadien, les échanges trilatéraux dans la région de l’Amérique du Nord, évalués selon les importations de chaque pays en provenance des deux autres États membres de l’Alena, se chiffraient à plus de 288 milliards de dollars US en 1993, et en 2014, ils ont franchi la barre du 1,12 billion de dollars US. À la fin de 2014, la prospérité et la croissance de l’économie nord-américaine ont plus que doublé depuis 1994. De 1993 à 2014, le produit intérieur brut (PIB) combiné du Canada, des États-Unis et du Mexique est passé de près de 8 billions de dollars US à plus de 20 billions de dollars US.

Mercosur. Le Marché commun du Sud est un processus d'intégration régionale dynamique, initialement établi par l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, rejoints plus tard par le Venezuela et la Bolivie dans le cadre du processus d'adhésion. Depuis sa création, le marché a pour principal objectif de favoriser un espace commun qui génère des échanges et des investissements grâce à l'intégration compétitive des économies nationales dans les débouchés internationaux. En conséquence, il a établi de nombreux accords avec des pays comme le Chili, la Colombie, le Pérou, l’Équateur, la Guyane et le Suriname, en leur attribuant le caractère d'États associés.

Asean. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, ou Asean, a été créé le 8 août 1967 à Bangkok, en Thaïlande, avec la signature de la Déclaration de l'Asean (Déclaration de Bangkok) par les pères fondateurs de l'association, à savoir l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande. Brunei Darussalam a ensuite rejoint l'Asean le 7 janvier 1984, le Viet Nam le 28 juillet 1995, le Laos et le Myanmar le 23 juillet 1997 et le Cambodge le 30 avril 1999. Parmi ses objectifs : accélérer la croissance économique, le progrès social et le développement culturel dans la région ; promouvoir la paix et la stabilité régionale par respect de la justice et la primauté du droit dans les relations entre les pays de la région ; promouvoir la collaboration active et une assistance mutuelle sur les questions d'intérêt commun dans les domaines économiques, sociaux, culturels, techniques, scientifiques et administratifs ; maintenir une coopération étroite et bénéfique avec les organisations internationales et régionales existantes avec des objectifs et des buts similaires, et explorer toutes les voies d'une coopération encore plus étroite entre elles.
L'Union européenne. L'Union européenne forme un partenariat politique et économique entre 28 pays couvrant une bonne partie du continent européen. Son premier objectif était de renforcer la coopération économique, en partant du principe que les pays liés par des échanges commerciaux deviennent économiquement interdépendants, et sont donc moins amenés à entrer en conflit. Les finalités de cette union sont : nouer une union économique et politique, contribuer favorablement à la mobilité, à la croissance et à la stabilité de la région, créer une monnaie unique et finalement promouvoir les droits de l'Homme aussi bien dans l'Union que dans le reste du monde.

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