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Le DRH fait sa révolution

Toutes les dernières études consacrées à la gestion des ressources humaines attestent que la profession est en pleine ébullition. Digitalisation, organisation du travail, relations sociales… autant de défis à relever pour les professionnels RH qui ne manquent fort heureusement pas de ressources pour les relever et s’adapter au changement.

Le DRH fait sa révolution

Les débats sur les enjeux de la fonction RH sont légion. Reliés directement aux changements stratégiques qui s’opèrent dans l’entreprise, les départements RH sont de ce fait habitués à s’emparer de ces transformations pour se mettre en conformité. À l’horizon 2021, les professionnels RH, réunis dernièrement autour de la thématique en marge du Forum Solution RH organisé à l’initiative de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc, ont identifié quatre grands défis pour la fonction : la digitalisation, l’individualisation, l’utilisation des Big Data et le positionnement en tant que Business Partner. Que ce soit au Maroc ou à l’international, les responsables RH soulèvent la nécessité d’évoluer vers une mission plus stratégique au sein de l’entreprise. «Les DRH souhaitent logiquement que les RH jouent un rôle plus stratégique… et ce n’est pas un vœu pieux : 84% des professionnels pensent que la fonction va de fait augmenter son périmètre et 93% estiment qu’elle gagnera en influence à l’avenir», lit-on sur le site spécialisé Manpower. Ce constat est également relevé au niveau des entreprises marocaines puisque, selon une enquête conduite par le cabinet Diorh, 85% des DRH des entreprises structurées sont membres du comité de direction de leur entreprise.

Le DRH y est de plus en plus dans une position de stratège impliqué dans la définition des orientations de l’entreprise. Celui-ci mettra encore plus l’accent sur cette nouvelle mission pour devenir un partenaire indispensable aux décisions stratégiques. Objectif : Être plus opérationnel en étant aligné directement sur la stratégie globale de l’entreprise. «Le DRH est, par ailleurs, de plus en plus souvent un membre clé des comités de pilotage des projets d’investissement ou de développement (fusions-acquisitions, extensions, implantations, transformations organisationnelles) où les implications humaines et sociales des décisions et orientations sont évaluées», explique Mehdi El Yousfi, directeur général adjoint chez Diorh.

En effet, l’élargissement du périmètre d’action des DRH nécessite l’acquisition ou le renforcement de nouvelles compétences dans de nombreux domaines. La communauté RH devra démontrer une capacité à être à la fois réactive, flexible et agile pour mieux se préparer au changement devenu inévitable. Et si, comme le précisait
Jean-Marie Peretti, dans un entretien accordé à «Éco-Emploi», les compétences d’un «bon directeur du personnel» étaient il y a une vingtaine d’années limitées à la gestion administrative, technique et à la gestion des relations humaines en sachant motiver, communiquer, instruire et conseiller, aujourd’hui, on constate qu’un bon DRH doit avoir des compétences générales en gestion et en stratégie pour jouer pleinement son rôle de partenaire d’affaires et de partenaire stratégique, des compétences dans le champ de la RSE, la digitalisation, la conduite de changement. «Pour être un champion du changement dans le contexte actuel, le DRH doit dépasser les approches traditionnelles de la conduite du changement pour adopter l’approche expérientielle qui repose sur les acteurs concernés, managers et salariés», disait J.M. Peretti.

À cela s’ajoute l’enjeu social pour les responsables RH. «Le DRH est l’interlocuteur numéro 1 pour les sujets les plus critiques concernant les droits de l’Homme, à savoir les relations avec les partenaires sociaux, la discrimination sous sa forme genre, race ou appartenance, le travail des enfants, la couverture sociale… Dans certaines sociétés, la fonction de responsable des parties prenantes a commencé à voir le jour et constitue souvent une extension du champ de travail du DRH», soulignait Amine Oulahyane, Human Resources and SHEQ Manager à Atlas Copco Maroc. Pour jouer pleinement ces nouveaux rôles dans l’entreprise, le DRH doit donc sortir de sa zone de confort et aller vers ces nouveaux défis urgents et préparer les prochains pour mieux s’adapter aux transformations, mais surtout pour les accompagner. Dans cette perspective, la formation est un élément clé à prendre en compte. «Les professionnels RH doivent, comme tout professionnel, s’inscrire dans une démarche de veille et de développement continus», note M. El Yousfi. Et si l’on devait ajouter une contrainte à cette évolution de la fonction, on citerait un élément qui est spécifique au contexte culturel. «La fonction RH est encore trop peu considérée comme une fonction de premier plan, capable de piloter les enjeux stratégiques cités plus haut. Cette fonction fait d’ailleurs partie des premières sacrifiées sur l’autel de la rigueur et de la compression des coûts», regrette M. El Yousfi. Et de noter, par ailleurs, que «95% de notre tissu économique est constitué de PME et TPE où la fonction RH est soit inexistante, soit très peu outillée». Ce constat constitue aussi l’un des défis que la fonction devra relever. 


