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La délocalisation des activités industrielles pour se rapprocher des marchés de consommation, un phénomène mondial dont le Maroc peut tirer profit

Hicham HAFID,Professeur d’économie à l’Institut des études africaines Université Mohammed V, Rabat.Mhammed ECHKOUNDI,Professeur d’économie à l’Institut des études africaines Université Mohammed V, Rabat.

La récente visite royale en Chine témoigne éloquemment des progrès et des mutations engrangés par l’économie marocaine tout au long de ces dernières années. En effet, le partenariat stratégique scellé durant cette visite entre le Maroc et le géant asiatique, basé sur le renforcement de la coopération dans les secteurs considérés par le Maroc comme étant stratégiques dans sa politique d’industrialisation ainsi que les investissements sino-marocains en Afrique, sont l’illustration parfaite de la confiance que les partenaires classiques et nouveaux placent dans le Maroc et sa stratégie de développement économique, industriel et logistique. Ceci est d'autant plus vrai que la Chine compte, à présent, s’associer au Maroc dans son aventure africaine. De ce point de vue, l’expérience accumulée par les opérateurs publics et privés marocains en Afrique, et-ce dans des domaines aussi divers que variés à l’instar de la banque, la logistique, la construction, est largement reconnue par la Chine qui considère, désormais, les banques marocaines, entre autres, comme des relais incontournables dans sa dynamique de renforcement des relations économiques et financières avec les pays de l’Afrique francophone.

Ce partenariat peut être considéré comme globalisant et global en ce qu’il couvre un ensemble de domaines et de secteurs. Il en est ainsi de l’aéronautique, l’automobile, les énergies renouvelables, la logistique et la finance. La transversalité de ce partenariat en dit long sur la présence chez les deux partenaires d’une stratégie de coopération s’inscrivant dans un cadre gagnant-gagnant. En effet, le Maroc, suite à sa politique de diversification sectorielle exigeant des flux d’investissements directs étrangers (IDE) à la fois conséquents et stratégiques et la dynamique des ses relations avec les autres pays africains, souhaitait conclure un partenariat à même d’apporter un nouveau souffle aux métiers mondiaux du Maroc. Il tablait aussi sur le rôle de porte d’entrée des investissements chinois en Afrique
francophone.

C’est chose faite dans la mesure où de nombreux accords ont porté sur la création de zones économiques dédiées aux secteurs identifiés par le Maroc comme étant hautement stratégiques. On peut souligner, entre autres, le mémorandum signé entre la Société nationale de transport et de la logistique (SNTL) et la Sichuan Huatie Hi-Tech Construction Engineering prévoyant le développement d’un hub industriel et logistique pour la fabrication de pièces de rechange des industries ferroviaires, automobiles et aéronautiques au Maroc. Ce qui fait que ce dernier, au regard de son Plan d’accélération industrielle visant le développement des écosystèmes, compte tirer profit de l’expérience chinoise en la matière. Ce qui pourrait, à l’instar des IDE français, améliorer les compétences marocaines et accélérer le processus de transfert technologique, déjà entamé avec la belle expérience de Renault Nissan à Tanger. Le Maroc, de par la puissance de sa stratégie, sa situation géographique (appartenance au continent africain, proximité de l’Europe, relations très dynamiques avec le continent américain et les pays du Golf, etc.) et l’attrait que son modèle exerce sur nombre de partenaires pour le développement du pays, n’est-il pas en train de devenir «la petite usine du monde» ?.

En tout cas, ça en a l’air ! De même, la Chine met à profit son partenariat stratégique avec le Maroc, pour faire montre de sa réelle volonté de coopérer en matière de développement durable et d’écologie. En la matière, les accords public-privé, signés entre opérateurs chinois et marocains, en disent long sur le savoir-faire chinois accumulé dans le domaine de la croissance verte. Le Maroc offre à la Chine une véritable tribune pour qu’elle mette en avant son expérience dans ce domaine. Force est de constater que l’on a souvent reproché à l’Empire du Milieu, du moins dans le discours international, de reléguer l’environnement au second plan dans ses relations avec l’Afrique. La panoplie des accords signés, portant, entre autres, sur l’achat et la construction d’une unité de fabrication de bus électriques au Maroc par un groupe privé chinois, en collaboration avec les secteurs public et privé marocains, la fabrication des chauffe-eaux solaires au Maroc, la mise en place d’une unité de production de cellules photovoltaïques au Maroc, témoigne à n’en pas douter de la volonté de la Chine de se positionner dans l’industrie verte. Ceci est de nature à réconforter la nouvelle politique énergétique marocaine et la consolidation de ce que l’on peut qualifier de «nouveau métier mondial du Maroc», à savoir «les énergies renouvelables et durables».

L’émergence de certains pôles de compétitivité autour des énergies renouvelables attirant à la fois des entreprises américaines, européennes et asiatiques peut s’avérer une expérience originale et concluante. Le Maroc a tous les atouts pour prétendre jouer son rôle de catalyseur des IDE orientés vers le secteur de la croissance verte. De même, la stratégie d’ouverture du pays (signature de plusieurs accords de libre-échange) et sa politique industrielle (mise en place de zones industrielles intégrées à la fois spécifiques et généralistes) sont des facteurs qui plaident pour que le Maroc joue le rôle de «Made in Moroco» by France, «Made in Moroco by China», «Made in Moroco by Inde»… La concurrence entre les zones économiques spécialisées, et partant entre les partenaires de développement et leurs multinationales au Maroc, peut, de par l’esprit d’émulation qu’elle va susciter, générer une véritable dynamique d’industrialisation dans le Royaume. Et pourquoi pas, évoquer l’idée de prémices de nouvelles politiques d’industrialisation qui peuvent être dupliquées dans les autres pays africains et au-delà. D’une façon plus générale, il est plus que légitime d’avancer que la Chine s’intéresse de plus en plus au monde afro-arabe et vice versa. En effet, elle accorde à ces deux régions une place de choix dans l’approche géo-économique de sa politique étrangère. Le projet chinois de réhabilitation de la route de la soie est l’illustration parfaite de la place qu’occupe le monde afro-asiatique, qui regroupe les pays arabes (l’Asie occidentale) et les pays africains. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet intérêt croissant pour cette région :

• La situation géographique de l’Afrique et du monde arabe qui se trouvent à la croisée des chemins entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Ce n’est pas par hasard que l’intitulé du dernier Forum de coopération sino-arabe fut baptisé «la réhabilitation de la route de la soie». En effet, la Chine ambitionne de raviver des relations anciennes la liant au monde arabe et africain. D’où l’importance accordée à la coopération maritime, sécuritaire et économique et technologique.

• La proximité géographique et l’histoire commune de l’Asie orientale, l’Asie occidentale (le Moyen-Orient) et l’Afrique rendent nécessaire d’entamer une réflexion stratégique et par la suite des négociations pour la signature d’un méga accord régional associant les trois régions.
En dernière instance, plusieurs questions peuvent être soulevées : l’impact du partenariat Maroc-Chine sur le niveau de vie du consommateur marocain, aussi bien d’un point de vue qualitatif que quantitatif ? Les retombées dudit partenariat sur la création d’emploi et le transfert technologique au Maroc ? Comment cette panoplie d’accords peut-elle contribuer à la réduction du déficit commercial abyssal en défaveur du Maroc ? 

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