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«Une seule mesure sur les 12 proposées a été retenue !»

Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE-PME

«Une seule mesure sur les 12 proposées a été retenue !»
Comme en 2017, Abdellah El Fergui affirme qu'il doit rencontrer incessamment le Chef du gouvernement. Ph. Archives

La très petite entreprise marocaine navigue à vue, selon Abdellah El Fergui, puisqu’elle fait face à plusieurs obstacles, principalement les retards de paiement. La Confédération marocaine des TPE-PME a émis une douzaine de propositions pour soutenir et accompagner la TPE, sauf qu’une seule a été retenue dans le projet de loi de Finances 2019. El Fergui appelle le gouvernement à prendre ce dossier «très au sérieux», le nombre de faillites ayant quasiment doublé en seulement 3 ans, et le pire serait à venir, s’inquiète El Fergui.

Le Matin-Éco : Le projet de loi de Finances 2019 a intégré une mesure que vous avez proposée, à savoir l’augmentation du plafond des micro-crédits, qui passe de 50.000 à 200.000 dirhams en faveur des TPE. Êtes-vous satisfaits ? 
Abdellah El Fergui
: Non. Je ne suis pas satisfait de ce projet de loi Finances (PLF) 2019. C’est vrai que le gouvernement a pris en compte cette mesure, que nous avions d’ailleurs proposée l’an dernier, mais les 11 autres ne l'ont pas été. Au sein de la Confédération, nous ne cessons de tirer la sonnette d’alarme, et ce, depuis 2015, sur la situation alarmante des TPE. Nous avons prévenu qu'une grande crise s’abattrait sur les petites entreprises, mais nous n’avons pas été entendus. Résultat : alors que les faillites étaient de 5.180 en 2015, elles dépassent aujourd’hui les 10.000, soit quasiment le double en seulement 3 ans. Ce chiffre risque de grossir si le gouvernement n’agit pas maintenant. 

Mais le PLF prévoit la réduction de l’IS à 17,5% contre 20% actuellement pour les entreprises qui réalisent entre 300.001 et 1 million de dirhams de bénéfices…
Il ne faut pas crier victoire pour autant. Ce dont a besoin aujourd’hui une TPE, c’est d'être maintenue en vie. La TPE marocaine est asphyxiée et fait face à plusieurs contraintes. Outre les contrôles fiscaux dont la démarche est discutable, elle souffre de retards de paiement insoutenables. 40 à 50% ferment leurs portes à cause de ces retards, ce qui les pousse de plus en plus à migrer vers l’informel.
Pourtant, une loi sur les délais de paiement est bien là…
L’efficacité de la loi sur les délais de paiement et son impact sur la trésorerie des TPE est un secret de polichinelle. Cette loi n’est pas appliquée sur le terrain. Cette semaine, par exemple, un membre de notre confédération a dû déposer le bilan. Son entreprise, qui opère dans le matériel de sécurité, souffre de retards de paiement de plus d’un an et demi. On vit chaque jour ce genre de situations. Concernant le fisc, il existe une approche différente en fonction de la taille de l’entreprise. Il faut établir un climat de confiance entre la DGI et les entreprises tout en prenant en compte leurs difficultés.

Avez-vous proposé des mesures dans ce sens dans le cadre du PLF 2019 ? 
Effectivement. Nous avons soumis trois propositions en relation avec les retards de paiement. La mesure phare est la mise en place de l’affacturage pour les petites entreprises. À date d’aujourd’hui, les établissements de crédit ne proposent pas de solutions d’affacturage pour la TPE. Nous recommandons ainsi de modifier l’article 529 formant Code de commerce pour permettre la cession de créances aux associations de microfinance et aux institutions publiques en plus des établissements de crédit. Concrètement, l’État devrait autoriser les associations de microfinance à racheter les factures commerciales à hauteur de 500.000 dirhams. Une start-up a développé une solution d’affacturage pour les TPE. Nous avons demandé un agrément auprès de Bank Al-Maghrib depuis un an. Nous attendons toujours son accord.

Quelles sont les autres propositions fiscales que vous avez formulées ?
Nous demandons, tout d’abord, une amnistie fiscale et de CNSS pour les TPE-PME en difficulté. Il faudra également exonérer les TPE de la cotisation minimale de l'IS, qui est de 3.000 dirhams par an et qui doit être versée en totalité sans facilités de paiement. Enfin, nous avons appelé à l’augmentation de la durée de l’exonération de la cotisation minimale de 36 à 60 mois.

Qu’en est-il du fonds dédié au TPE, que vous avez d’ailleurs proposé l’année dernière ? 
Nous l’avons encore remis au goût du jour. Malheureusement, il n’a pas été pris en compte cette année non plus, mais nous allons poursuivre les discussions pour son implémentation. 
Nous voulons que ce fonds soit directement lié à la Caisse centrale de garantie (CCG), sans pour autant passer par le circuit bancaire qui devient de plus en plus exigeant et moins souple. 

Les TPE demandent un meilleur accès aux marchés publics. Qu’avez-vous proposé pour cela ? 
Il faut rappeler qu’il existe déjà une loi selon laquelle 20% de la commande publique doit être réservée aux PME. Aujourd’hui, il faut accompagner l’application de cette loi qui a encore du mal à être mise en œuvre à cause du flou juridique qui l’entoure. D’ailleurs, la majorité des TPE ignorent la base de calcul de cette règle, s’agit-il du montant total des marchés ou du nombre de commandes ? Par ailleurs, dans les appels d’offres, les cahiers des prescriptions spéciales exigent des références et des attestations de capacité financière, ce qui disqualifie automatiquement la TPE. Il faudra solutionner cet obstacle majeur. 

Quelles sont les actions que vous envisagez pour convaincre le gouvernement d'accepter vos autres propositions ?
Nous allons rencontrer prochainement le Chef du gouvernement et le ministre de l’Economie et des finances. Nous sommes en train de convenir d’une date. Nous allons ensuite rencontrer les groupes parlementaires et leur exposer nos positions et doléances. 

 

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