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L'entrepreneuriat citoyen, une vocation pour l'avenir

Qui a dit que «faire du business» n’est pas compatible avec l’engagement social et citoyen ? À l’heure où l’on valorise de plus en plus l’économie sociale et solidaire, on note que le monde se tourne vers de nouvelles formes d'entrepreneuriat où l'impact sociétal prend toute son ampleur, laissant derrière lui l'époque où seul comptait le gain.

S'il y a une réalité qu'on ne peut plus nier concernant le secteur économique du pays, c'est le taux de chômage qui ne cesse d'augmenter. Les derniers chiffres dévoilés par le Haut Commissariat au Plan (HCP) sur le marché du travail au deuxième trimestre 2017 indiquent que le taux de chômage est monté à 9,3% sur un an. À l’échelle nationale, le nombre de chômeurs a enregistré une hausse de 33.000 de chômeurs sur une année. Le taux de sous-emploi s’est aussi aggravé passant de 9,8 à 9,9% au niveau national. Il y a quelques jours, le ministère de la Jeunesse et des sports a même dévoilé que 20% des jeunes de 15 à 34 ans sont touchés par le chômage. La question qui se pose alors est de savoir comment faire face à cette problématique et quelle est la meilleure solution pour permettre aux jeunes une meilleure inclusion au marché de travail.

La réponse semble de plus en plus évidente : il faut encourager l’entrepreneuriat. Une idée qui intéresse un grand nombre de citoyens, d’ailleurs, les derniers chiffres officiels révélés en 2006 parlent de 6.000 inscrits au statut d’auto-entrepreneur. C’est donc autant de projets qui ont ou qui verront le jour offrant ainsi d’importantes opportunités d’emploi. Entreprendre oui, mais pas n'importe comment. La tendance est sans aucun doute au social et à l’acte citoyen. C’est aujourd’hui beaucoup plus qu’une tendance, c’est tout un secteur qui est en train de construire son écosystème et son modèle économique. «Les raisons du développement de ce type d’entrepreneuriat sont dues essentiellement à une prise de conscience des individus de leurs rôles dans les communautés avec la nécessité de trouver des solutions plus innovantes et durables. Ces entrepreneurs sont aussi conscients des changements et des rôles que les acteurs classiques commencent à avoir surtout vis-à-vis de l’inefficacité des anciens modèles et des transformations sociales», explique d'emblée Adnane Addioui, directeur d'Enactus Morocco, qui rappelle à cet égard le constat de l’expert mondial en management, Peter Drucker : «l’entreprise du futur sera sociale ou ne le sera pas».

En effet, les nouveaux entrepreneurs le savent : l’entreprise est au cœur d'une transformation sociétale et citoyenne. Entreprise et société doivent se compléter pour mieux se développer. «Je pense que la situation économique mondiale et les évolutions de nos sociétés ont permis l’émergence d’entrepreneurs engagés, soucieux de pérennité et d’inclusion sociale, et qui sont à l’origine de solutions innovantes. J’ajouterai même qu’aucune entreprise ne pourra faire de la croissance durablement si elle n’arrive pas à penser d’abord au sens et à l'impact sociétal. C'est ce que les Anglo-saxons appellent “purpose” en même temps que business. «Purpose + business» est l’équation gagnante pour nos sociétés», affirme Amandine Lepoutre, présidente du mouvement Thinkers & Doers.
L'idée est que l'entrepreneuriat s'imprègne des besoins de la société et de la communauté où il évolue pour apporter des solutions concrètes aux problématiques sociétales et des services pour contribuer au bien-être des citoyens. 
L'entrepreneuriat prend ainsi une dimension citoyenne. Certains experts vont même plus loin. Ils estiment que nous allons bientôt faire face à des politiques de «RSE inversée», c'est-à-dire que les nouveaux entrepreneurs se baseront sur un projet sociétal pour créer leur entreprise et non l'inverse.

«Cela deviendra impossible pour les nouvelles générations de déconnecter leur métier et leur vision entrepreneuriale de la quête citoyenne qu'elle soit personnelle ou collective. Cela génère beaucoup d’espoir je trouve, et surtout beaucoup d’actions concrètes et d’engagement», souligne Lepoutre. Et d'ajouter : «Les entreprises et les entrepreneurs ont des pouvoirs importants qu'il faudrait investir pour développer la société. En effet, ils sont la capacité d’investir de l’argent dans des solutions innovantes et deuxièmement de toucher un grand nombre de personnes comme les collaborateurs, les citoyens ou les consommateurs».

C'est donc pour mettre en avant cette forme d'entrepreneuriat que le mouvement Thinkers & Doers, un réseau international qui rassemble des leaders internationaux qui innovent et créent des solutions pour répondre aux enjeux du monde en pleine mutation, organise, en décembre prochain, une conférence internationale sur les «États généraux de l'entrepreneuriat citoyen», à Essaouira. «On promeut l'entrepreneuriat citoyen en identifiant les entrepreneurs citoyens les plus innovants qui présentent les initiatives les plus prometteuses, et on les met en relation avec les pouvoirs publics, politiques, institutionnels, financiers et médias. Nous provoquons des opportunités de développement pour les entrepreneurs bien entendu, mais aussi en faveur des grandes industries ou des gouvernements», explique Amandine. Et de préciser : «Concrètement, nous organisons des événements, des conférences internationales comme celle qui aura lieu à Essaouira. Mais également des workshops dans les entreprises et des réunions de réflexion pour les institutions, avec des entrepreneurs citoyens. Nous publions aussi beaucoup, pour inspirer, renseigner, informer et surtout inciter à l’action». 


