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Survivre à la double contrainte

Par Nabil Adel M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'[email protected]

Survivre à la double contrainte
La solvabilité d’un réassureur, mesurée par le rapport entre ses capitaux propres réels et les capitaux minimums dont il doit disposer pour exercer ce métier, est non seulement une garantie pour les différents créanciers, mais c’est également un arg

La réassurance est moins bien connue du grand public que ne l’est sa fille l’assurance, dont, paradoxalement, l’existence et le développement lui sont intimement liés. L’assureur de l’assureur comme se plaisent à le décrire les spécialistes du métier connaît des bouleversements profonds, tant au niveau national que sur la scène internationale. Le secteur de la réassurance au Maroc est largement confiné à une filiale de la CDG, appelée Société Centrale de Réassurance. Face à la montée des risques de tous genres, à la nécessité de procurer aux compagnies d’assurances nationales des couvertures adéquates, tout en servant des dividendes à l’État, les défis pour cette entreprise sont importants.  

De la cession légale à la libéralisation totale

Le secteur de la réassurance au Maroc est constitué de deux compagnies : la SCR et Africa Re. La première est une société publique qui contrôle 70% du marché marocain ; l’autre est une entité panafricaine, censée promouvoir l’intégration de la réassurance au niveau continental.
Depuis sa création en 1960, la filiale de la CDG avait pour mission de fournir des couvertures en réassurance aux compagnies d’assurances établies au Maroc, tout en drainant une part de ses revenus de ses activités internationales. Jusqu’à la signature des accords de libre-échange avec les États-Unis, les compagnies d’assurances au Maroc étaient tenues de lui verser 10% de leurs primes, en contrepartie du paiement par cette dernière de 10% des sinistres. C’est la fameuse cession légale. Même déficitaire pour le réassureur national, la cession légale représentait une part importante de ses primes et son fonctionnement était rythmé par ce revenu, avec tous les avantages et les inconvénients. Sa suppression progressive depuis 2006 a forcé la SCR à chercher d’autres sources de croissance plus rentables, tout en maintenant sa mission première de couvrir les compagnies locales. Et pour cause, il s’agit d’une des filiales qui contribuent le plus aux résultats de la CDG.

Un repositionnement stratégique est désormais inévitable

Après avoir réussi l’examen de la disparition de la cession légale, la SCR doit aujourd’hui réussir le double pari d’un positionnement fort sur le continent africain et sur la zone sud de la Méditerranée ; tout en maintenant un niveau élevé de dividendes pour son actionnaire principal, à savoir l’État. Précisons que le métier de la réassurance est plus mondialisé que celui de l’assurance, car les réassureurs ne peuvent être viables que s’ils diversifient géographiquement leurs risques. Se contenter uniquement d’un marché domestique est potentiellement menaçant pour leur survie, en cas de persistance d’un cycle de mauvais résultats sur une longue période. Pour la SCR, la consolidation d’un positionnement régional permettra non seulement de sortir de la concentration sur le marché marocain, mais également d’atteindre une taille critique de nature à favoriser et à accompagner le développement régional des assureurs marocains, à savoir les groupes Saham, Wafa Assurance et RMA Watanya dans un premier temps. Une extension régionale est également de nature à augmenter significativement les marges du réassureur national, à condition de maîtriser trois leviers.

Une gestion des risques aux normes internationales

L’assurance et la réassurance sont d’abord des métiers d’évaluation et de mitigation des risques. La mise en place de processus performants d’identification, d’évaluation, de couverture et de gestion des risques constitue un des facteurs clés de succès pour survivre et se développer dans ce secteur. Cette contrainte devient plus forte quand l’exposition du réassureur se fait sur plusieurs zones géographiques hétérogènes. C’est ainsi que (i) l’investissement dans des modèles pointus d’évaluation des risques, (ii) la dotation d’outils de calcul à l’état de l’art, (iii) la mise en place de processus intégrés de souscription et de gestion de sinistres et, surtout, le recrutement de cadres (actuaires, risk managers et financiers) formés et expérimentés permettent non seulement de réaliser de bonnes performances financières, mais de construire une forte image de marque.

Une gestion performante et moderne de la marque

Dans un secteur où la confiance dans les capacités du réassureur à honorer ses engagements est la clé, la création et le développement d’une image de marque forte est un atout considérable. À l’instar des autres institutions financières, convaincre ses clients de sa qualité supérieure d’analyse et de gestion des risques, et de sa forte solvabilité devient un des éléments importants dans le positionnement sur le marché, surtout quand l’acteur cherche à acquérir des parts fortes sur des marchés étrangers. Aujourd’hui, le Marketing de la SCR doit se focaliser en priorité sur la création et la promotion d’une nouvelle image forte fondée sur les éléments d’excellence dans la gestion des risques, de performance opérationnelle dans la relation clients et de solidité financière (garantie de l’État et niveau élevé de notation).

Renforcement des fonds propres

La solvabilité d’un réassureur, mesurée par le rapport entre ses capitaux propres réels et les capitaux minimums dont il doit disposer pour exercer ce métier (ce minimum est fixé par la législation), est non seulement une garantie pour les différents créanciers, mais c’est également un argument commercial de taille. Le renforcement des fonds propres passe par une discipline managériale fondée sur la maximisation des capitaux alloués à chaque client et une forte focalisation sur la génération de cash flows dans toute décision d’octroyer des couvertures. Cette discipline financière doit être rendue possible par une capacité de modélisation irréprochable des risques (maximisation des marges), une marque forte et une grande agressivité commerciale (maximisation des revenus). À l’instar de toute entreprise publique, la SCR est confrontée au double défi de service public (couverture des compagnies d’assurances au Maroc) et de rendement pour son actionnaire. Des contraintes dont un management avisé peut largement s’acquitter.

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