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«Notre ambition est de hisser le volume des échanges commerciaux à 200 millions de dollars»

Le Maroc et la Hongrie sont plus que jamais décidés à renforcer leurs relations à la fois politiques, économiques, commerciales et culturelles. Les deux pays affichent leur ambition de hisser le niveau des échanges économiques à celui des excellentes relations d’amitié qui les lient. Dans cet entretien accordé au «Matin» à titre exclusif, Peter Szijjarto, ministre hongrois des Affaires étrangères et du commerce, présente les ambitions de coopération entre les deux pays. Il revient également sur les facilités qu’offre son pays aux investisseurs marocains ainsi que sur la position de son pays sur la question du Sahara.

«Notre ambition est de hisser le volume des échanges commerciaux à 200 millions de dollars»
Peter Szijjarto.Ph. Kartouch

Le Matin : Dans quel cadre s’inscrit votre visite officielle au Maroc ?
Peter Szijjarto : Actuellement, c’est ma deuxième visite au Maroc, après celle effectuée en février 2014. Cette visite officielle s’inscrit dans le cadre des efforts consentis par la Hongrie pour renforcer davantage les relations entre nos deux pays, qui sont déjà excellentes. Dans cet esprit, lors de ma visite officielle, j’ai eu l’honneur de rencontrer plusieurs dignitaires marocains, S.E. le Chef du gouvernement, Saad Eddine El Othamni, S.E. le président du Parlement, Habib El Malki, S.E. le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita, S.E. le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Mohamed Hassad, S.E. le ministre du Commerce extérieur, Moulay Hafid Elalamy, S.E. le ministre de l’Énergie, Aziz Rabbah, S.E. le ministre du Tourisme, Mohammed Sajid, et certains femmes et hommes d’affaires marocains autour d’un dîner-débat économique.
Nous souhaitons en effet hisser le niveau des échanges économiques à celui des excellentes relations d’amitié qui lient les deux pays. Notre ambition est également de faire du Maroc un hub pour explorer d’autres marchés africains dans le cadre de notre politique d’ouverture économique sur les marchés croissants, notamment en Afrique. Nous souhaitons en outre exporter le savoir-faire technologique hongrois dans différents domaines. Nous nous réjouissons également de savoir que le Maroc affiche la même ambition, à savoir faire de la Hongrie un hub pour exporter ses marchandises vers les pays des Balkans et de l’Europe centrale. D’ailleurs, pour faciliter cette coopération, nous avons débloqué une ligne de crédit de l’ordre de 510 millions d’euros au niveau de la Banque EXIM (Banque à l’exportation et investissement) de Hongrie, dans le cadre des facilités mises en place pour encourager les partenariats entre les hommes d’affaires marocains et hongrois.

Quelles sont les ambitions affichées par les deux pays en termes économiques ?
Nous souhaitons booster les échanges commerciaux entre les deux pays en vue d’atteindre un volume d’échange de l’ordre de 200 millions de dollars. Nous avons pu identifier 4 secteurs pouvant faire l'objet de coopération. Le premier concerne l’agroalimentaire, l’industrie et l’agriculture. Je pense que le Maroc pourra profiter dans ce sens des avancées technologiques et de l’expertise qu’offrent les entreprises hongroises déjà installées au Maroc. Les Instituts de recherche des deux pays, qui entretiennent d’ailleurs d’excellentes relations, ont également un rôle à jouer dans ce sens et peuvent apporter leur contribution. Il convient d’ailleurs de souligner que le Maroc et la Hongrie ont déjà procédé à la signature de deux conventions de partenariat sur la sécurité alimentaire et la coopération forestière, en marge du Salon international de l’agriculture au Maroc.
Le deuxième secteur est la gestion de l’eau. Sur ce volet, je vous informe que certaines entreprises hongroises spécialisées dans ce domaine ont déjà formé des joint-ventures avec des sociétés marocaines. Des appels d’offres ont été également lancés. Ils visent à identifier les entreprises hongroises qui seront chargées de la gestion des réseaux d’eau. D’ailleurs, des entreprises hongroises travaillent déjà sur les moyens d’améliorer les systèmes d’irrigation déployés dans l’agriculture marocaine.
Le troisième secteur concerne la coopération nucléaire où nous avons initié des discussions entre les autorités concernées des deux pays. Enfin, le quatrième domaine porte sur la sécurité. Sur ce volet, je tiens à préciser qu’une filiale d’une grande société spécialisée dans la surveillance et la sécurité des frontières vient être créée au Maroc.

Justement en parlant de sécurité, quel regard portez-vous sur la politique marocaine en termes de sécurité et de lutte contre le terrorisme ?
Nous pensons que le Maroc est l’un des pays garants de la sécurité et de la stabilité dans la région et nous respectons d’ailleurs tous les efforts consentis par le Royaume dans ce sens. S’agissant de la lutte contre le terrorisme, ce point figure à la tête des priorités aussi bien de l’agenda marocain que de celui hongrois. Comme vous le savez, la Hongrie fait déjà partie depuis longtemps de la coalition contre l’État islamique. Par ailleurs, il y a lieu de souligner l’existence d’une forte collaboration depuis 2013 entre les services chargés de la sécurité des deux pays qui se traduit par l’échange d’informations, de données et de visites mutuelles.

