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Et si on parlait un peu des attentes des Marocains ?

Nabil Adel est Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management.À deux années de la fin de la deuxième décennie du 21e siècle, il semblerait encore que l’économie de notre pays ne fonctionne pas pour tous et de plus de plus de Marocains le font savoir haut et fort. Notre modèle de développement n’a pas tenu ses promesses d’un meilleur Maroc fort et prospère pour tous, ou du moins, pour la majorité. Paradoxalement, notre pays respecte tous ses engagements vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI). Dans cette chronique, on fera un tour d’horizon des principaux chantiers économiques qui touchent le quotidien des citoyens et que le gouvernement gagnerait à traiter d’urgence.

Et si on parlait un peu des attentes des Marocains ?
S’il est vrai que l’inflation est à des niveaux historiquement très bas (ce qui explique par ailleurs notre anémie en termes de croissance économique et donc de création d’emplois), les familles marocaines se plaignent de la cherté du coût de la vie.

Chômage des jeunes
En dépit des nombreux chantiers lancés par l’État et la structuration de plusieurs plans sectoriels dans le but de dynamiser l’économie marocaine, force est de constater que celle-ci peine à créer des emplois pour les milliers de jeunes qui arrivent annuellement sur le marché du travail. Ainsi, en dépit de tous ces efforts, aucun gouvernement n’a réussi à amener le chômage durablement sous la barre des 9%. Des Marocains avant la trentaine (période de la vie où on doit commencer à avoir des projets personnels et nourrir des ambitions professionnelles) viennent nourrir la bête du chômage. En effet, ce cauchemar est devenu national, tant il exerce une pression psychologique insupportable aussi bien sur ces jeunes eux-mêmes qu’on appellera désormais chômeurs (avec toute la charge sociale que ce mot renferme) que sur leurs familles devant non seulement financer encore des formations additionnelles pour augmenter l’employabilité de leurs progénitures, mais continuer à subvenir à leurs besoins, en attendant qu’ils trouvent un travail. Le chômage frappe en général les couches les plus défavorisées. En effet, même si l’enseignement est gratuit, il n’est pas sans coût pour ces familles, car, en dehors des frais de scolarité certes symboliques, les parents doivent supporter d’autres coûts tout au long du parcours scolaire et qui peuvent être élevés proportionnellement à leurs revenus. Le drame est que la crise de l’école publique fait en sorte qu’après tous ses sacrifices, les résultats en termes d’insertion professionnelle pour cette catégorie de la population sont catastrophiques.

Déclassement social
La classe moyenne voit son statut sérieusement menacé. En effet, si pendant de longues années, elle pouvait encore envoyer ses enfants à l’école publique et se soigner dans les hôpitaux publics à un rapport qualité/prix raisonnable, aujourd’hui ce n’est pratiquement plus le cas. Or non seulement cette classe porte sur ses épaules l’essentiel de la pression fiscale, comme en témoigne l’importance de l’Impôt sur les revenus salariaux au Maroc, mais doit en outre financer de ses propres deniers la couverture de ses frais de santé et l’éducation de ses enfants, pour ne citer que ces deux postes de dépenses. Il en résulte un décalage prononcé entre contribution de la classe moyenne au Budget de l’État et juste retour pour elle sur cette contribution, tant elle doit supporter, ce qui devrait être assuré par les impôts qu’elle paie. D’où une forte pression sur son pouvoir d’achat et donc un risque de basculement vers la classe sociale inférieure. Un déclassement redouté par de nombreuses familles marocaines.     

Cherté de la vie
S’il est vrai que l’inflation est à des niveaux historiquement très bas (ce qui explique par ailleurs notre anémie en termes de croissance économique et donc de création d’emplois), les familles marocaines se plaignent de la cherté du coût de la vie. En effet, beaucoup d’entre elles n’arrivent à joindre les deux bouts que grâce à la contribution de leurs banquiers (sous forme de découvert qui devient quasi permanent), voire grâce à la générosité des parents pour les nouveaux couples qui s’installent. Dans le cas des familles nombreuses ou celles vivant en dessous du seuil de pauvreté, elles supportent de plein fouet toute variation aussi minime soit-elle des prix, en l’absence de revenus suffisants et de filets sociaux permanents. Sans les efforts de solidarité nationale (entraide nationale, campagnes annuelles de solidarité, etc.) et la générosité des Marocains (la zakat et les sadaqates), beaucoup de familles basculeraient dans l’extrême pauvreté. Ainsi, une seule personne qui travaille dans un foyer, mais prend en charge père, mère, frères et sœurs, outre le conjoint et les enfants, devient un cas assez fréquent dans notre pays.

Pression fiscale élevée face à un faible rendement de l’administration
L’une des thématiques les plus récurrentes dans les discussions des Marocains, notamment les salariés et les entrepreneurs s’acquittant normalement de leurs impôts ou ayant subi un contrôle fiscal, est non seulement qu’on paie beaucoup d’impôts, mais qu’on ne voit pas les résultats de ce qu’on paie dans notre vie de tous les jours.  Ce sentiment s’est d’autant plus confirmé que le dernier rapport de la Cour des comptes souligne expressément la générosité des traitements des fonctionnaires dans un pays aux ressources somme toute limitées. Or ce qui nourrit la polémique n’est pas tant la rémunération élevée des 860.000 agents de la fonction publique, mais le faible rendement du service public, de l’aveu même des équipes de Driss Jettou. Pour leur part, les entreprises se plaignent, outre le niveau important des prélèvements, de la complexité et de l’illisibilité de notre fiscalité, réduisant les contribuables à des accusés jusqu’à preuve de leur innocence.
L’économie ne saurait être réduite à de simples modèles mathématiques ou à des politiques publiques dont les résultats sur papier sont excellents, mais restent abstraits pour le citoyen. Tant que la science de la richesse qu’est l’économie ne contribue pas à l’amélioration du quotidien de la population, toutes les politiques économiques resteront lettre morte. 
Demandez aux habitants d’Al Hoceïma, de Zagora, d’Essaouira ou encore de Jerada  ce qu’ils pensent des différents plans économiques du gouvernement et là vous comprendrez l’étendue du décalage entre l’élite et la base de ce pays ! 

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