Bouuuum Fsssss baaam… Cela fait presque un mois que de nombreuses villes marocaines ont des allures de champs de bataille. Non, il ne s’agit pas d’une guerre civile, mais simplement du bruit causé par l’explosion des pétards. Bien que l’achat et la vente de ces engins soient interdits au Maroc depuis de nombreuses années, beaucoup d’enfants et d'adolescents s’adonnent à cette pratique dangereuse tous les ans, à l’approche de la fête de Achoura. Daech, Ronaldo, Messi, nahla, bota, granada… ces pétards, qui sont généralement importés de Chine par des contrebandiers, sont disponibles en vente libre chez les détaillants sur les grands marchés, comme celui de Derb Omar à Casablanca.
Afin de lutter contre cette pratique, les services de la police judiciaire et de la sécurité publique organisent actuellement une campagne de saisie de ces explosifs dans les différents points de vente. «La campagne de lutte contre le commerce dangereux des pétards, les feux d’artifice et autres explosifs a commencé depuis une dizaine de jours. Nous effectuons quotidiennement des descentes dans les points de vente connus tels que Derb Omar. Nous réalisons des saisies quotidiennes de milliers d’explosifs.
À ce jour, 16.000 pétards ont été saisis», affirme une source policière du district de Casa-Anfa. Malheureusement, les efforts fournis par les autorités restent insuffisants pour lutter efficacement contre ce phénomène.
Les enfants adeptes de ce genre pratique font leurs provisions à l'avance et achètent de grandes quantités d’explosifs : des paquets de 30 petits pétards vendus entre 10 et 15 dirhams ou de gros pétards vendus entre 30 à 50 DH l’unité.
Les enfants se rassemblent à la sortie des écoles, dans les rues ou les jardins publics, pour se livrer parfois pendant des heures à leur activité favorite en cette période, transformant le quotidien des citoyens en véritable cauchemar.
«On n’en peut plus avec l’explosion des pétards. Si seulement cela se limitait aux dix premiers jours du mois de Moharram, on pourrait à la rigueur supporter. Mais depuis quelques années, cela dure plusieurs semaines avant Achoura. Certains commencent même avant Aïd Al Adha. C’est trop !» fustige Farah, 40 ans, mère de famille. «Après de longues journées de stress au travail, on a besoin de rentrer à la maison pour se reposer un peu, mais avec le bruit des explosions qui nous cassent les oreilles tous les jours, c'est devenu presque impossible. On dirait que nous sommes en pleine guerre. On n’arrive plus à dormir en paix. Et cette année, il y a un gros pétard qui provoque un son très fort. Il réveille mon fils de 3 ans plusieurs fois en pleurs», poursuit-elle.
Les nuisances sonores dues aux explosions ne sont pas le seul désagrément causé par les pétards. Totalement insouciants, certains enfants s’amusent à les jeter sur les passants, surtout sur les femmes, les jeunes filles et les petits enfants, causant parfois des dégâts irréparables.
«Je déteste les pétards, car à cause de ces maudits explosifs et de la méchanceté de certains gamins, j’ai perdu mon enfant avant même de le voir. On m’a jeté plusieurs pétards entre les pieds, ce qui m’a fait très peur et déclenché une fausse couche. J’ai beaucoup souffert sur le plan physique, mais aussi psychique. Je suis toujours traumatisée et chaque année en cette période de Achoura, je repense à ce qui s’est passé», confie Souad, 31 ans.
Les pétards peuvent s’avérer très dangereux, autant pour les passants que pour les enfants eux-mêmes. En effet, durant cette période, les services d’urgences dans les hôpitaux reçoivent souvent des cas d’enfants souffrant de traumatismes facial, auditif ou oculaire, ou encore de brûlures, à cause de ces jeux.
«Chaque année, nous recevons un grand nombre de cas d’accidents dus aux pétards. Beaucoup d’enfants perdent la capacité de voir ou d’entendre et peuvent même garder des cicatrices dues aux brûlures de deuxième ou de troisième degré. Ces explosifs sont vraiment très dangereux et il faudrait une loi pour les interdire vraiment et que les parents soient plus vigilants et surveillent plus leurs enfants», affirme Mohamed, infirmier aux urgences de l’hôpital Moulay Youssef.