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Replacer l’innovation au cœur de la transformation et de l’émergence économique

Par Mohammed BenahmedExpert en développement territorial durable, ingénieur civil de l’École Mohammadia d'ingénieurs, diplômé du cycle supérieur de gestion de l’ISCAE, auteur de plusieurs ouvrages et publications dans les domaines de la gouvernance et du financement des services publics, la décentralisation, l’urbanisation, le PPP, l’évaluation des politiques publiques, l’économie bleue…

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Devant les enjeux que soulève la problématique d’intégration et d’efficacité des stratégies sectorielles, dont la plupart sont inachevées, la régionalisation avancée offre une plateforme idéale pour muer vers une nouvelle dynamique de leur déclinaison territoriale grâce à des mécanismes innovants d’animation, de suivi et d’évaluation tout au long des différents stades de leur mise en œuvre.

Une économie faiblement industrialisée et insuffisamment tournée vers l’innovation, offre d’exportation peu compétitive, manque de cohérence et de convergence des politiques sectorielles, une dette de l’État qui frôle le seuil de la soutenabilité, un système judiciaire lent, faible qualité de l’éducation et du système de santé, décalage entre la création de valeur et d’emploi, persistance de disparités sociales sur fond de chômage élevé des jeunes, une classe moyenne, qui est censée jouer le rôle de locomotive du développement, encore embryonnaire… Ce sont autant de problématiques structurelles et de challenges à relever pour lutter contre les injustices sociales, prenant appui sur une nouvelle génération de politiques publiques durables, intégrées, participatives et orientées vers l’amélioration du bien-être collectif.
Certes, le Maroc s’est engagé dans une politique volontariste visant la réduction des inégalités économiques et la lutte contre l’extrême pauvreté grâce au lancement de plusieurs programmes sociaux. Toutefois, à l’exception de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain) du Régime d'assistance médicale (Ramed), force est de relever que l’impact de ces programmes reste limité en termes de couverture des bénéficiaires et de ressources allouées.
Il faut également reconnaître que des avancées louables ont été réalisées en matière de développement du climat des affaires, comme en témoignent les meilleurs classements dans le rapport Doing Business, le Royaume occupant le 75e rang en 2016 contre le 95e rang en 2013. Cependant, des progrès restent encore à réaliser en matière de moralisation de la vie économique et de transparence des procédures publiques, la corruption demeurant, aujourd’hui encore, répandue dans une large partie de l’administration, en comparaison avec d’autres pays comme la Turquie, la Tunisie et le Chili.

Un moteur de la croissance grippé à cause du manque de cohérence des politiques publiques
Face à ces défis majeurs, toutes les forces vives de la nation – décideurs politiques, chercheurs, secteur privé, organisations de la société civile, institutions financières, experts et mass-média – ont une responsabilité collective pour la transformation en profondeur du modèle de développement, en dépassant la stricte dimension économique, l’actuel n’étant pas suffisamment inclusif pour soutenir durablement la croissance et garantir une meilleure justice sociale.
Cette ambition nécessite des solutions innovantes et partagées, avec l’idée motrice de répondre à la fois aux objectifs économiques et sociaux, à travers la relance de la croissance durable et la création d’emplois de qualité, le rattrapage du retard d’accumulation du capital humain qui pénalise la productivité du travail, le développement de projets d’appui à l’innovation publique, la modernisation de l’administration et des services publics et la promotion d’un développement territorial harmonieux et générateur de dividendes économiques équitablement répartis.
La trajectoire de croissance actuelle semble être largement en deçà des attentes et en incapacité d’absorber l’arrivée de larges cohortes de jeunes sur le marché du travail dans les prochaines années, et d’éviter au pays de glisser vers une société à deux vitesses. En effet, le Maroc traîne encore d’importantes lacunes sociales en matière d’insertion des jeunes qui s’estiment victimes de la marginalisation économique, le chômage des jeunes s’inscrivant dans une tendance à l’aggravation qui risque de s’accentuer avec les implications de la révolution digitale dont l’impact se fait déjà sentir dans plusieurs domaines.
Par ailleurs, en dépit des liens évidents entre les différentes politiques sectorielles hautement stratégiques, force est de constater que le manque de cohérence, de synergie collaborative et d’arbitrage entre ces politiques fait peser une contrainte majeure sur l’efficacité de l’action publique et retarde l’émergence d’une société inclusive.
Et pour cause, l’absence d’une approche participative et d’objectifs bien définis et partagés par toutes les parties prenantes, ainsi que le déficit de culture évaluative, tant au niveau de l’exécutif que du Parlement, sont autant de faiblesses qui altèrent considérablement la visibilité sur le bien-fondé et l’efficacité de ces politiques, et la rationalisation des ressources qui leur sont affectées.

