Menu
Search
Vendredi 29 Mars 2024
S'abonner
close
Vendredi 29 Mars 2024
Menu
Search
Accueil next Conférence Internationale Du Sucre

Le Maroc et la compétitivité pays : un objectif et plusieurs variables

Le Maroc et la compétitivité pays :  un objectif et plusieurs variables

De nos jours, la compétitivité est étroitement liée à l’accélération de la mondialisation et à la notion d'avantage compétitif. Au-delà des produits et des entreprises, ce sont les territoires et les États qui sont concernés. Ce ne sont plus uniquement les biens et les services qui se concurrencent, ce sont aussi les États qui se trouvent confrontés à la concurrence en matière d’attractivité. Cette dernière est considérée comme étant l’un des fondamentaux de la gouvernance contemporaine et l’une des expressions nouvelles du degré de puissance et d'influence d’un pays. C’est une nouvelle exigence à laquelle doivent se conformer les pays. Les systèmes juridiques, productifs, logistiques, sociaux et fiscaux entrent en compétition dans le cadre d’une mondialisation qui implique un renouveau dans la relation entre économie, population et espace. Dans une économie mondialisée, il devient de plus en plus nécessaire de renforcer les spécialisations des industries nationales, de créer des conditions favorables à l’émergence de nouvelles activités à forte visibilité internationale et d’améliorer ainsi l’attractivité des territoires.

Clusters, pôles de compétitivité et classements (le classement annuel du Forum économique mondial de Davos classe les pays sur la base de critères relatifs à leur compétitivité), les territoires se trouvent plus que jamais projetés sur le devant de la scène en termes d’attractivité internationale. Ainsi entendue, la logique commerciale conflictuelle traduite par la notion de «guerre économique» est de mise puisqu’il est question d’accumuler des avantages comparatifs et compétitifs territoriaux à même d’attirer le maximum d’investissements directs étrangers. Une telle prise de conscience ne pouvait plus être retardée dans un pays comme le Maroc qui aspire depuis plus d’une décennie à rehausser le niveau de compétitivité de son territoire. Face à l’effondrement des coûts de production provoqué par les bas salaires pratiqués par les pays émergents, la solution réside dans les investissements massifs dans la R&D, l’encouragement permanent de l’innovation et l’organisation en réseau autour de clusters ou pôles associant des entreprises, des laboratoires privés et publics, et des investisseurs sur un territoire donné et dans quelques filières porteuses.

Au Maroc, le constat se résume dans le dernier examen de la politique commerciale du Royaume élaboré par l’Organisation mondiale du commerce. Cette dernière déplore la présence d’une concurrence de plus en plus déloyale entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères installées dans les Zones franches d’exportation. Certes, ces industries créent de l’emploi, mais quant au transfert de technologies, la réalité se traduit par un retard à ce niveau pour certaines industries, y compris l’automobile et l’aéronautique. Dans un monde où la technologie est très dynamique, le rattrapage risque de prendre des années et les technologies nouvellement acquises risquent d’être dépassées. Cependant, et au début, l’innovation et le rattrapage technologique ne peuvent être générés que par l’impact interactif du commerce extérieur et des investissements directs étrangers. À ce niveau, il est crucial de se connaitre et de faire confiance. Et c'est là qu'interviennent l'impact que peut avoir la marque d’un pays et l’influence que l'on peut exercer sur les partenaires économiques, les clients et l'opinion publique.


L'influence la plus réussie est celle qui passe par la diffusion d’une très bonne image. Plusieurs pays explorent la voie d’un tel soft power en développant des stratégies et des outils adéquats et en se dotant d’une marque pays susceptible de séduire le reste du monde. Le Nation Branding et l’innovation figurent parmi les règles de la compétitivité et des modalités de la puissance, ils doivent être bien assimilés par les pays à la recherche d’une croissance économique et d’un rôle géopolitique stratégique dans leur environnement régional, voire au niveau mondial.

Outre l’innovation et l’acquisition des nouvelles technologies et le rattrapage technologique, pour assurer une meilleure attractivité à son territoire, le Maroc s'est engagé sur une voie qui le destine à devenir un carrefour commercial et financier compétitif et un hub logistique dynamique.
Le Royaume est conscient que le secteur de la logistique est un secteur clé. Alors qu’il ne pesait que 0,5% du PIB en 2010, le secteur de la logistique se situerait aujourd’hui entre 6% et 6,5% du PIB national. Cependant, une contrainte majeure persiste : celle des coûts de transport et de logistique, qui restent parmi les plus élevés au monde. Car si les progrès enregistrés durant les cinq dernières années ont montré la progression de la logistique dans l’économie marocaine, le principal objectif qui consiste à réduire le coût de la logistique de 20 à 15%, fixé dans le cadre du contrat programme logistique 2010-2015, est loin d’être atteint. D’où l’intérêt de dynamiser le nouveau contrat programme 2016-2020.

Pour devenir un véritable hub logistique, le Maroc doit agir sur les différents maillons de la chaine logistique   : passage à la frontière, gestion de stock, gestion documentaire, dédouanement et transport international routier. Pour ce faire, le Royaume s’est engagé à améliorer ses infrastructures portuaires, aéroportuaires, ses plateformes et sa connectivité avec le continent.
En matière de finance, près de cinq ans après sa création, Casablanca Finance City (CFC), la place financière panafricaine basée à Casablanca, a réussi à s’imposer dans le paysage financier continental et mondial. Selon le classement du Global Financial Centers Index (indice de référence des centres financiers internationaux), CFC est devenue aujourd’hui la première place financière africaine devançant ou supplantant ainsi la sud-africaine Johannesburg. Au niveau mondial, toujours selon ce même classement, elle occupe
la 33e position.

Concernant le volet commercial, la fluidité des échanges commerciaux dépend, entre autres, de la conclusion d’accords de libre-échange avec les blocs régionaux africains et de la mise en place d’un environnement des affaires propice à la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Surtout dans un contexte où l’intégration économique ne semble pas faire partie des priorités des agendas respectifs des deux communautés économiques régionales africaines – UMA et CEN-SAD – dont fait partie le Maroc. À ce niveau il convient de souligner que le Maroc pallie cette insuffisance et renforce aussi bien son intégration commerciale qu’économique dans son environnement africain, grâce à la coopération Sud-Sud initiée par S.M. le Roi. Depuis plus de dix ans, le Maroc, sous le leadership du Souverain, a lancé en Afrique une coopération Sud-Sud innovante, agissante et performante sur la base d’une vision intégrée fondée sur deux principales règles : celle de la pertinence et celle de la profondeur de champ qui font que, contrairement à beaucoup de pays qui pratiquent la tectonique stratégique en Afrique, le Maroc a une vision claire, honnête et précise des projets correctement construits qui répondent aux attentes des peuples africains.

Une telle vision et une telle implication aideront à accélérer naturellement l’intégration commerciale entre le Maroc et ses partenaires africains. Le Maroc dispose d’atouts indéniables pour soutenir son ambition de devenir un hub et donc de rehausser son attractivité territoriale, cependant les challenges à relever sont de taille. Les défis qu’il s’agit pour le Royaume de relever aujourd’hui sont, entre autres, ceux de la combinaison efficace des stratégies de Nation Branding, d’innovation, de construction d’une intelligence sociale et d’une structuration du domaine du transport et de la logistique qui reste un secteur clé dans l’ambition affichée de devenir un hub régional. Il est indéniable que tous ces éléments permettent de construire et de préserver les avantages compétitifs au niveau régional et au niveau mondial et affectent en profondeur les paramètres et les variables de la puissance. 

----------------------------------------------

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Lisez nos e-Papers