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Un positionnement souverainiste et une autonomie stratégique du Royaume

La visite effectuée cette semaine par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans la région du Golfe est le témoin d’un tournant dans les relations bilatérales entre le Maroc et les pays membres du Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG).

Un positionnement souverainiste  et une autonomie stratégique du Royaume

Au-delà des réunions et de la signature des accords, ce qui a marqué les esprits c’est le discours prononcé par le Roi Mohammed VI. Ce discours est un appel pour donner une impulsion encore plus forte à ce partenariat stratégique et multidimensionnel qui est une expérience réussie fondée sur des projets concrets et un partenariat indéfectibles sur tous les plans aussi bien économique, militaire que sécuritaire. Les deux parties ont en effet une base solide, faite de culture commune et de fraternité entre les peuples, sur laquelle ils peuvent facilement s’appuyer pour développer une vision économique, stratégique et géopolitique commune et novatrice, puisqu’il s’agit de se concerter et de coordonner les positions sur les questions internationales d’intérêt commun dans un contexte régional et international perturbé. La relation qui unit le Maroc aux pays du Golfe est certainement l’une des plus riches et des plus profondes qui existe dans le monde arabo-musulman, d’abord historique, ensuite culturelle et religieuse, avec notamment le référentiel commun de l’Islam sunnite. À cela s’ajoute l’engagement sans faille de ces pays pour la paix et la stabilité. Enfin, cette relation ne serait pas aussi profonde sans les flux humains continus qui permettent une union forte entre les peuples. Dès 2011, à travers un partenariat stratégique, le Maroc et les pays membres du CCG sont résolus à renforcer leurs relations et à rendre son côté économique aussi dynamique que les autres aspects. En 2014, les pays du CCG sont à l’origine de 28% des investissements directs étrangers au Maroc.

Le Maroc a réussi à maintenir un climat de paix et de sécurité sur son sol. Le Royaume, grâce à sa stabilité politique et à la diplomatie active de S.M. le Roi Mohammed VI, bénéficie d'une aura considérable auprès des autres pays du continent et ses avis sont respectés dans la région. Le Maroc, à sa manière, a su cultiver, au fil des années, un soft power particulier qui lui a permis de se faire entendre sur le continent. Il détient aujourd'hui un certain avantage dans la nouvelle configuration des relations sur le continent africain. Il est sans conteste un partenaire sûr et efficace. Et de ce fait, les pays du CCG ont tout intérêt à l’aider dans sa croissance économique et dans son développement.

Dans une perspective régionale, un environnement instable et dangereux et en quête d’une alternative au leadership, le Maroc dispose d’un potentiel et a fait ses preuves en matière de lutte contre le terrorisme, expérience dont pourrait bénéficier à plus grande échelle toute la région. La coopération antiterroriste avec les Européens et les relations poussées avec les pays confrontés à la menace terroriste font de lui un pays phare dans la résolution des équations sécuritaires dans la région MENA-Afrique. Un Maroc dont le modèle de l’Islam commence à s’exporter en Afrique et dans le monde arabe. Un modèle fondé sur l’inclusion de tous les acteurs du champ religieux dans un cadre organisé incitant au renoncement à la violence et appelant à la lutte contre la radicalisation des croyants. Une radicalisation qui transforme l’Islam en une idéologie de l’exclusion et de la haine sociale et au non-respect des fondamentaux du vivre-ensemble national.

Le dialogue interreligieux est dans ce contexte porté non seulement par les clercs, mais aussi par les dirigeants pour concourir à la paix et peut-être venir à bout, à terme, de l’attrait du fondamentalisme.
Les propos de Sa Majesté le Roi Mohammed VI sont clairs, il ne veut en aucun cas que le monde arabe soit réduit à la périphérie d’un centre qui se situerait ailleurs. Par son leadership confirmé dans les négociations interlibyennes à travers, d’une part, l’accueil des rounds de pourparlers et, d’autre part, à travers le rôle très important d'appui politique au processus de ces négociations, sa contribution à l’intervention au Yémen, le Maroc prouve une fois de plus qu’il est un acteur stratégique dans la préservation de l’essence géopolitique de la région, dont la régulation ne doit en aucun cas être laissée à la seule initiative des puissances extérieures. .

