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«La ville intelligente évolue de plus en plus vers la notion de la ville innovante»

Le théoricien des villes créatives, Charles Landry a présenté, jeudi à Casablanca dans le cadre de la manifestation Smart City Expo, son concept de "ville créative" dans un monde numérisé et en perpétuelle mutation.Charles Landry est l’un des initiateurs et inventeurs à la fin des années 1980 du concept de ville créative, dont l’objectif est d’aider les métropoles à identifier et exploiter au mieux leur potentiel.

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Le Matin : Comment évaluer l’émergence des villes intelligentes comme modèle urbain et comment pouvez-vous les connecter à vos travaux sur la ville créative ?
Charles Landry : L’essence de la ville créative est de savoir comment créer, dans un monde qui change, les conditions nécessaires pour penser, planifier et agir avec imagination pour résoudre les problèmes et créer des opportunités. C’est une idée forte et inspirante. En principe, les capacités déclenchées par les données, le fait de sonder la ville et, plus important encore, le mouvement de données ouvertes fournissent des opportunités aux individus de prendre le contrôle pour répondre aux gouvernements plus rapidement et aider à co-créer une ville en évolution. L’idée de la ville intelligente par essence utilise les capacités des technologies de l’information. La question principale est de savoir qui possède les données qui gèrent l’agenda de la ville intelligente et si l’humain y est placé au centre. De plus, l’évènement veut analyser une caractéristique intangible telle que l’identité locale et l’âme des villes. L’identité locale est cependant quelque peu difficile à saisir, car immatérielle.

Maintenant que vous êtes à Casablanca et que vous souhaitez l’explorer, quelles sont les choses auxquelles vous accorderez le plus d’attention ?
J’avais déjà écrit sur Casablanca auparavant ; et le fait que ce soit une ville blanche est un marqueur de son identité locale, un mélange d’art déco et de style mauresque. Alors physiquement elle est spéciale, voire unique. C’est juste un élément parmi d’autres que je prends en considération. Ensuite, j’essaie de considérer les caractéristiques spéciales, les activités et rituels qui distinguent la ville des autres, se connecter avec les habitants et ressentir ce qu’ils ressentent à propos de leur ville. Se sentent-ils en confiance ou l’inverse ? Je tente d’évaluer son impulsion créative et les ressources culturelles. En bref, je suis très curieux et ma vision ultime de ce que je ressens d’un endroit est une combinaison de tous ces attributs, de son paysage sensoriel et comment la ville les utilise.

Comment la question de la ville numérisée, soulevée dans votre dernier ouvrage, transforme-t-elle l’expérience de vie dans les villes ?
Tout d’abord, je pense que les individus ont un sentiment d’appartenance, de distinction et d’identité, et le phénomène de «n’importe où, n’importe quand» autorisé par la numérisation change la manière avec laquelle nous interagissons avec l’espace, le lieu et le temps. L’endroit importe dans ce paysage changeant, car il offre l’ancrage, l’appartenance, l’opportunité, la connexion et, idéalement, l’inspiration. Ici, être connecté ou déconnecté, les cyberspaces et les espaces locaux se combinent pour former une identité, façonner les intérêts et générer une vie qui a du sens où les habitants se sentent plus à l’aise dans les différentes dimensions de la Toile et ses possibilités multitâches. Ceci se manifeste dans le fonctionnement des villes, leur conception et navigation. Le domaine public, des trottoirs aux bancs, des parcs aux zones couvertes bien pensées sont de plus en plus importants, tels les autres sites et endroits comme les cafés. Ce sont là des choses essentielles pour les constructions communautaires où vous êtes en collectivité et où vous pouvez vous sentir en même temps comme chez vous avec une connexion Wi-Fi. Vous n’êtes ni à la maison ni au bureau, vous êtes où vous pouvez parler, travailler sur des projets ou transactions, ou encore seul dans une petite bulle tout en regardant les autres. C’est un territoire neutre, un niveleur de différences, un extérieur ou un espace de vie. Les distinctions de l’espace entre la maison, le travail
et le loisir sont de plus en plus floutées parce qu’une nouvelle typologie
d’espace est en émergence.

Quels sont les meilleurs moyens d'associer les écosystèmes de Recherche & Développement et d'innovation à leurs environnements proches afin de répondre aux besoins de la communauté ?
Tout d'abord, il faut avoir une nouvelle vision sur les écosystèmes d'innovation. Comme le souligne Von Hippel, nous pouvons passer d'une vision élitiste du système de Recherche & Développement (R&D) à un système d'innovation plus démocratique tel qu'il est aujourd'hui. Même la distinction entre la science et la technologie est obsolète. L'ère numérique a été développée par des mathématiciens qui se sont transformés en ingénieurs. Maintenant avec Internet, l'innovation est un marché ouvert à tout citoyen. Les nouveaux systèmes d'innovation doivent être universels. «Responsabiliser tout un chacun pour innover», a déclaré l'ENOLL, le Réseau européen des livinglabs.

Pourriez-vous expliquer brièvement le modèle des laboratoires vivants, des laboratoires médiatiques ou d'autres environnements de co-création ?
Qu'il s'agisse de laboratoires vivants, de fatlabs ou de medilabs, ils illustrent ce nouveau système d'innovation basé sur le modèle quadruple hélice : le milieu universitaire, les secteurs public et privé et le citoyen. Les laboratoires vivants ont été le premier mouvement à reconnaître en 2006 que le citoyen peut aussi être un acteur du processus d'innovation, un acteur de la co-création. En Catalogne, nous les appelons «collaboratoires» et c’est à travers
notre projet pilote, le réseau Catlabs, qu’une grande partie de ces initiatives sont regroupées.

Comment ces environnements sont-ils liés à l'idée d'une ville intelligente ?
La ville intelligente a d'abord été présentée comme la nouvelle version de la ville numérique. Mais changer la ville est un processus systémique qui nécessite plus que les technologies numériques. On est appelé à changer les institutions, les personnes, les habitudes, les normes et les valeurs. La ville intelligente évolue de plus en plus vers la notion de la ville innovante. Les anciens responsables d'information locaux sont maintenant mis au défi par le responsable en chef de l'innovation de la ville. Le fait que les municipalités soient les administrations les plus proches des citoyens implique que les principales villes développent elles-mêmes des politiques d'innovation en collaboration avec ses citoyens innovants. Les villes sont en train de devenir des laboratoires citoyens. 

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