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La Mourabaha immobilière impossible pour le logement social

À moins de revoir les textes, le financement du logement social via la banque participative est tout simplement impossible. C'est là l'une des nombreuses difficultés soulevées par les notaires devant une assistance de quelque 500 personnes vendredi dernier à Casablanca. Pour remonter ces difficultés aux autorités compétentes, une commission banques participatives-notaires doit être constituée incessamment.

La Mourabaha immobilière impossible pour le logement social
Pour les notaires, des contradictions existent entre le régime légal et le régime shariatique, notamment pour le transfert de propriété .

Les notaires sont prudents. L’enjeu de la sécurité juridique et contractuelle des transactions immobilières, via la finance participative, les interpelle. Selon eux, la Mourabaha immobilière -qui est à ce jour le seul produit de financement disponible chez les banques participatives- connaît de réelles difficultés sur le terrain du fait qu’elle n’est pas adaptée aux textes législatifs existants, notamment le droit immobilier et fiscal. «La profession notariale est un intervenant majeur dans le processus d’acquisition immobilière. Le produit Mourabaha n’est pas à 100% fiable sur le plan juridique. Soit qu'il y a des ambiguïtés, soit carrément des contradictions entre le régime légal et le régime shariatique. Et pour que le produit soit crédible et fiable, les autorités compétences doivent procéder à la refonte de certains textes de lois», confie au «Matin Eco» un notaire ayant requis l'anonymat. Ce dernier s’exprimait le 8 décembre en marge d’une rencontre organisée à Casablanca sur la finance participative et le secteur immobilier, en présence de plus de 500 personnes, dont le ministre de la Justice, des membres du Conseil national de l’Ordre des notaires, des représentants des banques participatives et des opérateurs immobiliers. 
«La Mourabaha consiste pour la banque à acheter un bien pour le revendre au client final qui est le donneur d’ordre. D’après le Conseil supérieur des oulémas, les deux contrats/actes doivent être passés concomitamment. Or, si au regard de la Charia, la banque est propriétaire du bien dès l’acte d’achat, du point de vue du droit positif elle ne l’est que si la propriété est inscrite sur les titres fonciers. Légalement, le notaire ne peut passer à l’opération de revente au client final tant que la banque n’a pas encore la qualité de propriétaire», explique notre source. Selon elle, la banque demande également un acte notarial dans lequel le client final s’engage à acquérir le bien via la rédaction d’une promesse unilatérale d’achat. Cependant, le bien objet de la promesse n’appartient pas encore à la banque.  Pour un autre professionnel, le produit Mourabaha pose également problème pour le déblocage des fonds (prix de vente) au profit du vendeur initial (primitif selon le jargon des notaires) auprès duquel la banque a acquis le bien immobilier. «Selon la loi, dès que la vente est accomplie, le notaire doit libérer les fonds au vendeur. Or dans la pratique participative, le notaire doit s’engager envers la banque à hypothéquer le bien - dans le cadre de la deuxième opération qui est l’acte de revente au client final - avant de libérer les fonds au vendeur initial. Et si le client final ne se présente pas pour une raison ou une autre durant des mois, bien évidemment le notaire ne pourra pas libérer les fonds au vendeur initial. Ce dernier peut alors poursuivre le notaire pour détention illégale des fonds», prévient-il.  

Autre interrogation des notaires : comment déterminer le coût d'acquisition (prix d'achat et frais) qui sera augmenté de la marge bénéficiaire ?
Et ce n'est pas tout. Pour la profession, sans modifications législatives et fiscales, la contractualisation de la Mourabaha pour le logement social reste impossible. «Le législateur a omis la pratique de deux actes (acquisition et revente) dans le contrat Mourabaha. Certes, les établissements de crédit peuvent acquérir le logement social exonéré de la TVA en vertu de l’article 92-I-28° du CGI, pour le compte de leurs clients, dans le cadre des contrats Mourabaha, mais à des conditions prévues à l’article 93-I du CGI à signer par l’acquéreur. Or, le Conseil des oulémas exige de ne pas révéler l’identité de l’acquéreur final durant le premier acte. Comment alors le notaire pourra-t-il alors mentionner le bénéficiaire final dans le premier acte pour recevoir la TVA ?», se demande la profession notariale. De même, le promoteur a le droit de demander la TVA une fois le logement social vendu à la banque. Cependant, l’État ne verse la TVA qu’une fois le bien hypothéqué en sa faveur. Or, l'hypothèque n'intervient que lors du deuxième acte Mourabaha. 

Par ailleurs, les notaires citent d’autres ambiguïtés, notamment celle relative à Hamish Jidiya (dépôt de garantie négociable que le client final doit fournir à la banque dans le cadre de sa promesse d’achat). «Les notaires se posent la question de la légalité de Hamish Jidiya perçue à ce jour par les banques participatives sachant que le taux permettant le calcul de Hamish Jidiya doit encore être fixé par Bank Al-Maghrib. Pour l'heure, ce sont les banques elles-mêmes qui déterminent leurs taux, généralement entre 5 et 10% du prix du bien !» Les autres préoccupations concernent essentiellement le financement de l’immobilier sans l’assurance Takaful. Cela représente des risques, en cas de décès ou d'invalidité du client, pour les ayants droit. 

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