Pour le moment, la seule certitude, c'est que le monde devient multipolaire et que la pensée unique est de plus en plus discutée. Déjà économiquement, l'émergence de pays comme la Chine a réussi à écorner la puissance des Occidentaux et cela malgré toutes les critiques. Et maintenant, politiquement et géopolitiquement, des pays comme la Russie et la Chine, tous deux alliés, sont bien décidés à jouer un rôle majeur.

La Fédération russe et la Chine sont des acteurs qui pèsent lourd dans le cercle restreint des membres permanents du Conseil de sécurité. Et le Maroc, qui essaie de convaincre la communauté internationale de son plan d’autonomie, a tout intérêt à avoir des alliés diplomatiques de poids comme la Russie et la Chine, dans un monde où les alliances sont guidées par les intérêts. Avoir Moscou et Pékin comme alliés supplémentaires sur le dossier du Sahara renforcera la position marocaine face au comportement partial dont a fait preuve dernièrement le secrétaire général des Nations unies en tenant des propos inappropriés politiquement et contraires aux résolutions du Conseil de sécurité. À titre de rappel, le secrétaire général de l’ONU n’a pas de pouvoir de décision, qui appartient au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier comprend cinq pays qui ont un droit de véto : États-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine. Il suffit que l’un de ces pays use de son droit de véto pour qu’une résolution du Conseil de sécurité ne soit pas adoptée.
Sur le plan économique, conscient du rôle déterminant qu’il peut jouer dans la mondialisation, le Maroc met en œuvre tous les moyens dont il dispose pour se mettre en valeur et tirer le meilleur parti possible de ses relations avec ses partenaires et booster son développement économique. Sur ce volet, le Maroc a beaucoup à gagner en jetant les ponts avec la Russie et la Chine. Ces pays sont des acteurs importants de la mondialisation et cela de plus en plus.

Aussi, la coopération Maroc-CCG devrait être considérée, au regard de la redéfinition de la place du monde arabe dans la nouvelle gouvernance mondiale, comme un déterminant important de la croissance économique en Afrique du Nord. D’où l’importance, malgré la conjoncture défavorable, de poursuivre les efforts consentis en ce sens. L’objectif étant de faire émerger, chemin faisant, de nouveaux modèles de développement, qui ne dépendent pas uniquement de la conjoncture internationale.
Il s’agit, entre autres, de la mobilisation des sources de financement endogènes, de la création des complémentarités entre le Maroc et les pays membres du CCG, de la valorisation des ressources spécifiques et de la création de nouveaux avantages comparatifs collectifs et dynamiques.

Certains médias présentent le discours de Riyad comme étant un virage anti-occidental de la diplomatie marocaine, alors qu'il s’agit plutôt d’un «positionnement souverainiste» et d’une «autonomie stratégique» que le Maroc, civilisation millénaire, a toujours affichés. Un positionnement et une autonomie requis aussi bien pour l’Afrique que pour le monde arabe à travers, respectivement, des discours qui resteront désormais historiques : le discours d’Abidjan et le discours de Riyad. 


Maroc-Russie : coopérations bilatérales promises

La visite royale à Moscou est inscrite dans cette continuité des prérequis qui fondent les relations internationales du Maroc basées sur le juste équilibre, relève cette analyse signée Ahmed Charaï, éditeur et membre du conseil d'administration de plusieurs think tanks américains, en rappelant la place de choix qu'occupe le Royaume dans le concert des nations en tant que partenaire responsable, écouté et respecté. «La rencontre au sommet entre le Souverain et le Président Poutine s'inscrit aussi dans la lignée de relations bilatérales qui ne se sont jamais démenties à travers l'histoire, les deux nations ayant maintenu leurs relations, même au plus haut de la guerre froide, à travers notamment des arrangements politiques au sein de l'Organisation des Nations unies, une approche qui a eu pour vertu de diffuser l'intensité du fossé idéologique séparant le bloc de l'Est et le monde occidental, notamment en Afrique du Nord», indique Ahmed Charaï.
Forte de cette relation privilégiée, la rencontre des deux Chefs d'État est à même de se révéler bénéfique pour les intérêts de la sécurité américaine et internationale, estime-t-il, notant qu'il y a trois domaines en particulier dans lesquels la Russie et le Maroc pourraient mettre en œuvre une vision et une stratégie communes dont la valeur va au-delà de la relation bilatérale, à savoir la crise libyenne, la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, ainsi que le développement économique de l'Afrique du Nord et la stabilité de cette région.


