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Quand les managers ont plus d’envies que de moyens

M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'[email protected]

Quand les managers ont plus d’envies que de moyens
Mieux contrôler est souvent meilleur que tout contrôler.

Posez la question à un manager s’il est satisfait de son système de pilotage et sa réponse sera teintée de chagrin et d’amertume. Et pour cause, quand il n’est pas confronté aux mêmes données, mais avec des valeurs différentes d’une source à l’autre, il doit prendre son mal en patience en voyant ses contrôleurs de gestion passer plus de temps à collecter l’information et à la formater qu’à en sortir des indicateurs pertinents d’aide à la décision. Le plus heureux d’entre eux disposerait une fois par mois d’une pile de chiffres financiers, déconnectés de la stratégie et fournissant peu d’informations sur les véritables leviers de la performance. Comment s’en sortir ?

Une tapette pour tuer un éléphant et un tank pour écraser une mouche
La première lacune observée en matière de pilotage est l’inadéquation des systèmes d’information, censés pourtant en être la pierre angulaire. Leurs restitutions sont souvent éloignées des préoccupations réelles de pilotage des managers. Ces derniers ne peuvent plus se contenter uniquement des chiffres sur les ventes, les coûts et les charges, les marges ou la structure financière. Ils sont également à la recherche d’indicateurs sur la satisfaction de la clientèle, sur les délais et la qualité de traitement des processus, sur l’environnement et la concurrence, ainsi que de données prévisionnelles, pour ne citer que ces exemples.
Or les systèmes d’information (SI) sont d’abord conçus dans une optique comptable et fiscale, dont les contraintes exercent plus de pression sur les managers que la connaissance Client ou l’anticipation stratégique. Le contenu des SI demeure fortement focalisé sur les données passées exprimées en valeurs monétaires, en vue de la production des états de synthèse et des déclarations fiscales et sociales. Leur évolution est souvent «tricotée» par briques interposées répondant à des urgences d’exploitation, sans discipline dans les règles d’évolution et, surtout, sans vision intégrée à long terme. Dans des cas extrêmes, le souci des managers est bien plus élémentaire et se résume juste à obtenir des chiffres fiables et en temps utile.
Quand on veut mettre en place un système moderne de pilotage, la mise à plat du système d’information doit être le premier dossier sur le bureau du manager. Celui-ci doit en concevoir la philosophie et la constitution, avant de foncer «tête baissée» sur les outils et le hardware. C’est un travail permanent d’équipe et d’experts auquel le manager doit consacrer autant de temps (parfois même plus de temps) qu’à la conception de nouveaux produits, à la vente, l’exploitation ou l’encaissement. Il ne peut pas faire l’économie d’au moins une formation par an sur les dernières ruptures technologiques et leur application à son métier (des centaines de vidéos sur «YouTube» offrent l’information gratuitement). C’est une culture devenue indispensable, car aujourd’hui, les technologies d’information et de communication (TIC) sont passées du simple traitement des données, à l’acquisition de réels avantages compétitifs. Et ça ne fait que commencer.

Sortir la tête de l’eau
Si les TIC évoluent à une vitesse vertigineuse, les outils de management ne sont pas en reste. Les nouvelles approches en matière de pilotage de la performance s’abreuvent à la même source et se veulent en phase avec l’environnement actuel des affaires. Sans présenter des outils proprement dits, nous en exposerons la
philosophie :
• S’aligner sur la stratégie : les systèmes actuels de pilotage se soucient considérablement de l’alignement entre les objectifs stratégiques, les plans d’action d’exécution et les indicateurs de suivi. Ces derniers doivent être l’émanation de la stratégie et s’adapter à elle.
• Agir sur la performance et non seulement la mesurer : la finalité de l’action managériale n’est pas uniquement d’observer la performance, mais de pouvoir l’expliquer (par des liens de causalité) pour agir dessus. L’objectif est de passer de la mesure de la performance à son management.
• Gérer, c’est prévoir : les nouveaux systèmes à mettre en place doivent réaliser des re-prévisions régulières et, donc, focaliser le regard du manager sur «ce qui reste à faire», plutôt que sur «ce qui a été fait».
• Équilibrer : comme il a été expliqué précédemment, il ne s’agit pas d’inonder les managers de données uniquement financières, il faut leur fournir des indicateurs couvrant d’autres domaines («clients», «collaborateurs» et «processus») dans un langage qu’ils comprennent (délais, volumes, taux de satisfaction, etc.) et qu’ils peuvent donc transformer en décision.
• Extérioriser : l’entreprise ne vit pas isolée dans un îlot et elle est parfois plus affectée par son environnement externe que par ses démons internes. Il est donc nécessaire que les radars des systèmes de pilotage repèrent les actions de la «concurrence» et des «autres parties prenantes» (fournisseurs, régulateurs, financeurs, etc.) pour les neutraliser, en cas d’impact négatif.
• Mieux contrôler est souvent meilleur que tout contrôler : l’obsession maladive de certains managers de tout contrôler et de s’immiscer dans les moindres détails de la gestion quotidienne se reflète dans les systèmes de pilotage en place. Le manager doit apprendre à vivre avec moins d’information, mais de bonne qualité, plutôt qu’avec toute l’information, mais de mauvaise qualité. Il faut, par conséquent, qu’il concentre ses efforts sur la construction de systèmes souples de pilotage qui produisent de la qualité pertinente, plutôt que de la quantité inutile. Les entreprises qui accaparent l’essentiel de la valeur dans le réseau fermé de leur environnement (constitué de leurs clients, fournisseurs, salariés, financeurs et de l’État) sont souvent celles qui disposent de la meilleure information et, surtout, avant les autres. L’acquérir et l’exploiter devient en soi une stratégie gagnante et donc un investissement qui en vaut la peine. 

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