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Un succès diplomatique au service d’une cause continentale

Bouchra Rahmouni BenhidaProfesseur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Un succès diplomatique au service d’une cause continentale
Le Royaume a toujours placé l’Afrique au cœur de ses choix stratégiques depuis l’indépendance.

Le 30 janvier 2016, le Maroc a réintégré l’Union africaine après une absence de 30 ans. Toutefois, malgré son absence de l'organisation panafricaine, le Maroc a préservé des relations étroites avec la communauté du continent. Le Royaume a toujours placé l’Afrique au cœur de ses choix stratégiques depuis l’indépendance. Cette vocation a atteint sous le règne de S.M. le Roi Mohammed VI une nouvelle dimension avec trois mots d’ordre : équité, justice et équilibre dans les domaines économique, social et environnemental. De surcroît, des questions historiques, sécuritaires et de co-développement confèrent un caractère crucial au retour du Maroc au sein de l’Union africaine.

Depuis son intronisation, S.M. le Roi Mohammed VI n’a cessé de conquérir le respect, l’estime et le cœur des peuples africains, à travers ses visites répétées dans plusieurs pays du continent. Des visites qui expriment la volonté du Maroc, portée au plus haut niveau, de diversifier ses partenariats en Afrique et d’étendre le modèle de coopération Sud-Sud qu’il a développé avec ses partenaires traditionnels sur le continent africain. Et c’est en ces termes que le Souverain s’est adressé aux Chefs d’État lors du 27e Sommet de l’UA : «Cela fait longtemps que nos amis nous demandent de revenir parmi eux, pour que le Maroc retrouve sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle. Ce moment est donc arrivé (…) Le temps est venu d’écarter les manipulations, le financement des séparatismes, de cesser d’entretenir, en Afrique, des conflits d’un autre âge, pour ne privilégier qu’un choix, celui du développement humain et durable, de la lutte contre la pauvreté et la malnutrition, de la promotion de la santé de nos peuples, de l’éducation de nos enfants, et de l’élévation du niveau de vie de tous».

Ce passage exprime clairement la volonté du Maroc de contribuer efficacement à la construction d’une Afrique fière, battante et courageuse qui se fait confiance et qui met tout en œuvre pour la réussite de tous ses fils. Le développement durable reste la meilleure voie pour lutter contre l’obscurantisme, et par ricochet contre le terrorisme. Projets d’investissement, sécurité alimentaire, infrastructures, transport, bancarisation, inclusion financière et énergies renouvelables font l’objet de partenariats conclus lors de toutes les visites effectuées par le Monarque aussi bien à l’est qu’à l’ouest du continent.

La stratégie marocaine en Afrique contribue à apporter des réponses concrètes aux différents défis auxquels devra faire face le continent. L’Afrique devra d’abord «loger et nourrir» un milliard de femmes et d’hommes supplémentaires d’ici 2050, habitant majoritairement dans un nombre accru de très grandes villes. L’accès aux services essentiels que sont l’eau potable, l’énergie, les transports, la santé ou l’éducation devra donc être assuré pour deux milliards de personnes dans les villes et les campagnes, alors qu’ils ne suffisent pas aujourd’hui à satisfaire les besoins de 910 millions de femmes et d’hommes. L’Afrique devra augmenter sa production agricole pour faire face au défi alimentaire du continent et préserver les emplois que fournit ce secteur puisqu’il occupe 65% de la population active du continent. L’Afrique devra assurer chaque année, une croissance économique qui devrait avoir pour objectif de créer de l’emploi pour près de 12 millions de jeunes supplémentaires sur le marché du travail.

Relever tous ces défis ne peut être possible que si la croissance économique est diversifiée, la plus inclusive possible et intégrée dans un ensemble régional et portée notamment par la croissance d’un secteur privé fortement créateur d’emplois et générateur de recettes fiscales pour les États.
Réaliser ce type de croissance reste tributaire d’une forte intégration régionale dont le continent peut retirer de nombreux avantages en termes d’accroissement des revenus (en augmentant ses marchés de consommation, et cela est d’autant plus important que les marchés africains sont très étroits), en termes de création d’emplois (en attirant les multinationales sur son sol), ou encore en termes d’amélioration du bien-être des consommateurs (grâce à la diversité des produits mis en vente et à la possibilité de réaliser des économies grâce à la concurrence). Or le continent ne représente en effet que 4% du commerce mondial et reste très peu intégré. Ce qui, par conséquent, entrave l’aboutissement des stratégies panafricaines de développement qui restent plus que difficiles à mettre sur pied sans intégration. Une situation que S.M. le Roi Mohammed VI n’a pas manqué de relever dans le discours du Trône du 30 juillet 2014 où le Souverain insiste sur le fait de devoir trouver une issue à une situation étrange. «Or toutes les initiatives marocaines responsables se heurtent à une intransigeance et un refus systématique, qui vont à contre-courant de la logique de l’Histoire et de la légalité, et qui contreviennent aux droits de nos peuples en matière d’échange et d’interaction humaine et d’ouverture économique.»

Ces propos montrent bien que l’intégration continentale est l’une des voies majeures du développement. Mais si jusqu’à présent, le continent n’a pas pu emprunter cette voie, c’est plutôt en raison des nombreux obstacles qui existent. Des obstacles en termes d’infrastructures, en termes de politiques à mettre en place ou encore des obstacles en termes de formation.

Quand on compare l’Afrique aux autres continents, tels que l’Asie, l’Europe ou l’Amérique, on constate qu’en matière de commerce intrarégional, l’Afrique est à la traine du fait de l’existence de plusieurs freins, à savoir la persistance de la culture des exportations des matières premières et des produits agricoles à l’état brut, le manque d’infrastructures qui génère des coûts de transport et de logistique très élevés, l’existence de barrières non tarifaires telles que la réglementation sanitaire et phytosanitaire, la persistance des problèmes liés aux conflits et le coût de l’énergie. Ce dernier reste très élevé en Afrique et empêche le continent d’être compétitif sur le marché de l’exportation international. Il est donc primordial de trouver une réponse immédiate aux questions de l’énergie, de l’infrastructure, de la logistique et de la stabilité pour installer une chaine de valeur régionale, pour assurer une meilleure harmonie dans le couple territoire-investissement et pour réaliser un développement durable et équitable à l’échelle du continent.

Depuis plus d’une décennie, le Maroc s’est impliqué dans la construction d’une nouvelle Afrique. Il dispose en effet d’une certaine expérience économique, sociale, écologique et militaire qui mérite d’être exploitée. Cela est d’autant plus vrai que le Royaume a entrepris la démarche de rencontrer les pays du continent pour leur proposer ses services et sa vision du développement. Convaincu que l'économie ne peut se passer de solidarité, le Maroc a adopté la voie d'une approche particulière et différente, réconfortant ainsi son éligibilité au rôle de locomotive de la coopération Sud-Sud en Afrique. Un rôle qui sera renforcé et ancré par son retour à l’UA.

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