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Un bloc régional à la traîne, un pays qui avance

Mercredi 17 février coïncidait avec le 27e anniversaire de l’Union du Maghreb arabe. Créée en 1989, l’UMA ambitionnait de favoriser la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux entre les États membres et l’adoption d’une politique commune dans tous les domaines, notamment économiques.

Un bloc régional à la traîne,  un pays qui avance

Un statut régional avancé permet d’accéder à un positionnement rassurant dans un monde où la concurrence est de plus en plus acharnée et où l’innovation, l'investissement, la titrisation… sont les nouveaux créneaux investis par le capitalisme. La finance et les sciences sont les facteurs compétitifs qui façonnent le nouveau visage du capitalisme.

Toute ambition géopolitique et géostratégique est nourrie à la base d’un positionnement économique fort et bien ancré dans la logique capitaliste actuelle. Depuis la chute du mur de Berlin, on assiste à une prolifération de la construction de blocs régionaux. Le jeu régional parait, dès lors, le moyen privilégié pour contrôler les conséquences sociopolitiques et culturelles de la libéralisation économique.
Le monde compte actuellement quatre zones économiques régionales : l’Union européenne (UE), The Association of South East Asian Nations (Asean), l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et le The Mercado Común del Sur (Mercosur). Au niveau régional, l’Afrique en compte à son tour la Southern African Developement Community (SADC), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac)… Les pays membres de ces zones avaient saisi politiquement l’étendue de leurs liens communs et avaient bien compris l’importance de la mise en place d’un cadre régional pour avoir du poids à l’échelon international. À l’ère de la mondialisation, l’assise régionale est capitale, en l’occurrence pour les pays en développement, pour accompagner progressivement l’ouverture économique en élevant la taille de la production et de la compétitivité à un niveau plus important, le niveau régional.

Après plus de 25 ans, la capacité de régionalisation des économies maghrébines est encore à l’épreuve. L’ensemble régional Union du Maghreb arabe fait du surplace puisqu’il rencontre des blocages structurels, tandis que les blocs asiatique, européen et latino-américain susmentionnés connaissent, des élargissements et des approfondissements qui offrent des marchés de grandes tailles et drainent des flux économiques importants, et des acquis aussi bien géo-économiques que géopolitiques.
Le Maghreb, comme tout espace géographique, connait, certes, les enjeux de la mondialisation, mais sans pour autant converger vers les mêmes objectifs en matière de démocratie, d’économie de marché, de pluralisme culturel et de citoyenneté universelle. Ces sujets ne sont pas tous traités comme ils devraient l’être dans les pays du Maghreb. Ces donnes politiques et économiques montrent que le politique et l’économique opèrent en complémentarité pour réussir tout projet de partenariat régional équilibré. La crise politique dans le Maghreb creuse encore plus la fracture entre pays en transition démocratique, pays en crise de régime et conservateurs.

Dans cet espace maghrébin, par rapport à toutes ces donnes, le Maroc fait figure d’exception et peut à cet effet endosser le rôle pays qui avance à grande vitesse dans la zone Maghreb, comme fut le cas de l’Allemagne au cours de la construction européenne, amenant les autres pays à s’aligner à des critères économiques et politiques. Avec les réalisations d’envergure concrétisées par le Royaume dans plusieurs domaines : politique, social, économique, énergétique, industriel, financier, le Maroc œuvre depuis plus d’une décennie pour l’accomplissement de son potentiel, qui relève de plusieurs paramètres, à savoir la capacité à réformer les structures, à améliorer la gouvernance publique et le climat des affaires, à inspirer la confiance aux investisseurs, à réaliser des infrastructures, à faire progresser les droits universels et à faire accepter des réformes sociétales avec un consensus suffisamment large pour préserver la paix sociale et la stabilité du pays. En 2015, et pour la troisième année consécutive, le Maroc décroche la première place au Maghreb sur l’Indice de prospérité et de bien-être. Il en ressort que le Maroc, non seulement confirme son leadership maghrébin incontesté, mais progresse d’année en année sur cet indice. Sur 142 pays, le Maroc est classé 79e, en avançant de six places à l’échelle internationale, comme l’établit l’Institut britannique Legatum, dans son classement au titre de l’année 2015. S’agissant de l’Algérie, elle est située à la 96e place, loin derrière le Maroc. La Tunisie, elle, bascule à la 97e place, en raison notamment de l’insécurité. Parmi les critères présidant à l’établissement de l’Indice de prospérité et de bien-être, figurent la performance économique, la gouvernance et la lutte anticorruption, les opportunités d’affaires, la sûreté et la sécurité, ainsi que la paix sociale.
L’intérêt est grand, car la réussite du projet de l’Union du Maghreb serait dans ce cas porteuse de stabilité géopolitique et de développement économique, et pourrait s’appuyer sur un deuxième cercle plus élargi, le voisinage sahélien. Le Maghreb dispose d’un patrimoine territorial étendu, d’importants leviers de puissance. C’est une chance qu’il faut saisir lorsqu’on envisage son action au 21e siècle afin d’ériger un Maghreb puissant et influent dans l’espace méditerranéen, africain, voire mondial. Il ne faut cependant pas oublier la convergence vers les impératifs de paix, de stabilité, de développement, de démocratisation, d’État de droit et de droit de l’Homme. À ce niveau, la contribution du Royaume s’avère incontournable, voire indispensable.