Vous venez de signer un mémorandum d’entente avec le ministre de l’Éducation nationale. Quel est l’objectif de cette convention et quelle en est la portée ?
Ce mémorandum vise à renouveler la convention signée entre les deux pays dans le domaine de l'éducation en 2014. Cet accord, qui s'étendra désormais sur la période 2017-2019, prévoit notamment l'octroi par le gouvernement hongrois de 100 bourses d'études à des étudiants marocains. Un nombre que le gouvernement hongrois se dit prêt à augmenter si cette offre continue à susciter un grand engouement chez les étudiants marocains.

Plusieurs accords ont déjà été signés entre le Maroc et la Hongrie au cours des dernières années dans différents domaines, et ce depuis 2009. Quel bilan faites-vous justement de la mise en œuvre de ces différents accords ?
Je dirai que la signature de ces différentes conventions a permis de dynamiser les relations entre les deux pays, ce qui a permis d’augmenter le volume des échanges commerciaux qui a pu atteindre 185 millions de dollars en 2016. Aussi, il y a lieu de noter que de plus en plus d’entreprises hongroises viennent prospecter le marché marocain en vue d’identifier des opportunités d’investissement. Par ailleurs, il est important de savoir que la commission économique mixte maroco-hongroise tiendra sa troisième réunion en octobre prochain en vue d’évaluer les progrès enregistrés dans les quatre domaines de coopération identifiés.

Il semble que la Hongrie soit plus que jamais déterminée à booster les relations économiques mutuelles ?
Absolument. Comme vous le savez, le gouvernement hongrois déploie depuis plusieurs années une stratégie économique extérieure orientée vers l’ouverture globale, donnant une portée importante à la dynamisation des relations économiques avec les marchés croissants. Dans ce sens, il est important de savoir que les exportations des biens et services représentent 90% de notre PIB et que notre investissement étranger direct par personne représente 8.500 euros.

Comment justement cette politique d’ouverture économique prônée par votre pays peut-elle profiter à l’économie marocaine ?
L’économie marocaine pourra profiter de l’expertise hongroise dans de nombreux domaines où la Hongrie est très en avance, comme la gestion de l’eau, l’agriculture, les industries agroalimentaires et l’industrie pharmaceutique et médicale. Sur ce dernier volet, nous avons constaté un intérêt porté par les firmes pharmaceutiques marocaines pour les technologies en radiologie et pharmaceutiques. D’ailleurs, il est prévu qu’une délégation composée de chercheurs et de représentants de compagnies marocaines arrive à Budapest le mois prochain pour examiner les moyens d’une éventuelle
coopération.

Les relations entre les deux pays connaissent une réelle dynamique, mais comment peut-on à votre avis surmonter certaines difficultés qui entravent encore le renforcement des partenariats économiques, telles que l’absence d’une ligne aérienne directe, l’absence de facilités pour l’obtention de visas, la difficulté de la langue et le problème de compétitivité ?
Pour ce qui est de la ligne aérienne, je tiens à vous informer qu’une ligne directe sera désormais mise en place à partir du 30 octobre. La ligne reliera Budapest à Marrakech à raison de deux vols par semaine. Nous sommes en train d’examiner avec Royale Air Maroc la possibilité de créer une deuxième ligne entre Budapest et Casablanca prochainement. Je pense que la création de cette ligne directe permettra d'augmenter de manière spectaculaire le nombre des touristes hongrois souhaitant visiter le Maroc. S’agissant de la question des visas, nous sommes en train d’examiner les moyens de mettre en place des facilités aux hommes d’affaires marocains souhaitant investir en Hongrie, mais il ne faut pas oublier que l’espace Schengen est une zone qui fonctionne comme un espace unique en matière de voyages internationaux et donc l’octroi de facilités revient à l’Union européenne.

Le Maroc est la Hongrie disposent de plusieurs points en commun. En effet, comme vous venez de le souligner, le Royaume se positionne en tant que hub pour l’accès aux marchés d’Afrique. La Hongrie, elle, est un pays frontalier de sept pays qui représentent ensemble un marché d’une centaine de millions de consommateurs. Comment les deux pays peuvent-ils justement tirer le meilleur profit de cette situation et constituer chacun un tremplin pour accéder aux marchés voisins de l'autre ?
La Hongrie offre de nombreux avantages pour les entreprises qui souhaitent y investir, à commencer par sa position géographique. Notre pays peut en effet servir de hub logistique pour les produits marocains à destination de l'Europe, de la Russie et des pays des Balkans. D’ailleurs, cette possibilité a été largement débattue avec les hauts responsables marocains que j’ai rencontrés. Comme vous le savez, la Hongrie offre un bon environnement des affaires. Elle propose dans ce sens le taux d’impôt sur les sociétés le plus bas de l’Europe (9%). Elle offre également aux investisseurs l’opportunité d’accéder à des financements qui peuvent aller jusqu’à 50% de la valeur de l’investissement, ainsi que des subventions pour la formation du personnel et des crédits sur la longue durée (10 ans) qui représentent 80% du coût de l’investissement.