Régionalisation avancée : plateforme fertile d’innovation et de convergence des politiques publiques
Devant les enjeux que soulève la problématique d’intégration et d’efficacité des stratégies sectorielles, dont la plupart sont inachevées, la régionalisation avancée offre une plateforme idéale pour muer vers une nouvelle dynamique de leur déclinaison territoriale grâce à des mécanismes innovants d’animation, de suivi et d’évaluation tout au long des différents stades de leur mise en œuvre.
La réussite de ce chantier structurant pour le pays demeure tributaire de la disponibilité des compétences requises pour la gestion de la chose publique, d’une coordination efficace entre les échelons local et central et de la capacité des collectivités territoriales à mobiliser des financements innovants à même de réduire leur dépendance des transferts de l’État.
Ces dernières, en particulier les régions et les villes, devront innover pour adapter ces politiques à leurs atouts et spécificités, en s’inscrivant dans un cadre d’action globale qui met l’accent sur la modernisation des services aux citoyens, la formation des ressources humaines, la promotion des investissements créateurs de valeur ajoutée et d’emplois durables, ou encore les incitations aux entreprises privées et la compétitivité des territoires, face à d’autres territoires concurrents à l’échelle régionale, voire internationale.
Pour ne pas être réduites à des vœux pieux sans effets réels sur le terrain, ces politiques doivent s’appuyer sur un dispositif de gouvernance favorable, avec un leadership porteur d’une vision et jouissant d’une autonomie décisionnelle suffisante, des systèmes d’information fiables, des structures saines et transparentes de gestion des ressources naturelles et humaines et l’adhésion d’une société civile active et bien organisée.
L’efficacité de cette gouvernance est intimement liée à la mise en place d’une véritable déconcentration administrative, ayant vocation à définir les rôles respectifs des acteurs centraux et locaux, permettant à l'État d'agir avec une plus grande efficience et célérité grâce à une gestion qui se fait au plus proche du territoire, au service de toutes les couches sociales de toutes les régions du pays, en particulier celles les plus démunies et vulnérables.
En articulation avec les efforts d’amélioration du climat des affaires et de réforme des centres régionaux d’investissement, l’adoption de la très attendue charte de déconcentration devrait inciter les administrations centrales à s’inscrire pleinement dans cette nouvelle vision de gouvernance, à travers la délégation volontariste du maximum de leurs pouvoirs aux directions régionales qui ne disposent actuellement ni de l’autonomie ni des budgets nécessaires.

L’innovation et le progrès technologique ne sont pas les causes de la croissance,ils sont la croissance.
Peu structurées, de tailles modestes et faiblement internationalisées, les PME font face à de multiples contraintes inhérentes à l’accès au financement bancaire à cause à la fois de la frilosité du secteur bancaire, des règles et des montants de garanties très contraignants, et des délais de paiement insoutenables de l’État. 
Le secteur privé doit prendre le relai pour débrider le moteur de la concurrence et de la croissance dans le cadre de partenariats public-privé stratégiques qui peuvent, non seulement drainer de nouvelles sources de financement, mais également favoriser le développement de PME performantes.
Une autre dimension importante de ces partenariats, notamment entre les régions-villes et le secteur privé, en synergie avec le monde de la recherche scientifique, consiste à privilégier l’implantation des clusters d’innovation les plus à même d’induire des effets d’entraînement sur les économies régionales, et ce à travers le développement d’un tissu économique et industriel local orienté vers l’innovation et les activités d’exportation de produits de haute technologie, plus compétitifs et à plus forte valeur ajoutée.
Cela suggère de restructurer la stratégie nationale d’innovation pour mieux l’adapter aux besoins de l’économie, et de rechercher de nouvelles sources d’amélioration de la compétitivité industrielle et des exportations, notamment à travers une meilleure intégration des intervenants publics et privés dans la recherche & développement, des allègements fiscaux, par exemple sous forme de crédit d’impôt-recherche pour stimuler l’investissement privé dans l’innovation, l’attraction et l’utilisation optimale des talents et chercheurs marocains à l’étranger, le rehaussement du niveau de création technologique et du nombre de publications et de brevets scientifiques, etc.

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