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La sortie de l'euro, un pari économique périlleux

La sortie de l'euro, un pari économique périlleux

L'abandon de l'euro, proposé par Marine Le Pen, mais aussi Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau et Jean-Luc Mélenchon – qui l'envisage comme un «plan B» – présente des risques aux effets potentiellement ravageurs pour l'économie française, selon une grande majorité d'experts. En voici les principaux :

L'incertitude monétaire
Dans son programme, Marine Le Pen prévoit un nouveau franc qui, à sa création, aurait la même valeur que l'euro. Mais le taux de change varierait ensuite sur le marché des devises. Or le déficit commercial chronique de l'Hexagone entraînerait mécaniquement une hausse de la demande de monnaies étrangères, et donc une dépréciation. Pour Jacques Sapir, directeur d'études à l'EHESS et partisan d'une sortie de l'euro, cet ajustement du taux de change aux conditions économiques de la France serait «l'un des principaux intérêts» de la nouvelle monnaie. Il permettrait de «relancer les exportations», écrit l'économiste. Mais cette flexibilité, synonyme de risque pour les entreprises internationalisées, pourrait poser problème en cas d'évolution erratique du taux de change. Selon certains économistes, la dépréciation pourrait atteindre 30%, voire plus, en cas de réaction brutale des marchés.

Le risque financier
Pour l'Institut Montaigne, centre de réflexion d'obédience libérale, «la perspective d'un retour au franc entraînerait rapidement une sortie de capitaux des investisseurs institutionnels, français et étrangers, ainsi que ceux des particuliers», avec de graves répercussions pour le système bancaire. En cause : le risque de dévaluation inhérent à la nouvelle monnaie. Pour éviter que leur «épargne perde une grande partie de (leur) valeur», les investisseurs pourraient chercher à la préserver «dans une monnaie solide», détaille à l'AFP Philippe Waechter, chef économiste chez
Natixis AM. Les banques se retrouveraient rapidement à court de liquidités, et à la peine pour se refinancer auprès de leurs homologues étrangères. «Il y aurait sans doute des faillites», s'inquiète Mathieu Plane, chercheur à l'OFCE, pour qui la sortie de l'euro pourrait «faire éclater l'ensemble du système bancaire».

Le problème de la dette
Avec la dépréciation de la nouvelle monnaie, un autre problème devrait être réglé : celui de la dette publique, libellée en euros. Serait-il possible, pour éviter que les montants à rembourser ne s'envolent, de la payer en francs ? Oui, assure Jacques Sapir, qui évoque «une longue jurisprudence» favorable, la «lex monetae». Peu de chances toutefois que les créanciers acceptent cet état de fait. «En France, la dette publique est détenue à 60% par des non-résidents», souligne Philippe Waechter. Pour ces créanciers internationaux, «une dépréciation de l'ordre de 25% signifierait qu'ils toucheraient 25% en moins, ce qui est énorme», rappelle Mathieu Plane, à l'AFP. Un contentieux s'ouvrirait alors, avec un risque de voir le remboursement en francs jugé contraire au droit de propriété et anticonstitutionnel. Ces dernières semaines, les agences de notation ont d'ailleurs annoncé qu'elles considéreraient une telle «redénomination» unilatérale de la dette comme un défaut de paiement. Problème supplémentaire : le retour à une monnaie nationale entraînerait une hausse probable des taux d'intérêt, le profil de la France devenant plus risqué. Selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, rembourser la dette coûterait ainsi 30 milliards d'euros supplémentaires par an.

Le risque inflationniste
À moyen terme, une dépréciation du franc pourrait certes doper la compétitivité des produits français, proportionnellement moins chers pour les acheteurs étrangers. Mais elle aurait également des effets négatifs, puisqu'elle favoriserait l'inflation via les importations. «Nous avons besoin de pétrole, d'uranium, de métaux rares, et nous ne pouvons pas les remplacer par une production nationale», rappelle l'Institut Montaigne. Les entreprises françaises devraient donc encaisser un «choc», en payant plus cher les matières premières et composants importés. Même phénomène pour les particuliers, qui verraient leur pouvoir d'achat sérieusement entamé : selon Terra Nova, think tank classé à gauche, «la facture pourrait se situer entre 1.500 et 1.800 euros par ménage et par an», avec un impact plus fort sur les ménages modestes.

Le risque de récession
Quel serait in fine l'impact d'une sortie de l'euro sur la croissance ? Le Front national (FN) évoque un cercle vertueux, avec regain d'activité et créations d'emplois. De nombreux économistes penchent au contraire pour un effet récessif, quoique difficile à quantifier. D'après l'Institut Montaigne, la récession pourrait atteindre 2,3% la première année, et 9% à terme, avec pas moins de 500.000 emplois détruits. «L'inflexion conjoncturelle» pourrait être «significative», abonde Philippe Waechter. Des projections rejetées par le FN. «Il faut sortir de cette stratégie de la peur. Avec le Brexit, on nous prédisait la catastrophe, ce n'est pas arrivé», a martelé Marine Le Pen, en rappelant que Londres avait relevé sa prévision de croissance pour 2017 de 1,4 à 2%. Le retrait de la Grande-Bretagne de l'Union européenne (UE) n'est cependant pas encore effectif. Et la situation britannique, qui n'utilise pas l'euro, n'est pas comparable à celle de la France. «Le problème, si la France quitte la monnaie unique, c'est que l'ensemble de la zone euro pourrait disparaître», prévient Mathieu Plane... qui prédit alors «une crise sans
précédent». 

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