La Hongrie, qui constitue une porte d’entrée à l’espace Schengen pour les clandestins arrivant par la Serbie, est plus que jamais appelée à gérer un très grand flux migratoire. Une gestion qui n’est d’ailleurs pas pour plaire à toute la communauté internationale. En effet, votre politique migratoire suscite de nombreuses critiques. Elle a même été pointée du doigt par le Haut-Commissariat aux réfugiés relevant de l’ONU le mois dernier ? Que pourriez-vous nous dire à ce sujet ?
D’abord, il faut savoir que la migration est l’un des défis majeurs auxquels doit faire face l’Union européenne (UE) actuellement. Et je pense que l’UE a commis certaines erreurs dans la gestion de ce dossier. Parmi ces erreurs, je relève le fait qu'elle a laissé accéder sur son territoire et de façon illégale un flux migratoire de l’ordre de 1,6 million de migrants clandestins sans contrôle et sans aucune régularisation. Résultat : l’UE doit affronter aujourd’hui le danger du terrorisme qui la guette désormais.

Comment à votre avis l’Europe peut-elle justement surmonter cette situation ?
Je pense qu’il faudra s’attaquer aux causes qui ont provoqué cette vague de migration. Nous devons restaurer les droits de ces citoyens à la vie qui est l’un des droits humains fondamentaux. Il nous incombe aussi de préparer le terrain pour que le retour de ces migrants à leurs pays soit possible. Il s’agit notamment de reconstruire leurs maisons, leurs municipalités et de les soutenir. Comme vous le savez, l’UE a déjà conclu dans ce sens un accord avec la Turquie l’année dernière. L’accord prévoit un plan global pour réduire la migration vers l'Europe. Et il semble que cela marche. C’est pourquoi l’UE prévoit de signer un autre accord bientôt avec le Liban, l’Irak et la Jordanie pour prendre en charge les potentiels migrants.

Ce que vous dites est très logique. Mais cela n’empêche pas la Communauté internationale de critiquer votre politique migratoire qualifiée souvent «d’assez sévère» ?
Notre politique migratoire sera toujours critiquée, car notre pays subit une double pression : celle des migrants, mais aussi celle des pays européens. Comme vous le savez, le pays est situé à la porte d’entrée de l’espace Schengen, et du fait de Dublin III (règlement qui vise à déterminer l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile), c’est à Budapest d’examiner les demandes d’asile des migrants – même si nous savons que ces immigrés veulent rejoindre d'autres pays, comme l'Allemagne. C'est aussi à la Hongrie de les accueillir, s'ils sont arrivés sur son sol en premier, quand les autres pays européens les repoussent hors de leurs frontières. Pourtant, ils sont arrivés à travers d’autres pays européens en sécurité où ils n’ont pas été enregistrés. Puis, ce qui se passe réellement, c’est que ces migrants quittent immédiatement la Hongrie après leur arrivée pour atteindre d’autres pays, après le dépôt de leurs demandes d’asile ou avant même d’opter pour cette démarche, et cela représente en effet une violation du droit européen. Donc pour contraindre ces migrants à rester sur le territoire hongrois en attendant de statuer sur leurs demandes d’asile, la Hongrie a décidé de garder ces immigrés dans des «zones de transit».

Combien de migrants ont transité par la Hongrie en 2015 ?
Ils étaient plus 450.000 migrants, mais aucun d’entre eux n’est resté sur le territoire hongrois.

Comment évaluez-vous le plan d’autonomie proposé par le Maroc pour trouver une solution définitive au dossier du Sahara ?
La Hongrie appuie les décisions prises dans le cadre des Nations unies et du Conseil de sécurité et je pense que les deux parties sont appelées à respecter ces résolutions. Nous espérons en tout cas que cette question soit résolue rapidement, étant donné son impact négatif sur la coopération régionale.

Quel regard portez-vous le retour du Maroc à l’Union africaine ?
Je pense que le renforcement de la coopération entre les pays africains a un impact positif sur toute la région, y compris sur l’Europe.

Quelles sont les autres perspectives de coopération entre le Maroc et la Hongrie ?
Je pense qu’il existe plusieurs perspectives, notamment dans le domaine culturel. Il existe une forte collaboration entre les musées, les bibliothèques et les universités. Aussi, nos deux nations sont fières de leur héritage, de leur culture et de leur religion. Ce sont des points qui nous rapprochent en tant que peuples amis. Sur le plan scientifique, nous avons créé un fond conjoint pour promouvoir la recherche scientifique. D’ailleurs, trois projets scientifiques ont déjà été soutenus dans le cadre de ce fonds. Sur le plan économique, nous souhaitons franchir le seuil de 200 millions de dollars d’échanges commerciaux prochainement. 

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