Enjeux sécuritaires au Sahel : impacts sur le Maghreb

L’éclatement d’un foyer d’instabilité au Sahel menace la stabilité et la sécurité des pays du Maghreb sur le long terme. Cette tendance interpelle le Maroc. Une concertation permanente s’impose entre les pays du Maghreb sur le présent et l’avenir de la scène sahélienne. Or les initiatives et positions divergentes des uns et des autres ternissent l’image d’un Maghreb désuni et distant de ses obligations stratégiques communes. L’édification du grand Maghreb est une nécessité régionale et une nécessité également dans le contexte de la mondialisation et de la multiplication des initiatives d’intégration dans le monde.
L’affirmation du grand Maghreb comblerait un vide stratégique tous en forçant une plus grande responsabilité internationale dans le présent et l’avenir de la zone Maghreb-Sahel. Plus globalement, Méditerranée, Maghreb et Sahel constituent une matrice travaillée par des forces et des logiques communes. C’est ainsi que «la Méditerranée connaît aujourd’hui une vraie question nord-africaine connectée étroitement à une vraie question sahélienne». Le Maroc, exclu du CEMOC (Comité d'état-major opérationnel conjoint), a saisi l’opportunité de l’intervention française au Mali afin de reprendre la main au Sahel. Il s’est distingué en étant le seul pays du Maghreb à apporter son soutien à cette opération. En effet, outre les menaces que cette crise projette à son égard, elle vient, au regard de la communauté internationale, conforter la thèse nationale marocaine relative au respect des nations historiques et à la limitation de la prolifération dans l’espace saharien d’États fantoches source d’instabilité croissante.

Vers une relance de l’UMA

Dans son discours du 30 août 2012 à l’occasion de la Fête du Trône, S.M. le Roi Mohammed VI a insisté sur la nécessaire relance de l’UMA. Prenant acte des mutations ayant secoué le grand Maghreb, le Souverain établit le lien direct entre ces transformations et l’opportunité historique pour l’UMA de s’affranchir de son immobilisme. Il suggère deux étapes : mettre un terme à la forte dispersion entre les États membres de l’UMA tout en s’attachant à augmenter les échanges économiques entre ces pays. Dans l’attente, S.M. le Roi opte pour le renforcement des relations bilatérales entre le Maroc et les pays de l’UMA, y compris l’Algérie, «répondant ainsi aux aspirations pressantes et légitimes des peuples de la région, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services.» (Discours de S.M. le Roi Mohammed VI, adressé lundi 30 juillet 2012 à la Nation à l’occasion de la fête du Trône) Le projet d’un sommet maghrébin (Tabarka, 10 octobre 2012), précédé par deux réunions des ministres des Affaires étrangères (à Rabat, le 18 février 2012 et à Alger le 9 juillet 2012), est compromis en raison de la persistance de la rigidité algérienne et d’une série de maladresses politiques et diplomatiques de la partie tunisienne. En dépit des déclarations de principe des uns et des autres, le gel du Grand Maghreb assombrit l’horizon stratégique.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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