Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Emploi

Quelle application sur le terrain pour la procédure d’audience ?

L'Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF) a remis sur le tapis le débat autour de l’article 62 du Code du travail marocain à la lumière de la circulaire du ministère du Travail et de l’insertion professionnelle émise en septembre dernier et visant à éclaircir les zones d’ombre qui entourent la procédure d’audience liée au licenciement pour faute grave.

Quelle application sur le terrain pour la procédure d’audience ?
Jamal Maâtouk : «Plus de 70% des conflits entre employeurs et employés qui arrivent aux tribunaux ou à l’inspection du travail sont en relation avec la procédure de licenciement».

Le licenciement pour faute grave donne bien du fil à retordre aux employeurs de même qu’aux juges et inspecteurs du travail. Surtout cette fameuse procédure d’audience encadrée par l’article 62 du Code du travail où le législateur marocain a péché par manque de précision et de rigueur si bien que peu de procès aboutissent en faveur de l’employeur, souvent pour vice de procédure, quand bien même il est prouvé que l’employé a commis une faute grave. Seul l’employé semble tirer bénéfice de cette loi censée pourtant protéger à égalité les deux parties concernées. C’est en tout cas ce que déplorent les patrons qui s’estiment lésés par les dispositions jugées compliquées et imprécises de cet article et suivants.  Pour tenter d'éclaircir  le flou juridique qui entoure cet article, le département de l’Emploi s’est fendu d’une circulaire, datant du 27 septembre dernier, qu’il a adressée à ses directions régionales et provinciales, le but étant d’apporter des précisions sur les zones d’ombre qui planent sur la procédure d’audience, et ce, sur la base de la jurisprudence, notamment les jugements de la Cour de cassation.
Une circulaire, faut-il le préciser, n'a en principe pas de valeur réglementaire. Elle ne fait que préciser comment doivent être appliqués les textes sans rien y ajouter et, par conséquent, n’a pas force de loi. N’empêche qu’il s’agit d’une initiative «louable et positive», estime Dr Jamal Maâtouk, professeur en droit des affaires et conseiller juridique, mais qui devrait s’étendre aux autres articles encadrant le licenciement pour faute grave et dont les incohérences sont également pointées du doigt. Dr Maâtouk intervenait à l’occasion d’un débat organisé récemment par l'Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines, en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer Stiftung (KAS), autour du thème «La circulaire du ministère du Travail du 27 septembre 2017 va-t-elle mettre fin aux problèmes d’interprétation de l'article 62 du Code du travail ?». Pour répondre à cette question, l’AGEF a convié Maître Rachida Ahfoud, présidente de l’Association des juges du Maroc, Abdellah Zaam, président de Chambre à la Cour d’appel de Casablanca, et Mohamed Elaimani, directeur régional au ministère du Travail et de l’insertion professionnelle. Tous se sont accordés à dire que la procédure d’audience pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, et que les imprécisions qui l’émaillent portent souvent préjudice à l’employeur comme en témoigne une grande partie des affaires qu’ils ont eu à traiter. «Plus de 70% des conflits entre employeurs et employés qui arrivent aux tribunaux ou à l’Inspection du travail sont en relation avec la procédure de licenciement. Si le législateur avait impliqué en amont toutes les parties prenantes et avait élaboré des textes juridiques clairs et précis, nous aurions eu beaucoup de complications en moins», déplore Jamal Maâtouk.  Pour rappel, l’article 62 du Code du travail qui stipule ce qui suit : «Avant le licenciement du salarié, il doit pouvoir se défendre et être entendu par l’employeur ou le représentant de celui-ci en présence du délégué des salariés ou le représentant syndical dans l’entreprise qu’il choisit lui-même dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la date de constatation de l’acte qui lui est imputé. Il est dressé un procès-verbal à ce propos par l’administration de l’entreprise, signé par les deux parties, dont copie est délivrée au salarié. Si l’une des parties refuse d’entreprendre ou de poursuivre la procédure, il est fait recours à l’inspecteur du travail». 

Si le caractère obligatoire de cette procédure est clairement souligné, expliquent les intervenants, d’autres détails restent néanmoins entourés de flou. À commencer par la convocation dont le moyen n’est pas défini. À ce sujet, la circulaire du ministère précise que cette convocation doit se faire par écrit, contre accusé de réception, ou par recours à un huissier de justice. Elle doit mentionner la nature de la faute reprochée au salarié, la date, l’heure et le lieu de l’audience, mais aussi l’informer de son droit d’être accompagné par un délégué du personnel ou un représentant syndical de son choix. Et si l’entreprise ne disposait pas d’un délégué du personnel ou d’un représentant syndical ? Encore un cas qui n’a pas été pris en considération par le législateur, mais sur lequel la jurisprudence a tranché en donnant le droit au salarié de se faire accompagner par un collaborateur de son choix. Le procès-verbal pose également problème : est-il obligatoire ? Oui, répondent la jurisprudence et la circulaire. Quant au recours à l’inspecteur de travail, l’article 62 ne précise pas la partie qui doit s’en charger ni le rôle que doit jouer 
celui-ci dans cette affaire. Eh bien, sachez que c’est à l’employeur de déclencher cette procédure, également obligatoire, et que le rôle de l’inspecteur de travail se limite au constat. Mais si c’est l’employé qui le sollicite, l’inspecteur doit déclencher la procédure de réconciliation. D’autres lacunes ont été soulignées par les invités de l’AGEF concernant les autres articles du Code du travail liés directement à l’article 62, à savoir les articles 63, 64 et 65, par exemple le délai de 48 heures octroyé par le législateur à l’employeur pour qu’il notifie le salarié de la décision de licenciement. 
«L’article 63 pose un problème encore plus épineux : l’employeur doit notifier le salarié de la décision de licenciement dans un délai de 48 heures à partir de la date de la prise de décision. Mais quand doit-il prendre cette décision ?», s’indigne Dr Maâtouk. Pourtant, ajoute-t-il, la procédure d’audience déclenchée par l’employeur suppose qu’il a déjà pris la décision de licencier le salarié puisque «dans la séance d’audience, il est déduit qu’il s’agit de licenciement». 
En tout cas, les différentes incohérences relevées par l’ensemble des intervenants mériteraient, comme l’a souhaité Jamal Maâtouk, de bénéficier du même traitement accordé à l’article 62 et de faire l’objet de circulaires explicatives. 

Lisez nos e-Papers