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Quand l’OPEP décide de réagir

Cela fait maintenant presque deux ans que les prix du pétrole chutent de façon constante. Et même si le niveau n’a pas encore atteint le record de la crise financière de 2008-2009, le baril est passé de 140 à 40 dollars en 6 mois, et était début 2016 en dessous de la barre des 30 dollars. Les baisses devenaient donc inquiétantes. La sévère baisse des cours avait fragilisé d’une façon importante le budget de plusieurs pays producteurs, y compris l’Arabie saoudite. Cette dernière a fait l’expérience du déficit budgétaire, lequel a atteint l'année dernière le niveau record de 98 milliards de dollars américains, lié à la stagnation de son économie. Le pays s’est vu contraint de réduire les salaires des fonctionnaires. Face à cette situation, l’OPEP se devait de réagir.

Quand l’OPEP décide de réagir
Les membre de l’OPEP se sont accordés fin septembre 2016 pour une diminution de leur production de pétrole d’environ 700.000 barils par jour.

À la base et comme tous les biens, les prix du pétrole suivent la loi de l’offre et de la demande. Et force est de constater que pour le moment, l’offre est bien supérieure à la demande pour plusieurs raisons. D’abord du côté de l’offre, nous observons le maintien de la production de grands pays pétroliers comme l’Arabie saoudite, qui reste autour des 10 millions de barils par jour, et surtout l’augmentation exponentielle de la production du pétrole de schiste, également appelé pétrole non conventionnel, aux États-Unis. Notons que, selon de nombreux experts, les États-Unis devraient également atteindre les 10 millions de barils par jour d’ici 2017.

Derrière les prix du pétrole, il y a des puissances pétrolifères. L’Arabie saoudite, l’Iran, la Russie ou encore le Venezuela aspirent tous à jouer des rôles géopolitiques prépondérants et sont aujourd’hui dépendants à plus de 70% du pétrole pour leurs recettes budgétaires. Ainsi, la chute du pétrole signifie également pour ces puissances des chutes des recettes pétrolières et des problèmes économiques internes. Certaines d’entre elles pourront amortir les chocs : c’est notamment le cas de l’Arabie saoudite et des autres monarchies du golfe qui ont pu amasser des milliards d’euros au cours des dix dernières années. Mais pour la grande majorité des pays pétroliers, la chute des cours du pétrole est tout simplement catastrophique. Pour la Russie par exemple, qui avait construit tout son budget 2015 autour d’un baril à 100 dollars, les dégâts ont été considérables, alors que ce pays doit déjà supporter la chute du rouble. Et pour l’Iran, qui comptait sur un prix du baril stable pour normaliser ses recettes, la situation risque d'être très difficile.

Et alors que toutes ces menaces devraient faire réagir l’OPEP, l’organisation avait décidé de rester sur sa politique de production actuelle et a fait savoir par la voix du ministre du Pétrole des Émirats arabes unis, Suhail al Mazouri, qu’elle pouvait même supporter un prix de 40 dollars le baril. C’est cet ensemble d’éléments qui donnent à penser à de nombreux observateurs que des raisons géopolitiques pourraient expliquer la situation actuelle. Le rôle de l’Arabie saoudite est fréquemment évoqué, principalement à cause de sa volonté de maintenir sa production. Pour certains observateurs, elle aurait conclu un accord avec les États-Unis pour faire chuter les prix du pétrole. Les deux pays ont en effet beaucoup à gagner dans l’affaiblissement de la Russie et de l’Iran. D’une part, cela permet à l’Arabie saoudite de faire pression sur les Russes et les Iraniens qui sont les principaux alliés de la Syrie. Et d’autre part, cette situation permet aux États-Unis de consolider leur contrôle sur l’Ukraine et d’y réduire l'influence de la Russie et, en plus, ils obtiennent un moyen de pression sur l’Iran dans le cadre des négociations sur le nucléaire.
Après avoir créé le choc pétrolier en 1973 et le contre-choc pétrolier en 1986, l’OPEP a montré une nouvelle fois sa puissance en influant sur le cours du baril. Les membres de l’OPEP se sont accordés fin septembre 2016 pour une diminution de leur production de pétrole d’environ 700.000 barils par jour. Il s’agit donc là d’une décision exceptionnelle prise par le cartel, ce dernier ramènerait sa production à entre 32,5 et 33,0 millions de barils par jour, contre un niveau actuel de 33,24 millions.

Suite à cette décision, l'OPEP rétablirait les plafonds de production abandonnés il y a un an et déterminerait les niveaux de production pour chacun de ses membres à l'occasion de sa prochaine réunion ministérielle le mois de novembre prochain à Vienne. À cette occasion, des pays non membres du cartel, Russie en tête, pourraient être invités à participer aux efforts de rééquilibrage du marché pétrolier. Il s’agit aussi d’une décision historique puisqu’elle repose sur un accord entre l’Arabie saoudite, désormais leader sunnite régional, et l’Iran, puissance chiite qui opère un remarquable retour sur la scène internationale et régionale. Un accord qui s’opère à un moment où la rivalité entre Téhéran et Riyad est la nouvelle donne géopolitique à l’échelle du Moyen-Orient. Les deux grands rivaux ont donc décidé de mettre de côté leurs différends au vu de la pression qu'exerce le bas niveau des cours du brut sur leurs finances. À ce niveau, il convient de préciser que même si les économies saoudienne et iranienne reposent fortement sur le pétrole, l'Iran souffre moins de la chute de moitié des cours depuis mi-2014 du fait de la levée des sanctions à son encontre et le pays pourrait afficher, selon le Fonds monétaire international, une croissance économique de près de 4% cette année.

À la suite de l'annonce de l'accord sur la baisse de la production, les cours du brut se sont envolés de quelque 5%, avec un Brent qui est repassé au-dessus des 49 dollars US. Les cours restent tout de même plus de deux fois inférieurs au niveau atteint au milieu de l’année 2014. Est-ce suffisant pour rééquilibrer les caisses des pays producteurs ? Jusqu’où ira l’OPEP pour atteindre cet objectif ? 

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