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Vers une place de choix sur l’échiquier mondial

Les pays occidentaux semblent prêts à élire des dirigeants qui réclament un rapprochement avec Vladimir Poutine. L’ancien premier ministre français a toujours prôné une position conciliante envers la Russie de Vladimir Poutine, en particulier sur les sujets conflictuels comme l’Ukraine et la Syrie, au même moment, Donald Trump a déclaré par communiqué vouloir développer «une relation forte et durable avec la Russie».

Vers une place de choix  sur l’échiquier mondial
Ph. Fotolia

Quand la guerre froide avait pris fin avec l’éclatement de l'URSS et la chute du mur de Berlin, le capitalisme a triomphé en érigeant une architecture mondiale unipolaire sous le leadership des États-Unis d’Amérique. Les penseurs contemporains abondaient dans ce sens. En 1989, Zbigniew Brzezinski prévoit la fin de la perestroïka dans son livre «Le grand échiquier». En 1992, Francis Fukuyama publie «La fin de l’histoire» dans lequel il précise que la fin de la guerre froide peut être interprétée comme la victoire de la démocratie libérale.

La Russie s’est trouvée, depuis la chute de l’Union soviétique, marginalisée sur la scène politique internationale. Ce gigantesque pays d’environ 17 millions de km² est, comparativement à sa superficie, sous-peuplé puisqu’il ne compte que 140 millions d’habitants. La Russie contemporaine du Président Poutine renoue avec l’attitude impériale qui caractérisait tant la Russie Blanche que la Russie Rouge. Toute occasion permettant de jouer un rôle de premier plan est désormais à saisir pour la Russie. Ces dernières années, la scène géopolitique a été marquée par un rééquilibrage en faveur de la Russie. Plusieurs dirigeants s’alignent sur les positions du Kremlin en reconnaissant la nécessité d’un dialogue politique avec la Russie. Un vrai appel à tourner la page de l’après-guerre froide. Poutine serait-il en train de devenir l’homme fort de l’année ? Et la Russie serait-elle en train de récupérer sa place sur l’échiquier géopolitique ?

Vladimir Poutine cherche à étendre l’influence russe, d'autant plus qu’il a vécu comme une humiliation la perte de l’empire soviétique. Au XXe siècle, Moscou était en compétition avec les États-Unis pour la domination mondiale. Dans les années 1990, elle a été réduite à l’impuissance par l’État de son économie et de son appareil militaire. Depuis 2000, la Russie œuvre pour conquérir une place dans l’économie mondiale et insérer son économie dans le monde global. Pour une puissance qui a toujours pesé par la force, c’est une révolution copernicienne. Développer l’insertion internationale suppose donc préalablement de lourds investissements dans l’infrastructure. Il s’agissait donc d’un impératif géopolitique. Dès 2008, la Russie s’efforce de créer des façades maritimes et adopte la «Stratégie de transport de la Fédération de Russie pour l’horizon 2030» et multiplie les projets de corridors eurasiatiques.

En 1997, Zbigniew Brzezinski donne naissance à une nouvelle doctrine dans son livre : «Le grand échiquier». On peut résumer le fondement de cette doctrine dans le fait que l’Eurasie est au centre du monde, donc que quiconque la contrôle, contrôle la planète», de facto. L’Eurasie est le seul continent sur lequel «Un rival potentiel des États-Unis peut apparaître». Le plus gros de l’analyse est accordé à la Russie qui, par sa taille et sa position stratégique, est présentée comme la seule menace latente pour la suprématie américaine. Il concentre, alors, l’essentiel de la politique des États-Unis sur la façon de contrecarrer l’influence russe dans l’espace eurasiatique.
Cependant, Zbigniew Brzezinski ne pouvant pas prévoir l’avenir, ses recommandations sont, vraisemblablement, dépassées actuellement. En Eurasie, «zone d’intérêts privilégiés», comme l’a nommée Medvedev en 2008, la Russie conforte sa position.

Au Proche-Orient, qui ne faisait pas partie de l’aire des intérêts vitaux de la Russie, cette dernière a toutefois renforcé sa diplomatie et son image. Privilégiant, en 2014, la diplomatie à l’intervention dans le conflit syrien, elle a renforcé la stature internationale du pays. Loin de toute explication idéologique, la Russie cherche à se forger une réputation de leader de l’antidjihadisme et à préserver ses intérêts dans la région. Preuve en sont les concertations de Poutine avec les différents acteurs de la région, même ceux en conflit avec Bachar Al-Assad : le Président turc, le Roi d’Arabie saoudite, le Roi de Jordanie, le Président égyptien, ainsi que les insurgés kurdes. Le réalisme géopolitique guide les alliances et, pour les Russes, le soutien sera indéfectible pour une solution politique qui défendra leurs véritables intérêts. Quant aux Américains, il est primordial pour eux de préserver leur influence dans la région en contrant le fait que la Russie devienne un «game changer» au Proche-Orient. En Syrie, il convient de noter que la Russie ne fait pas une fixation particulière sur Assad. Elle pense avant tout à ses intérêts et à la nécessité d’éviter que la menace islamiste se propage dans le Caucase. La Russie devient un acteur incontournable et pas uniquement dans la lutte contre le totalitarisme islamiste. Ce qui ne manque pas d'ajouter à l’étrange pouvoir de fascination de Vladimir Poutine et de renforcer, incontestablement, ce dernier, dans sa quête nationaliste d’une grandeur retrouvée. 


Intervention russe en Syrie : un grand coup médiatique

Quand on analyse la géographie des opérations militaires russes, on constate que la Russie a concentré ses frappes sur l’axe nord-sud Alep-Damas. Maitriser cet axe représente un préalable indispensable à la récupération des territoires sous contrôle de Daech et constitue le point de départ pour la domination de la partie nord-ouest de la Syrie. Les lieux des frappes montrent que Moscou considère tous les opposants au régime de Bachar Al-Assad comme des terroristes, et adopte de fait la même approche contre tous. Sur un plan tactique, la Russie véhicule l’idée d’un duel entre la Russie et le terrorisme international où elle tient la tête d’affiche et veut s’ériger en rempart contre le djihadisme. Moscou reste donc fidèle à la grille d’analyse de la conflictualité adoptée depuis le début de la crise syrienne, à savoir qu’il s’agit d’une montée djihadiste internationalisée contrairement aux Occidentaux qui y voient une guerre civile issue des révolutions arabes. Autre lieu des frappes russes, le nord-ouest de la Syrie, un territoire sur lequel se trouve l’essentiel des installations militaires russes et sur lequel la Russie cherche à freiner l’avancée des opposants au régime syrien. Sur un plan médiatique, la communication de guerre des autorités russes a pour objectif d’amplifier les effets internationaux de l’intervention russe, bien que l’engagement russe, estimé à 5.000 hommes de la 810e brigade d’infanterie de marine de la mer Noire, reste modeste, relativement aux troupes de Daech évaluées à entre 30.000 et 50.000 hommes et aux troupes américaines déployées en 2008 en Irak comprenant plus de 132.000 soldats. La communication est axée sur l’idée que l’offensive russe est efficace, rapide, se concentre sur les terroristes et épargne les populations civiles. D’ailleurs, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’Andreï Kartapolov, chef du corps expéditionnaire russe sur place et vice-chef d’état-major des forces armées de la Fédération de Russie, annonce les résultats opérationnels, telle la destruction par l’aviation russe de 786 camps et bases, 249 postes de commandement et de télécommunications, ainsi que 371 points d’appui des terroristes en Syrie.


Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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