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L’interminable fuite en avant

Par Nabil Adel Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management

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Les rapports de la Cour des comptes sur les retraites se suivent et se ressemblent. Ils papillonnent autour du problème, mais ne proposent que des calmants, au lieu de s’attaquer à la racine du mal, à savoir la nature même du système de répartition que nous pratiquons. Le temps presse et les réalités démographiques nous rattrapent à grands pas. Seuls un grand courage politique, un accord historique entre les partenaires sociaux et un sacrifice des cotisants et des retraités permettront de résoudre le problème. Autrement, nous fonçons droit dans le mur.  

 

Nous avions pourtant mis en garde
Dans une série d’articles que nous avons consacrés aux régimes de retraites (voir nos éditions du 26-12-2013, du 09-01-2014 et du 16-01-2014), nous avons mis en garde contre l’inadéquation et l’insuffisance des solutions proposées par la Cour des comptes dans son rapport. C’est ainsi que nous avions écrit : «La crise des retraites au Maroc est systémique, c'est-à-dire qu’elle est liée à la nature même de ce système injuste et archaïque, qu’on appelle la retraite par répartition. Ajoutant à cela, la façon invraisemblable dont les Caisses ont été gérées et la générosité des pensions servies aux premières générations de retraités. Quand on maintient sous perfusion le système en poussant l'âge de départ à la retraite, ce qu’on n’explique pas aux Marocains, c’est que ce rallongement sert à payer les pensions des retraités d’aujourd’hui, mais rien ne leur garantit, quand bien même ils auront travaillé jusqu’à 65 ans, qu’ils toucheront une retraite pleine. Cela dépendra des paramètres démographiques futurs que personne ne maîtrise. De toutes les manières, ceux qui suggèrent des solutions aujourd’hui ne seront plus là pour en rendre compte.

Les mesures proposées permettent au mieux de maintenir le système quelques années de plus. Que ferons-nous alors ? Demander aux Marocains de travailler jusqu’à 72 ans. Jusqu’où ira le prolongement de la durée de travail ? Et puis soyons sérieux, quelle productivité sommes-nous en droit d’exiger à partir de 65 ans ? Au nom de quelle justice demandons-nous à un Marocain qui cotise toute sa vie de payer pour quelqu’un qu’il ne connaît pas et attendre que quelqu’un qu’il ne connaîtra jamais paye pour lui ? Lorsque Bismarck avait introduit ce système en Allemagne en 1883, il avait fixé l’âge de la retraite à 70 ans pour une population qui vivait en moyenne jusqu’à 45 ans. Aujourd’hui, nous gagnons un an d’espérance de vie toutes les 3 années et à partir de 2050, nous gagnerons chaque année un an d’espérance de vie. Voir une majorité de la population dépasser les 100 ans ne sera pas une surprise. L’autre solution qui consiste à augmenter les taux de cotisations et tout aussi mauvaise, car elle se traduira par une charge additionnelle sur le Budget de l’État pour les Caisses publiques et par un renchérissement du coût du travail, déjà élevé, pour les Caisses privées, favorisant la sous-déclaration et le travail au noir, et donc réduisant l’assiette des cotisations. Ce que nous gagnerons d’une main, nous le perdrons de l’autre. Aujourd’hui, le système que nous voulons maintenir vaille que vaille ne tient plus et il est voué à l’effondrement. Tant que nous ne réglons pas le problème en profondeur, nous ne faisons que le transférer à nos enfants.

Enfin, la décision, actuellement en projet, qui consiste à regrouper les Caisses dans deux pôles public et privé est non seulement inefficace, mais potentiellement dangereuse. Elle résout une part marginale du sujet et revient à concentrer les risques au lieu de les répartir et à mettre le bon fruit et le fruit avarié dans le même panier. En cas de choc, tout le système est affecté, au lieu que les pertes soient isolées. Dans un système de retraite ne souffrant d’aucun risque systémique, deux variables peuvent causer son déficit. Des taux de rendement faibles et/ou des frais de gestion élevés. La solution de regrouper les caisses accentuera le deuxième risque sans prévenir le premier, qui dépendra de toute manière de l’état du marché financier».

La solution ? le mot qu’aucun responsable n’ose prononcer
Dans le feuilleton du «politiquement correct» qu’on nous diffuse actuellement, nos responsables pointent le mal, mais n’osent plus s’avancer sur les solutions, tant elles ne sont pas dans l’air du temps. Or le problème, on ne le dira jamais assez, est dans la nature même du régime de retraite par répartition dépassé par les réalités démographiques de notre pays. 

La solution est d’organiser la disparition de ce régime archaïque et d'y substituer des régimes par capitalisation. Ce mot capitalisation, qu’aucun responsable n’ose prononcer, est paradoxalement la bonne solution. Un autre cri que nous avions lancé en 2014, mais qui est resté sans écho, car à l’époque les solutions de la Cour des comptes, dont M. Jettou vient de souligner aujourd’hui l’insuffisance, étaient à la mode, d’autant plus qu’elles avaient reçu le cachet du Conseil économique, social et environnemental. C’est ainsi que nous avions écrit dans l’édition du «Matin» du 16-01-2014 : «Si on tient à la répartition, il faut impérativement solutionner la question démographique. Sinon le vieillissement de la population que nous vivons s'accommode fort bien à un régime par capitalisation. Mais on ne peut pas appliquer un système de jeunes (répartition) à une population qui vieillit». Combien de temps devrons-nous encore attendre pour entamer les vraies réformes ? 

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