Menu
Search
Vendredi 19 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 19 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

«Il serait dommage de sacrifier l’Ircam au profit du Conseil national des langues et de la culture marocaine»

Dans cet entretien accordé au «Matin», Ahmed Boukous, le recteur de l'Institut royal de la culture amazighe, revient sur les principales réalisations en matière de promotion de l’amazigh, 16 ans après le discours royal d’Ajdir. M. Boukous partage avec nous également ses préoccupations quant à l’avenir de l’enseignement de cette langue ainsi que sa conception du rôle et de la place de l’Ircam une fois le Conseil national des langues et de la culture marocaine mis en place.

«Il serait dommage de sacrifier l’Ircam au profit du Conseil national des langues et de la culture marocaine»
Ahmed Boukous.

Le Matin : Seize ans après le discours d’Ajdir, qu’est-ce qui a été fait pour promouvoir la langue amazighe au Maroc ?
Ahmed Boukous :
Beaucoup de choses ont été réalisées après le discours d'Ajdir et après la création de l'Ircam. D'abord, la reconnaissance de la culture amazighe a consolidé le sentiment de fierté et de dignité des Amazighs. Ensuite, cela a créé une nouvelle perception de l'identité nationale fondée sur l'unité dans la diversité. Enfin, cela a ouvert le chantier de la promotion de la langue et de la culture amazighes.

Que fait l’Ircam dans ce cadre pour la promotion de la culture amazighe ?
L'Ircam s'acquitte des missions fixées par le dahir de sa création, à savoir donner un avis à l'autorité de tutelle sur les mesures susceptibles de promouvoir l'amazigh, collaborer avec les institutions concernées par l'amazigh et réaliser des travaux académiques sur la langue standard, la graphie tifinaghe, la littérature, les arts, la didactique, la traduction et l'application des nouvelles technologies de la communication et de l'éducation. En outre, l'Ircam apporte un soutien conséquent aux associations culturelles et aux écrivains, poètes, chercheurs et artistes qui œuvrent dans le domaine de l'amazigh.

Le projet de loi organique relatif à la mise en œuvre du caractère officiel de l'amazigh tarde à voir le jour. Comment expliquez-vous cela ?
La Constitution de notre pays a officialisé l'amazigh aux côtés de l'arabe. C'est un événement historique qu'il faut apprécier à sa juste mesure. Il est prévu deux lois organiques, l'une concerne la mise en œuvre du caractère officiel de l'amazigh et l'autre la création du Conseil national des langues et de la culture marocaine qui devra comprendre l'Ircam aux côtés de l'Académie de la langue arabe. Les projets de loi élaborés sont soumis aux deux Chambres du Parlement où ils sont à l'étude. Il est vrai que la promulgation des deux lois afférentes à l'amazigh aurait dû intervenir durant le mandat de M. Benkirane. Mais le plus grave, c'est que le processus d'institutionnalisation de l'amazigh a subi un coup d'arrêt à cause du retard accusé par la promulgation desdites lois.

Le nombre d'élèves qui apprennent l'amazigh est passé de 600.000 à moins de 500.000. Cela ne représente-t-il pas pour vous une source d’inquiétude quant à l’avenir de cette langue ?
Selon les prévisions du ministère de l'Éducation nationale, l'enseignement de l'amazigh devait être généralisé à l'ensemble de la population scolarisée dans le primaire et dans toutes les écoles du Royaume en 2009-2010. Aujourd'hui, on est loin du compte. Du coup, il est normal de ressentir de l'inquiétude et de la frustration.

Des associations et des activistes amazighs tirent la sonnette d’alarme sur l’état «critique» de l’enseignement de l’amazigh dans l’école publique. Ils déplorent le manque d’enseignants et parfois l’absence de manuels scolaires dans cette langue. Qu’en pensez-vous ?
En effet, le retard accusé par la généralisation de l'enseignement de l'amazigh est en contradiction avec la fonction de langue officielle et en deçà des stipulations de la vision stratégique du Conseil supérieur de l'éducation et de la formation.

Avez-vous une idée de ce que sera le rôle de l’Ircam après la création du Conseil national des langues et de la culture marocaine ?
L'Ircam a joué un rôle de premier plan dans la politique culturelle et linguistique de notre pays. Il a contribué à faire du Maroc un modèle de gestion de la diversité culturelle et un pôle de référence en matière de revitalisation de l'amazigh par la recherche, l'édition et le rayonnement. Il serait dommage de sacrifier cette institution en en faisant une structure sans ressources. Nous espérons que l'Ircam gardera ses prérogatives, ses moyens humains, financiers et logistiques, et que tous les acquis cumulés depuis sa création soient sauvegardés, capitalisés et approfondis.

Lisez nos e-Papers