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«L'inadéquation entre les compétences professionnelles requises chez l’entrepreneur et celles offertes par les écoles et les universités demeure préoccupante»

«L'inadéquation entre les compétences professionnelles requises chez l’entrepreneur et celles offertes par les écoles et les universités demeure préoccupante»
Il est impératif que l’État repense les curricula de façon à illustrer des modèles d’entrepreneurs jeunes pour agir indirectement sur la peur de l’échec qui pénalise fortement le potentiel entrepreneurial des jeunes générations.

Éco-Emploi : Quels sont les constats phares dressés par le rapport GEM ?
Khalid El Ouazzani :
L’étude Global Entrepreneurship Monitor (GEM) révèle une accélération de la dynamique entrepreneuriale au Maroc, à savoir des indicateurs relatifs à la culture entrepreneuriale et au potentiel entrepreneurial en amélioration. Le pays a connu une accélération notable de son niveau d’activité entrepreneuriale qui passe de 5,6% en 2016 à 8,8% en 2017 améliorant de manière significative son classement à l‘échelle internationale. Toutefois, cette évolution s’accompagne d’un écart persistant entre intentions entrepreneuriales et dynamique entrepreneuriale. Car, si notre étude a permis de mettre en évidence un important potentiel entrepreneurial au sein de la population marocaine, ce constat contraste avec une faible dynamique en termes de création d’entreprises. Alors que 30% de la population sondée a confirmé son intention de se lancer dans une activité entrepreneuriale, seuls 4,6% de cette population s’engagent effectivement dans la création d’une entreprise. Ce paradoxe entre intention et création d’entreprises est très inquiétant. Pour la troisième année consécutive, le Maroc demeure le premier pays de la région MENA qui présente un écart aussi élevé entre l’intention entrepreneuriale et sa traduction concrète en création d’entreprises. Cette réalité, assez spécifique au Maroc, interpelle les pouvoirs publics et l’écosystème de l’entrepreneuriat dans son ensemble et démontre toutes les limites actuelles des mesures mises en place en termes d’accompagnement et d’aide à la création. D’où la nécessité d’approfondir la réflexion sur le dispositif d’accompagnement actuel. En définitive, si les résultats GEM 2017 dévoilent des signes encourageants d'amélioration du taux d’activité entrepreneuriale, le défi majeur est de traduire cette évolution en mesures de politique économique. Les recommandations du rapport préconisent les domaines clés où une attention particulière des pouvoirs publics pourrait améliorer les divers aspects qui entravent le développement d’un environnement entrepreneurial inclusif.

Quelles clés pour développer le potentiel des jeunes en matière d'entrepreneuriat ?
En matière de formation et d’éducation entrepreneuriale, le rapport insiste sur l’urgence de démarrer l’éducation entrepreneuriale dès l’enfance, et de réformer le système éducatif pour sensibiliser les jeunes aux valeurs entrepreneuriales et valoriser l’image de l’entrepreneur. Nous estimons que le développement de l’activité entrepreneuriale chez les jeunes nécessite un investissement à long terme en capital humain. La mise en œuvre de programmes d’enseignement et de formation en entrepreneuriat peuvent augmenter la perception des opportunités, les capacités d’entreprendre ainsi que la motivation chez les jeunes. Ces programmes doivent être envisagés à tous les niveaux du cursus scolaire. L'inadéquation entre les compétences professionnelles requises chez l’entrepreneur et celles offertes par les écoles et les universités demeure préoccupante. Il est de ce fait impératif que l’État anticipe ces programmes dès l’école primaire, notamment de repenser les curricula de façon à illustrer des modèles d’entrepreneurs jeunes pour agir indirectement sur la peur de l’échec qui pénalise fortement leur potentiel entrepreneurial. En définitive, les universités de même que les écoles doivent activement promouvoir l'entrepreneuriat comme choix de carrière. 

Peut-on affirmer que l’entrepreneuriat a une incidence significative sur le développement économique au Maroc ?
Les études du Global Entrepreneurship Monitor confirment que l’entrepreneuriat a un faible impact sur la croissance et le développement dans les pays qui connaissent une prévalence de l’entrepreneuriat motivé par la nécessité et les activités informelles. Car, le rôle des entrepreneurs dans les pays en développement diffère de celui qu’ils jouent dans le monde développé. Alors que dans les pays développés les entrepreneurs se concentrent davantage sur l’innovation et les activités de recherche et développement, dans les pays en développement, ils s’attachent avant tout à fabriquer pour le marché local (souvent à un coût inférieur et de moindre qualité), des produits disponibles sur le marché mondial. À cet effet, nous devons rappeler que les taux de croissance relativement élevés que nous avons connus cette dernière décennie résultent principalement des réformes structurelles mises en œuvre au niveau macro et non pas des gains de productivité au niveau micro-économique. Comme le soulignent notre rapport GEM ainsi que le Rapport sur la compétitivité en Afrique, le Maroc ne réalise pas un bon score dans l’indice de l’innovation.

Quelle stratégie adopter pour promouvoir un entrepreneuriat plus productif et inclusif ?
Les pouvoirs publics doivent accorder une attention toute particulière aux entrepreneurs motivés par l’opportunité et en particulier les entreprises à forte croissance, c’est-à-dire les entreprises ayant un potentiel de création d’emplois. De même, il y a lieu de mettre en œuvre des politiques encourageant les entrepreneurs informels motivés par la nécessité et peu productifs à devenir des travailleurs productifs au sein de l’économie formelle. Aussi estimons-nous que les pouvoirs publics sont appelés à s’engager résolument en faveur de l’éducation à tous les niveaux, surtout au niveau de l’enseignement primaire et secondaire. S’ils veulent encourager l’innovation et l’entrepreneuriat, ils se doivent de consolider les «fondamentaux» de l’écosystème de l’entrepreneuriat (notamment le système d’éducation et de formation, et le transfert R&D), favoriser un meilleur accès des entreprises au financement, renforcer le dispositif d’accompagnement et faciliter davantage les procédures administratives et les relations avec les administrations. 
En l’absence de telles politiques, les entrepreneurs motivés par la nécessité continueront de créer des petites unités peu productives, qui ne contribueront que de façon limitée à la croissance économique.

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