Entretien avec Mehdi El Yousfi, directeur général adjoint chez Diorh

«La fonction RH a besoin d’être accompagnée pour une montée en compétence de ses professionnels»

Éco-Emploi : Quel est aujourd'hui le positionnement de la fonction RH ?
Mehdi El Yousfi : Il faut d’abord se préciser de quoi l’on parle. S’intéresse-t-on à la grande entreprise structurée ou à la PME ? Gardons à l’esprit que 95% de notre tissu économique est constitué de PME et TPE où la fonction RH est soit inexistante, soit très peu outillée. Son rôle est pour l’essentiel assuré par un gestionnaire qui couvre les processus RH basiques (gestion administrative, paie, recrutement, formation). En revanche si l’on s’intéresse à la grande PME, à la grande entreprise marocaine ou à la filiale de multinationale, il est clair que la fonction RH se positionne de plus en plus comme l’un des Business Partners essentiels au sein d’une entreprise. Son positionnement a ainsi beaucoup évolué sur les 20 dernières années. Selon les résultats d’une enquête conduite par Diorh, 85% des DRH des entreprises structurées de notre panel sont membres du comité de direction de leur entreprise. Le DRH y est de plus en plus dans une position de stratège impliqué dans la définition des orientations stratégiques de l’entreprise. Le DRH est, par ailleurs, le plus souvent un membre clé des comités de pilotage des projets d’investissement ou de développement (fusions-acquisitions, extensions, implantations, transformations organisationnelles) où les implications humaines et sociales des décisions
et orientations sont évaluées.

Quels sont les principaux enjeux à relever ?
Les enjeux de la fonction RH sont innombrables. Mais j’en ferais ressortir au moins 4 qui me semblent essentiels. Le premier concerne la maîtrise des coûts. Le pilotage de la masse salariale est d’autant plus critique en période de fragilité économique et de manque de visibilité. D’autant que la masse salariale constitue un levier de compétitivité essentiel dans la stratégie exportatrice du Maroc. Le deuxième enjeu essentiel porte sur l’acquisition et la fidélisation des compétences qui constituent le sang de l’entreprise, son levier de différentiation principal. Bon nombre d’entreprises sont confrontées à un double défi : d’une part, celui d’attirer les compétences nécessaires à la conquête de nouveaux marchés, la montée en gamme de leurs produits, l’intégration de nouveaux outils de gestion et, d’autre part, celui de retenir les meilleurs talents de l’entreprise, ses experts, ceux qui animent sa marque et son système de valeur. Le troisième enjeu clé concerne le climat social. Il est, avec le coût du travail, l’un des principaux critères d’attractivité mesurés par les investisseurs étrangers lorsqu’ils évaluent l’opportunité d’une implantation au Maroc. Le climat social est le résultat de la mise en musique de l’ensemble des leviers d’adhésion et d’engagement des collaborateurs. Le premier de ces leviers d’adhésion reste la perception de l'équité interne qui permet à chacun de se sentir rétribué et reconnu pour ses efforts. Le quatrième enjeu, et non des moindres, concerne la capacité de transformation de l’entreprise. L’environnement extérieur imprime de telles évolutions en termes d’opportunités et de contraintes que l’agilité devient un atout de plus en plus distinctif. Cette agilité repose à la fois sur la polyvalence des compétences, mais aussi sur l’adhésion collective au changement.

Comment faire face aux difficultés qui empêchent l’évolution de la fonction ?
Je relèverai 3 sources de difficultés importantes. La première difficulté tient au niveau de compétences au sein de la fonction RH. Il s’agit d’une fonction encore jeune, dont bon nombre de leaders ne sont pas, à la base, des experts RH. Il est commun d’entendre dire à propos des RH qu’il s’agit d’une fonction peu technique, alors même qu’elle requiert la maîtrise d’un nombre important de compétences techniques spécifiques (outils de développement, connaissance de l’environnement réglementaire…). La fonction RH a réellement besoin d’être accompagnée en termes de montée en compétence de ses professionnels. Il y a à ce titre une véritable filière, encore embryonnaire, à développer.
Le manque de compétences ne concerne pas uniquement le volet technique. Hormis au sein des grandes entreprises, la fonction RH est encore trop peu dirigée par de véritables leaders capables d’apporter une contradiction construite et convaincante à leur direction générale. L’enjeu est ici de développer les compétences comportementales des leaders de la fonction RH pour la crédibiliser davantage et consolider sa position. La deuxième difficulté tient à un effet culturel.
La fonction RH est encore trop peu considérée comme une fonction de premier plan, capable de piloter les enjeux stratégiques cités plus haut.
Cette fonction fait d’ailleurs partie des premières sacrifiées sur l’autel de la rigueur et de la compression des coûts. Alors que l’entreprise devrait sur-investir dans les compétences en période de crise, ce sont bien les budgets de développement et de formation qui sont coupés en premier. Une troisième difficulté tient à l’insuffisance, dans bon nombre d’entreprises, de relai managérial. Les vrais RH restent les managers, ceux qui sont les mieux à même d’accompagner, faire monter en compétence, évaluer, encourager les collaborateurs. Le DRH et son équipe doivent animer cette toile managériale pour en renforcer les capacités d’organisation et de pilotage. Force est cependant de constater que dans bon nombre d’entreprises, le middle management est insuffisamment outillé pour jouer son rôle.

Qu’en est-il des aptitudes comportementales et relationnelles sur lesquels les professionnels RH doivent travailler pour évoluer ?
Les professionnels RH doivent, comme tout professionnel, s’inscrire dans une démarche de veille et de développement continus. À une époque où les liens d’attachement et d’engagement s’appuient davantage sur les capacités d’entraînement et de leadership que sur les capacités techniques de l’autorité, il est primordial que les professionnels RH développent certaines compétences comportementales : capacité d’écoute, compétences de coaching et de développement personnel, capacités de communication orale. J’ajouterais aussi, outre les aptitudes comportementales et relationnelles, le développement du sens business des professionnels RH. En tant que business partners, les professionnels RH doivent avant toute chose avoir une bonne compréhension du business model de l’entreprise, de ses leviers de différentiation compétitivité, de manière à savoir répondre de manière pertinente aux problématiques de leurs clients internes, à savoir les dirigeants, les managers et les collaborateurs.
Propos recueillis par Najat Mouhssine

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