Entretien avec Amandine Lepoutre, présidente du mouvement Thinkers & Doers      

«Les entrepreneurs citoyens ont un profil très particulier puisqu’ils allient le business avec le sens et l’impact sociétal»          

Éco-Emploi : Pouvez-vous nous parler du réseau international «Thinkers & Doers» ?
Amandine Lepoutre
: J’ai créé le mouvement «Thinkers & Doers» il y a quatre ans. Le principe est de rassembler les «rule breakers», ceux qui font bouger les systèmes et les règles pour inventer et faire le monde de demain, que ce soit dans les secteurs de l’entrepreneuriat, de l’éducation, des nouvelles énergies et technologies, ou encore de la santé. En quatre ans, nous avons réuni plus de 20.000 personnes : dirigeants d’entreprises, entrepreneurs, créateurs, chercheurs, etc., parmi ceux qui relient leur business et leurs idées aux besoins de la société pour créer des impacts positifs et répondre aux enjeux urgents de notre époque. Notre Think and Do Tank est devenue une véritable plateforme de rencontres internationales. Aujourd’hui, les gouvernements, les grandes entreprises, mais également certaines institutions viennent nous voir pour être en connexion avec ces personnalités, forces du changement pour faire évoluer leurs modèles de business, de gouvernance, ainsi que leurs logiques de communication ou d’influence. C’est très important pour moi de provoquer ces rencontres et de multiplier des séances de travail entre les personnalités et les organisations de notre mouvement en Tunisie, à Londres, à Paris, à Dubaï, au Liban et maintenant au Maroc. C’est de cette manière que nous contribuons, nous aussi, à créer une dynamique de changements positifs.

Vous organisez, les 14 et 15 décembre prochain à Essaouira, la Conférence internationale sur «Les États généraux de l’entrepreneuriat citoyen». Quel est l'objectif de cette rencontre ?
Cette rencontre est un moment d’échanges bien sûr, mais surtout de travail. Lors de cet événement, qui est une première mondiale, nous avons sollicité 100 personnalités parmi les plus influentes, expertes, mobilisées et actives sur le thème des entrepreneurs citoyens. Ces entrepreneurs ont un profil très particulier puisqu’ils allient les nouveaux business avec le sens et l’impact sociétal. Ils sont de plus en plus nombreux, efficaces et performants. Ils viennent parfois, et même de plus en plus fréquemment, compléter, voire compenser les manquements des services publics ou étatiques. Le monde va tellement vite et les inégalités sont croissantes. Les solutions doivent être rapides et locales. Pour cela, il faut de l’agilité, de l’inventivité et beaucoup d’audace. 
Voilà les points communs qu’ont ces entrepreneurs citoyens, qui ont besoin des États et des institutions pour accélérer leurs actions. Parce que les solutions qu’ils ont inventées permettraient, si elles étaient appliquées à grande échelle, de résoudre des problèmes sociétaux graves. Donc l’objectif de la rencontre prévue à Essaouira est de définir les conditions pratiques pour que les solutions des entrepreneurs citoyens puissent être développées, diffusées, accélérées massivement et internationalement.

Vous comptez, à l'issue de cet événement, réaliser un rapport, qui sera pensé comme un «Observatoire des solutions». Quel sera son rôle et comment va-t-il accomplir la mission qui lui sera assignée ? 
Les propositions de ces séances de travail feront l’objet d’un rapport, en effet, ou je devrais plutôt dire un mode d’emploi. Ce sera très pragmatique et très concret en utilisant toute la palette des outils digitaux, en open source, pour la mise en action et la duplication des règles du «jeu» : business plan type, méthodologies pour investir, conditions d’accueil, principes de marketing et de communication, animation de communautés, bureau de gestion de projets… Un module de sondage en ligne permettra aussi de suivre et d’interagir avec certains entrepreneurs citoyens. 
Ils seront les témoins et relais des propositions retenues pendant cet événement pour suivre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et proposer des améliorations. 
Cela rendra la réflexion dynamique, concrète et utile.

Est-ce que le mouvement Thinkers & Doers collabore avec des partenaires marocains en matière d'entrepreneuriat citoyen ?
Aujourd’hui, nous travaillons avec de nombreuses organisations : entreprises, gouvernements et institutions. Nous collaborons avec le Maroc depuis quelques mois. Grâce à la bienveillance d’André Azoulay et au partenariat avec l’Association Essaouira Mogador, nous avons pu rapidement comprendre l’environnement et interagir très vite avec d’autres partenaires. 
Le contexte marocain actuel est passionnant et plein de promesses. Il y a beaucoup d’avancées, très fortes, en matière d’entrepreneuriat. Cette conférence est l’occasion de rassembler, à Essaouira, la ville qui symbolise le dialogue entre les cultures, 100 leaders, experts et entrepreneurs internationaux, prêts à travailler ensemble sur cette thématique fondamentale pour le Maroc, l’Afrique, l’Europe et le monde entier en réalité. 

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