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La dérive et l’enlisement de l’Occident

La guerre en Syrie est une véritable bataille d’influence régionale et mondiale. Le monde entier souffle le chaud et le froid, de crainte que les développements de cette crise affectent la paix et la sécurité mondiales. Cette guerre divise le monde au point que les centres d'études géopolitiques mondiaux parlent d’un nouvel épisode de la guerre froide.

La dérive et l’enlisement de l’Occident

La responsabilité des États dans ce conflit est flagrante. En effet, nul ne cherche à se dissimuler derrière le droit international pour intervenir dans cette bataille. Tout le monde intervient en Syrie pour «empêcher les terroristes de revenir» pour commettre des attentats dans leur pays natal. Les démocraties comme les dictatures s’inquiètent de «la violation des droits de l’Homme», à tel point que les premières deviennent réticentes à évoquer ce prétexte, en raison de leurs alliances avec les secondes. L’objectif ultime de cette alliance est d’influer sur les rapports de forces régionaux et mondiaux et de résister aux nouvelles reconfigurations transatlantiques. Quant à l’État syrien, conscient de l’affirmation du Nouvel Ordre international, il n’est pas question pour lui de céder ou de baisser les armes tant que l’Empire du Milieu et la Russie s’annoncent comme des alliés indéfectibles. Ainsi, au niveau mondial, ces deux puissances font face aux puissances occidentales, tandis qu’au niveau régional l’Iran, l’Irak et le Hezbollah renforcent leurs positions autour de la Syrie, face aux monarchies du Golfe et à la Turquie. Ce conflit constitue sans doute un précédent dans l’histoire des grandes problématiques politiques contemporaines et est capable de modifier en profondeur les cartes géopolitiques mondiales.

La détermination américaine à façonner le paysage géopolitique régional explique l’ampleur de l’engagement et la taille des moyens déployés dans la guerre contre la Syrie. Sur ce dossier, l’unanimité américaine entre démocrates et républicains est indiscutable. L’administration Obama s’accorde sur la stratégie initiée par celle qui la précède vis-à-vis de la Syrie en particulier et la région en général. Certes, au début de la crise, les médias, dans le tort, ont beau parlé de la réticence américaine face au déclenchement de la crise en Syrie, mais la réalité démontre que les plans consistaient à provoquer le chaos et la panique dans les institutions de l’État syrien, de façon à entrainer une chute rapide du régime. L’échec de cette stratégie est dû à l’absence d’un plan B. De même, l’habileté du régime de Bachar Al Assad et la solidité de ses institutions sécuritaires et militaires ont fait que le coup dur a été encaissé sans que cela provoque la décomposition de l’État. Les calculs et les prévisions à travers les capitales occidentales et arabes, qui parlaient de quelques semaines au plus pour la chute du régime, se sont avérés inexacts.

Le repli des forces armées syriennes vers le «territoire utile», à savoir Damas et le littoral méditerranéen, n’était qu’une tactique habile pour maintenir le fonctionnement des institutions de l’État. Cette stratégie a permis au régime de sécuriser tout d’abord les parcelles vitales de la Syrie, pour mener ensuite des attaques ciblées dont l’objectif est d’élargir davantage la ceinture sécuritaire autour de la «Syrie utile». Il est très important de noter que cette stratégie de retrait avait plusieurs objectifs dont le principal est d’empêcher la chute de Damas et de Lattaquié. De même, le retrait de certains territoires comme Raqqa et par la suite Palmyre a fait surgir la menace de Daech et du terrorisme mondial. Cette stratégie allait aussi dévoiler l’implication grandissante de certains acteurs régionaux dans le conflit syrien, à travers le soutien des différentes factions armées, y compris celles jugées fondamentalistes.

Il est capital de dire que l’une des dérives majeures de l’administration Obama consistait dans le fait qu’elle ne disposait d’aucun plan, ne voir d’aucune vision pour l’«après Assad». Le grand paradoxe est que les stratégies des membres de l’alliance des «amis de la Syrie» convergent en ce qui concerne le régime Syrien, cependant, elles divergent en ce qui concerne l’avenir de la Syrie. Faut-il rappeler que la Libye d’aujourd’hui souffre de la divergence des intérêts entre les membres mêmes de cette alliance, à leur tête les deux clans, celui de l’Arabie saoudite-Émirats arabes unies, d’une part, et celui du Qatar-Turquie, d’autre part. La chute de Mouammar Al Kadhafi n’a pas empêché une guerre par procuration en Libye entre ceux qui partageaient les chambres de commandement avant la chute du Raïs. Ce pays est en proie aujourd’hui au chaos et à l’insécurité à cause de la politique absurde de presque tous les membres qui composent aujourd’hui l’alliance des «amis de la Syrie». En bref, ceux qui ont détruit la Lybie, sont les mêmes qui cherchent à détruire la Syrie. Sachant que dans le cas libyen, le conflit est réduit entre certains alliés. Cette alliance hétérogène de démocraties et de dictatures a vu le jour pour soutenir une opposition hétérogène aussi composée «à la carte» et «sur mesure» des bailleurs de fonds.

