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Pratique managériale : Non, ce n’est pas un luxe !

Par Nabil AdelM. Adel est cadre dirigeant d’assurances, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géoéconomie à l'ESCA.

Pratique managériale : Non, ce n’est pas un luxe !
Les entreprises ayant un bon score d’utilisation des techniques de management réalisent un taux de rentabilité de l’actif économique supérieur à leurs pairs du même secteur.

Si le leadership et le sens des affaires sont un art, le management est une science et elle s’apprend. La performance de l’entreprise et sa pérennité dépendent de la qualité de sa pratique managériale. Il en va de même pour la croissance économique qui y demeure intimement liée. L’entreprise gérée aux normes est à l’économie ce que l’armée professionnelle est à la guerre. Analysant les facteurs d’inertie de notre économie, on ne peut que s’arrêter devant la faible, voire l’inexistante, pratique des méthodes modernes de gestion au sein de nos PME et TPE et surtout devant l’attitude froide des acteurs publics face à ce boulet qui nous coûte annuellement plusieurs points de croissance.

Une relation largement mise en évidence…

L’entreprise moderne est bâtie autour d’une trinité économique, à savoir la défense de la propriété privée, érigée en dogme inébranlable, la maximisation du profit pour l’actionnaire comme ultime objectif de l’action du management et la libre concurrence et accès sans contraintes aux marchés. Ces trois fondamentaux, formant le nouvel ordre moral de l’économie, ne doivent souffrir, selon la thèse néolibérale, d’aucune limitation, sauf quand l’un de ces principes entre en contradiction avec les autres. À titre d’exemple, la propriété privée est limitée par la libre concurrence. Ainsi, aucun acteur ne doit atteindre une taille qui compromettrait la libre concurrence ou entraverait l’accès d’autres investisseurs aux marchés.

Cette nouvelle trinité, devenue quasi religieuse, est aujourd’hui universellement admise dans le principe, même si des divergences se situent dans les degrés. C’est ainsi que la centralité de l’entreprise, en tant que principal vecteur de la croissance économique pour un pays, est une notion sur laquelle très peu d’économistes divergent. La performance d’une entreprise est donc au cœur des politiques économiques, car elle en est le principal instrument. D’ailleurs, la diplomatie d’un pays et ses forces armées sont de nos jours d’abord au service de cette performance.

En effet, même en pleine guerre contre le terrorisme, les gouvernements investissent dans de nouveaux accords commerciaux pour ouvrir des marchés pour leurs entreprises et «mettent beaucoup d’argent sur la table» pour les y préparer. Ils ne se laissent ainsi pas distraire de l’essentiel. Le traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne et le nouvel axe sino-russe sont des exemples parmi tant d’autres. Si depuis plusieurs siècles et jusqu’à nos jours, les guerres du capitalisme ont pour principal motif l’ouverture des marchés, la maximisation du profit et l’extension de la propriété, aujourd’hui ce sont les institutions internationales qui poursuivent cette mission.

Vue de chez nous, la mise de l’entreprise marocaine, et surtout la PME et la TPE, en état de créer continuellement de la valeur et sa préparation à affronter la concurrence internationale et à pénétrer d’autres marchés restent malheureusement à leurs premiers pas et les actions menées par les différents gouvernements demeurent timorées face à l’ampleur des opportunités que nous ratons annuellement. Tout se passe comme si nos responsables politiques n’avaient pas encore intégré que nous sommes dans une guerre économique, non moins farouche qu’un conflit armé. Un pays affaibli économiquement est une proie facile. Ils considèrent à tort que la mise à niveau de notre tissu productif est une affaire de choix de l’entreprise elle-même et non une obligation nationale, à élever au stade de l’urgence. À ce niveau-là, nous manquons cruellement de doctrine économique.

… mais une réalité qui peine à être admise

L’une des grandes lacunes de notre modèle de croissance est l’insuffisante préparation de l’entreprise marocaine à affronter les défis d’une économie moderne et à mettre le Maroc sur la voie du développement. Par manque de leadership et en l’absence de traditions de bonne gouvernance et de gestion moderne, les entreprises marocaines perdent presque toutes les batailles de la compétitivité. La modernité économique s’est imposée à nous par le haut et a beaucoup de mal à être diffusée à tout le tissu productif. Seule une poignée d’entreprises adoptent des méthodes modernes de management, contre une vaste majorité dont la pratique est soit archaïque, soit inexistante. Or, sans bonnes pratiques de gestion, il ne peut y avoir compétitivité et sans compétitivité il ne peut y avoir croissance. Beaucoup d’analyses scientifiques et d’observations empiriques relèvent que les pratiques du management augmentent la productivité et améliorent les performances financières des entreprises.

Étudiant l’impact de trois techniques de management que sont la bonne maîtrise de la chaîne de production, qui réduit les gaspillages, la gestion des talents, pour attirer et fidéliser les hauts potentiels, et le management de la performance qui lie la rétribution des collaborateurs à leur contribution à l’atteinte des objectifs de la firme, des chercheurs du cabinet de conseil McKinsey ont trouvé que les entreprises ayant un bon score d’utilisation de ces techniques réalisaient un taux de rentabilité de l’actif économique supérieur à leurs pairs du même secteur. En septembre 2007, une étude parue dans la revue du cabinet a abouti aux mêmes conclusions, mais en testant d’autres pratiques de management, à savoir la clarification des rôles et des responsabilités (imputabilité), la direction claire du changement (orientation) et l’environnement favorisant l’ouverture, la confiance et le défi (culture).

Au Maroc, pour beaucoup d’entreprises, les bonnes pratiques du management sont un luxe qu'elles n’ont ni le temps, ni les budgets à y consacrer. Leurs quatre priorités sont ailleurs : production, vente, encaissement et recherche de financements. Pour nos dirigeants, et surtout ceux des PME et des TPE, parler d’autre chose que de ces quatre sujets, dans le contexte actuel, est une simple perte de temps. Dommage pour notre économie !

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