Extraits du Discours royal au Sommet Maroc-Pays du Golfe

1. Sécurité et stabilité du monde arabe
«L’heure de la sincérité et de la vérité a sonné. Le monde arabe traverse une période critique, car ce que vivent certains pays n’est pas une exception, mais il s’inscrit plutôt dans le cadre de plans programmés qui nous visent tous. En effet, le terrorisme ne fait pas que nuire à la réputation de l’islam et des musulmans. Certains s’en servent aussi comme un prétexte pour diviser nos pays et pour y semer la zizanie.
Cette situation exige d’ouvrir un débat franc et profond entre les différents rites pour corriger les mystifications, mettre en lumière la véritable image de l’Islam et réactiver les valeurs de tolérance qui sont les nôtres. Il ne s’agit pas d’une affaire liée à un pays donné, mais bien de notre besoin d’une prise de conscience collective par rapport à ces défis et d’une volonté réelle de renouveler notre pacte stratégique scellé avec nos partenaires selon des termes bien définis devant régir nos relations pour les décennies à venir.
Nous vivons une période charnière entre ce que nous voulons et ce que les autres veulent que nous soyons. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de positions unies et claires rassemblant tous les pays arabes. Car, soit nous nous agrégeons les uns aux autres comme une seule entité et à l’image d’une structure bien charpentée, soit nous serons à l’inverse de ce que nous voulons être. Puisse Dieu guider nos pas dans l’intérêt bien compris de nos peuples et de notre Oumma.»

2. Pays et liberté des choix
«Nous respectons la souveraineté des États et respectons leurs choix et leurs orientations, pour établir et développer leurs relations avec les partenaires qu’ils veulent. Nous ne sommes pas ici pour demander, les uns aux autres, des comptes sur nos choix politiques et économiques. Il y a cependant de nouvelles alliances qui risquent de conduire à des divisions et à une redistribution des cartes dans la région. Ce sont, en réalité, des tentatives visant à susciter la discorde et à créer un nouveau désordre n’épargnant aucun pays, avec des retombées dangereuses sur la région, voire sur l’état du monde.
Pour sa part, tout en restant attaché à la préservation de ses relations stratégiques, le Maroc n’en cherche pas moins, ces derniers mois, à diversifier ses partenariats, tant au niveau géopolitique qu’au plan économique. Et c’est dans ce cadre que s’inscrit Notre visite réussie en Russie, le mois dernier, visite marquée par le développement de nos relations hissées au niveau de partenariat stratégique approfondi et par la signature d’accords structurants dans de nombreux domaines vitaux.
Nous nous acheminons également vers le lancement de partenariats stratégiques avec l’Inde et la République populaire de Chine, où Nous nous rendrons en visite officielle bientôt, si Dieu le veut. Le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays. Il restera fidèle à ses engagements à l’égard de ses partenaires, qui ne devraient y voir aucune atteinte à leurs intérêts. C’est dire que la tenue de ce Sommet n’est dirigée contre personne en particulier, surtout parmi nos alliés. C’est une initiative naturelle et logique de la part d’États qui défendent leurs intérêts, comme le font tous les États. Il est un fait que nos frères du Golfe supportent le coût et les conséquences des guerres successives que connaît la région.»

3. Renforcement du partenariat stratégique entre le Maroc et les Pays du Golfe
«Nous sommes parvenus, grâce à notre volonté commune, à poser les solides fondations d’un partenariat stratégique, issu d’un processus fructueux de coopération au niveau bilatéral. En effet, le partenariat entre le Maroc et les pays du Golfe n’est pas le produit d’intérêts conjoncturels ou de calculs éphémères. Il puise plutôt sa force dans la foi sincère en la communauté de destin et la concordance des vues concernant nos causes communes.
Nous nous réunissons donc aujourd’hui pour donner une forte impulsion à ce partenariat, qui a atteint un tel degré de maturité que nous nous devons, désormais, d’en développer le cadre institutionnel et les mécanismes opérationnels. C’est la meilleure démonstration que l’Action arabe commune ne se réalise pas à coups de réunions et de discours, ni au moyen de Sommets périodiques de forme, ou de résolutions toutes prêtes, mais inapplicables. En revanche, elle requiert des efforts soutenus et une coopération tangible, ainsi que le renforcement et l’exploitation judicieuse des expériences réussies, dont, et au premier chef, l’expérience pionnière du Conseil de coopération des États du Golfe arabe. C’est un message d’espoir pour nous-mêmes et un signal fort pour nos peuples quant à notre capacité à élaborer des projets mobilisateurs communs.»

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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