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Des praticiens aux dents longues

Les médecins dentistes tirent la sonnette d'alarme. Ils veulent qu’un terme soit mis à l’exercice illégal de la profession, qui biaise, selon eux, les règles du jeu et pose un grave problème de santé publique.

Des praticiens aux dents longues

Les multiples plaintes dont fait régulièrement état l’Ordre national des médecins dentistes (ONMD) ou encore les cas de complications graves, voire de décès, résultant de l’extraction d’une dent ou la pose d’une prothèse dentaire par un «charlatan dentiste», refont, à chaque fois, parler de cette problématique assez complexe que l’on ne saurait traiter à travers un seul prisme.
Pour faire entendre sa voix, la Fédération nationale des syndicats des médecins dentistes du secteur libéral au Maroc (FNSMDLM) vient d’annoncer une série d’actions notamment contre l’exercice illégal de la médecine dentaire. Un mouvement de protestation débuté le 29 juin avec une grève nationale dans l’ensemble des cabinets dentaires du Royaume.
Pour Abderrazak Loukili, président par intérim de la FNSMDLM, «l’exercice illégal de la profession nuit à la santé de nos citoyens et porte atteinte à l’image du pays».
Alors que la médecine dentaire connaît aujourd’hui un véritable développement aux niveaux scientifique et technique, permettant d’offrir des prestations médicales de haut niveau, les pratiquants illégaux pullulent, sapant les efforts collectifs en matière de santé dentaire, fait-il observer.
Les professionnels se réfèrent à cet égard à une multitude de rapports de l’Organisation mondiale de la santé, qui mettent en garde contre le haut risque de transmission de maladies infectieuses par le biais de l’exercice illégal de la profession, mais aussi aux nombreuses thèses soutenues dans des facultés nationales et qui démontrent les risques infectieux, hémorragique, traumatique et gangreneux de cette pratique. «D’innombrables cas de complication sont reçus quotidiennement dans nos cabinets», avance Abderrazak Loukili dans une déclaration à la MAP, ne cachant pas la colère des professionnels contre ces mécaniciens-dentistes et autres arracheurs de dents qui sillonnent souks et quartiers.
Ils seraient plus de 3.700 pratiquants illégaux répartis sur tout le Royaume, selon la FNSMDLM, citant des chiffres du ministère de l’Intérieur. À en croire les syndicats des médecins dentistes du secteur libéral, ce chiffre continue à croître d’une façon «inquiétante». Loukili explique ce poids grandissant de la pratique illégale de la médecine dentaire notamment par l’accroissement «non justifié et irréfléchi» d’écoles de prothèses dentaires, qui forment, dans le cadre d’un cursus de deux ans, des techniciens, dont le nombre «dépasse de très loin» les besoins des médecins dentistes et prothésistes.
Diplôme en poche, ces derniers, qui «manquent cruellement de connaissances médicales et biologiques de base», se lancent dans des cabinets de prothésistes dentaires, qui se transforment peu de temps après, en cabinets dentaires où ils pratiquent des interventions médicales qui sont, au regard de la législation, du seul ressort du médecin dentiste titulaire d’un doctorat, poursuit-il.
À ce titre, il est parfois bien difficile de distinguer entre un médecin dentiste, un vrai, et un mécanicien dentiste, les plaques accrochées à l’extérieur du cabinet étant tout sauf claires. En y inscrivant la mention «lauréat» de telle ou telle «école dentaire», ils nourrissent le flou dans l’esprit des patients.
Selon notre interlocuteur, il convient de revoir «le rythme de formation» des techniciens prothésistes. Car le «Maroc a besoin aujourd’hui de plus de médecins dentistes que de prothésistes», estime-t-il.
Face à «l’argument social», dans la mesure où ces pratiquants illégaux représentent un nombre assez important, donc des emplois et des «bouches à nourrir», le président par intérim de la FNSMDLM souligne qu’aucun argument ne peut tenir dès qu’il s’agit d’un grave problème de santé publique.
Le Conseil national de l’ordre national des médecins dentistes, tout comme la FNSMDLM, appelle à cet effet les autorités publiques à intervenir «fermement et de manière décisive et sérieuse», afin d’éradiquer cette menace pour la santé. Il s’avère judicieux, relèvent-ils, de prendre les mesures nécessaires afin de fermer définitivement les locaux destinés à cette pratique et engager les poursuites judiciaires contre les contrevenants. Abderrazak Loukili soutient à cet égard que l’État dépense énormément d’argent pour éradiquer les maladies infectieuses, au moment où l’exercice illégal de la médecine dentaire «contribue à la transmission de ces maladies». La solution passe aussi par la réglementation. L’exercice de la médecine dentaire au Maroc est certes soumis à une loi selon laquelle le professionnel doit être titulaire d’un doctorat en médecine dentaire et inscrit au tableau d’ordre des médecins dentistes du Maroc, mais cela reste insuffisant, selon les organes représentatifs des médecins dentistes, qui dépassent aujourd’hui le nombre de 5.000. «Nous attendons énormément du projet de loi n° 25-14 concernant les prothésistes dentaires, toujours bloqué à la Chambre des conseillers», souligne Loukili. Cette loi, adoptée par la Chambre des représentants, tend à encadrer l’exercice des professions des préparateurs et manipulateurs des produits de santé, y compris celle des prothésistes dentaires. Et pour que la lutte contre cette pratique illégale touche tout le pays, il importe, selon Abderrazak Loukili, d’encourager les jeunes médecins dentistes à s’installer là où il y a un manque de professionnels, à travers notamment des incitations fiscales. D'autant que, chaque année, un effectif de 500 étudiants obtiennent leur doctorat en médecine dentaire. Un chiffre appelé à doubler dans les années à venir, selon le Conseil national de l’Ordre national des médecins-dentistes. Morad Khanchouli - MAP

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