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Stroc Industrie en cessation de paiement ? Verdict le 14 juin

Stroc Industrie doit être fixée sur son sort jeudi prochain. Le tribunal de commerce de Casablanca se prononcera ce jour-là sur les suites à donner à la demande de sauvegarde introduite par l'entreprise. Le 7 juin, il avait désigné un expert pour s'assurer si cette dernière est en cessation de paiement ou pas.

Stroc Industrie en cessation de paiement ? Verdict le 14 juin

Descente aux enfers pour Stroc Industrie. L’un des fleurons de l'industrie marocaine risque aujourd’hui la banqueroute. Créé en 1989, le groupe spécialisé dans le génie civil, la chaudronnerie, charpente métallique et ingénierie, entre autres, est aujourd'hui incapable de payer ses créanciers et salariés. Une asphyxie financière qui l’a poussé à se séparer de 400 collaborateurs en un an. Ils sont aujourd’hui 800, dont plus d’une centaine du personnel administratif qui ne reçoit plus de salaires depuis près de 5 mois. Ceux qui ont préféré quitter le navire ont bénéficié de tous leurs droits légaux, affirme au «Matin-Éco», Nabil Ziatt, PDG de Stroc Industrie.

Mais selon une source interne, il en serait autrement. «Des centaines d’employés ont été licenciés abusivement sans recevoir d’indemnités. Nous n’avons pas été payés pendant 8 mois et non 5 mois comme le prétend le management. Ceux qui ne reçoivent plus leurs salaires sont beaucoup plus nombreux qu’on veut vous le faire croire et plusieurs ont saisi le tribunal de commerce et l’inspection du travail», nous déclare notre source. Des informations que nous n’avons pu confirmer ni infirmer auprès du syndicat de l’entreprise. Quelle situation vit donc l'entreprise ? Ziatt préfère ne pas parler de crise, mais de difficultés. Et ce malgré le dépôt de deux requêtes au social et au commercial par un salarié (T.E.O.) qui n'a pas perçu son salaire pendant 8 mois, nous informe son avocat, Youssef Chehbi. Des retards qui ont ainsi poussé ce salarié à saisir le tribunal de commerce pour l’ouverture d’une procédure en vue de la liquidation de Stroc Industrie.
Ce à quoi a réagi Ziatt en demandant une procédure de sauvegarde.

Le 7 juin, le tribunal de commerce de Casablanca a désigné un expert pour évaluer la situation comptable et financière de l’entreprise. Jeudi prochain, soit le 14 juin, l'on saura si l’entreprise est en cessation de paiement ou pas et quel sort lui sera réservé. En attendant, l'affaire risque de connaitre des rebondissements. L’avocat du plaignant n’exclut pas la possibilité de porter plainte au pénal pour «escroquerie et détournement d’actifs».  Ziatt se dit prêt à affronter cette plainte. «Ce n’est pas vrai. Je ne suis pas un voleur. Depuis plus de 20 ans, je me bats pour faire de cette entreprise un groupe industriel important et une fierté pour notre pays. J’ai commencé avec 20.000 dirhams et je suis fier de l’évolution de ma compagnie», déclare-t-il, le 7 juin à Casablanca, lors d’un point de presse ayant duré jusque tard dans la nuit. Ziatt, tendu et sur la défensive, n’a pu cacher sa crainte quant à l’avenir de son entreprise. Un plan de sauvegarde a été soumis au tribunal et les banques auront leur mot à dire. Or, aujourd’hui, ces dernières «serrent la vis et n’accompagnent plus le tissu industriel comme par le passé», se désole Ronan Le Guellec, directeur financier de Stroc. Le plan propose un rééchelonnement des  dettes pour «reprendre notre souffle», nous déclare Le Guellec. Il s’agira également de renégocier les majorations et autres pénalités de retards de paiement des impôts. Si ce plan est validé, les banques pourraient poser leurs conditions, comme le départ de Nabil Ziatt. «Je suis prêt à quitter Stroc pour la sauver», lance le PDG.
Stroc Industrie est aujourd’hui dans une mauvaise passe. L’année 2017 s’est soldée par un déficit de 104 millions de dirhams et l'action a perdu plus de 90% depuis son introduction à la Bourse de Casablanca en 2011.
Pourquoi ce fleuron industriel des plus importants du pays en est-il arrivé là ? «Les étoiles n’ont pas été alignées en notre faveur», image Ziatt. En fait, la gestion de l'entreprise a été entachée de plusieurs erreurs stratégiques, créant un effet boule de neige et impactant sérieusement le besoin en fonds de roulement. Des erreurs que le patron de la boite admet.

400 millions de DH de commandes cette année

Flash-back. Tout commence en juin 2011, date d'introduction en Bourse de Stroc Industrie. L’entreprise, qui a réalisé une croissance de 20% en 2010, grandissait «tranquillement» à Had Soualem près de Casablanca, raconte Ziatt, un brin nostalgique. «Notre introduction en Bourse coïncidait avec le printemps arabe et un syndicat a voulu profiter de la conjoncture pour remonter les salariés contre la direction en les poussant à revendiquer des hausses de salaire», regrette le PDG de Stroc. L’entreprise fait alors face à une grève de plusieurs mois et son atelier est occupé de juin à décembre 2011. Pour pouvoir tourner, Stroc a dû louer des ateliers à Kénitra et importer à nouveau de la matière pour honorer une partie de ses commandes. «J’ai commis une erreur stratégique, je le reconnais. J’étais en confrontation avec le syndicat qui voulait profiter du printemps arabe. Ni le préfet, ni le gouverneur n'ont voulu agir. Nous avons eu 10 jugements en notre faveur, mais personne ne voulait nous aider et protéger», lance, amère, Ziatt. Cette année-là, le groupe perdra 140 millions de dirhams. L’année 2012 démarre avec zéro commande, mais le groupe parvient à en décrocher pour 1,5 milliard de dirhams. Toutefois, les contrats comprenaient des clauses «draconiennes» pour la trésorerie de l'entreprise.  Celle-ci accuse le coup et le premier effet impayé de l’histoire de Stroc Industrie tombe en juillet 2014.

L’hémorragie ne fait que commencer et l’année suivante, l'industriel enregistre une perte sèche de 100 millions de dirhams à cause particulièrement d’un problème de facturation et de TVA. Le groupe décide alors de prendre le taureau par les cornes, quitte à réduire son train de vie et les contrats. Chose faite, sauf que les charges ne freinent pas aussi rapidement que les produits, ce qui a entrainé de nouvelles pertes. «Un mauvais calcul» qu’assume Ziatt. Depuis, c’est la crise chez Stroc. Le besoin en fonds de roulement s’aggrave, les dettes s’accumulent, les paiements des cotisations de la CIMR, CNSS… sont interrompus, les banques sont plus regardantes et les comptes financiers de la société continuent d'accuser le coup. Aujourd’hui, Stroc Industrie vivote, même si son management se veut rassurant. «Nous avons été consultés 12 fois la semaine dernière. Nous refusons des marchés et nous avons un carnet de commandes de 400 millions de dirhams pour 2018», détaille le directeur financier. Toutefois, pour honorer ces marchés, il faut des fondamentaux solides d'autant que l'activité est fortement capitalistique. Chose que le groupe ambitionne de réaliser grâce au plan de sauvetage proposé. Verdict le 14 juin. 

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