Le conflit syrien est d’ordre mondial pour de multiples raisons. Tout d’abord, les puissances mondiales et régionales le perçoivent ainsi, c'est-à-dire que du point de vue stratégique, ses répercussions géopolitiques peuvent affecter à moyen et à long termes la carte des rapports de forces mondiales et régionales. À ce niveau, c’est le contexte des transformations et des mutations géostratégiques qui pèsent sur la décision politique de certains acteurs d’intervenir dans le conflit syrien. C’est le cas des monarchies du Golfe. Celles-ci se sentent directement concernées par la situation en Syrie, dans la mesure où le parrain américain se désengage progressivement de toute implication militaire dans les affaires moyen-orientales, principalement celle de la Syrie. L'engagement de l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen et son implication directe dans la guerre contre la Syrie, à travers le soutien logistique et financier des groupuscules islamistes combattant l’armée syrienne, démontrent inéluctablement une prise de conscience de la nécessité de compter sur soi-même pour la préservation de ses intérêts. Sous cet angle, les monarchies perçoivent la perte de la guerre en Syrie comme une menace existentielle.

Il n’est pas étonnant aujourd’hui de lire les confessions d’Obama sur l’implication aveugle de son pays en Libye lorsqu’il met le chaos d’aujourd’hui sur le dos de l’ex-président français Nicolas Sarkozy et son homologue britannique. En effet, lors d’un entretien accordé au magazine «The Atlantic», le locataire de la Maison-Blanche a dressé un constat sévère de la situation en Libye. Lors de cette interview, Obama s’interroge : «Lorsque je me demande pourquoi cela a mal tourné, je réalise que j’étais convaincu que les Européens, étant donné la proximité de la Libye, seraient plus impliqués dans le suivi». Or, dans cette interview, il propose une nouvelle doctrine militaire, baptisée «Leading from behind» d’où découlent plusieurs contradictions. Tout d’abord, en vertu de cette nouvelle doctrine, les États-Unis ont laissé la France et la Grande-Bretagne faire la guerre à Mouammar Kadhafi, sans se placer en première ligne. L’objectivité du Président est mise en cause dans la mesure où la nouvelle doctrine militaire qu’il propose est la même que celle qui est derrière le désastre syrien. De ce fait, si le Président américain dresse un bilan noir du cas libyen, à cause d’une dérive de son homologue français et de l’irresponsabilité de ses alliés qui ont laissé un pays dans l’incertain, mais il demeure responsable dans le cas syrien. En vertu de cette doctrine, les États-Unis ont poussé leurs alliés (démocraties et dictatures) à faire la guerre au régime syrien. Alors, les États-Unis voulaient à tout prix la chute du régime syrien. Cependant, leurs dirigeants n’ont aucune visibilité jusqu’à présent du devenir de ce pays, envahi par des milliers de combattants étrangers.

Quelles issues alors avait prévues cette nouvelle doctrine pour les conflits armés ? On est forcé de dire que la guerre imposée à l’État syrien par des dictatures soutenues par l’Occident est sans précédent dans l’histoire et, de ce point de vue, une nouvelle approche du droit international et du droit des conflits armés s’impose ? L’Occident a violé les principes du droit international, en s’ingérant dans les affaires internes de la Syrie. De même, en faisant la guerre par le biais des mercenaires et des terroristes. La Syrie et la Libye d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’avant la guerre. Faut-il rappeler aux initiateurs du «devoir d’ingérence» que la Syrie et la Libye n’auraient pas vécu ce cauchemar humanitaire si leurs pays s'étaient abstenus de faire la guerre à des États souverains ? Il est temps, de revenir aux principes fondamentaux du droit international, à savoir l’inviolabilité de la souveraineté des États, et d’assumer la responsabilité de la plus importante crise humanitaire que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. 

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