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«La veille stratégique est un outil indispensable à l’entreprise dans sa démarche d’appréhension du marché»

Dans cet entretien, Mourad Oubrich nous parle de l’importance de l’intelligence économique et de sa contribution à la promotion de la compétitivité de l’entreprise. Pour cet expert, au Maroc, il y a une prise de conscience grandissant de le veille stratégique, aussi bien dans le privé que dans le public, seulement, il n’existe pas encore de formation supérieure qui lui soit dédiée.

Le Matin : D’abord, qu’est-ce qu’on entend par intelligence économique ?
Mourad Oubrich
: L’intelligence économique, où la «compétitivité économique» comme les Américains aiment l’appeler, est un processus de collecte, de traitement de l’information légale disponible, sur Internet, sur des bases de données professionnelles, sur le terrain en mobilisant les ressources humaines nécessaires pour sa collecte, voire dans la base de donnée de l’entreprise, à savoir toute la partie «Big-Data». Il s’agit en quelque sorte de la maitrise de l’information stratégique utile à l’entreprise en fonction de son domaine d’intervention et de ses besoins en vue d’élaborer une stratégie concurrentielle bien fondée. La veille économique implique également la mise en place d’une veille réglementaire et juridique afin d’être constamment informé de l’évolution des lois, circulaires et projets de loi afin d’avoir une longueur d’avance sur les textes qui concernent le champ d’intervention et de pouvoir les anticiper et s’y adapter par conséquent.

Quel est l’état des lieux de la veille stratégique au Maroc ?
Au niveau du secteur public, il existe plusieurs initiatives lancées par le gouvernement. Il y a lieu de citer le ministère de l’Industrie, de l'investissement et d’économie numérique qui a mis en place une démarche d’intelligence économique pour promouvoir l’export, attirer les investissements et renforcer les métiers mondiaux déjà présents au Maroc, notamment l’automobile, l’énergie et l’aéronautique. Le ministère chargé des MRE a également mis en place une stratégie de veille économique qui vise à collecter les données sur les expatriés marocains. L’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL) a pour sa part mis en place un Observatoire de développement de la compétition logistique qui dispose d’une cellule de veille et d’intelligence économique, sans oublier l’AMDE (l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations) qui prévoit de mettre en place prochainement une direction complètement dédiée à la veille économique.
Au niveau du secteur privé, de nombreuses entreprises ont développé leurs propres cellules de veille économique. Il y a lieu de citer à titre d’exemple l’OCP, Maroc Telecom, Autoroutes du Maroc, ainsi que plusieurs banques. On peut dire que plus de 50% des entreprises privées au Maroc disposent de cellules de veille économique. Toutefois, les pratiques  dans ce domaine restent très peu structurées et coordonnées. Même au niveau de la recherche scientifique, il n’existe pas de masters, de licences professionnelles et de cycles d’ingénieur dédiés particulièrement à la question de l’intelligence économique, hormis quelques thèses soutenues dans ce champ d’intervention. Ainsi, la seule formation disponible dans ce domaine est dispensée par l’Institut supérieur de l’information. Au niveau des entreprises, le défi à relever aujourd’hui est la mise en place d’une veille stratégique structurée tout en veillant à optimiser ce processus pour éviter la redondance. Dans ce cadre, il est important d’investir dans des outils qui peuvent automatiser le cycle de veille et réduire les charges relatives à la mobilisation de ressources humaines. Les agents de veille pourront ainsi plutôt se concentrer sur l’analyse et la prise de décisions en fonction des  informations collectées.

Comment la veille économique peut-elle contribuer à développer la compétitivité de l’entreprise ?
La veille stratégique est un outil indispensable qui contribue à soutenir l’entreprise dans sa démarche d’appréhension du marché, d’innovation et par conséquent dans sa démarche compétitive. En effet, l’intelligence économique contribue à la mise en place de stratégies entrepreneuriales adaptables à la réalité et à la compétitivité du marché et en évolution continue. Encore, faut-il disposer d’informations précises et bien structurées collectées aussi bien à partir de l’environnement externe qu’interne.

Comment évaluez-vous la situation de l’intelligence économique au Maroc et en Afrique, et comment peut-on promouvoir davantage cette pratique au niveau continental ?
Pour ce qui est du Maroc, les pratiques et les outils de veille stratégique et de compétitivité économique sont assez développées. Nous pouvons même nous féliciter d’être au même niveau de développement que l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, le défi pour notre pays est de développer son propre modèle d’intelligence économique, adaptée à sa réalité et ses particularités économiques, tout en s’inspirant des meilleures pratiques internationales. Pour ce qui est de l’Afrique, nous ne disposons malheureusement pas de données structurées et d’études exhaustives sur la situation de l’intelligence économique en Afrique. En effet, les données disponibles restent limitées, surtout lorsqu’on sait que les pratiques de l’intelligence économique sont récentes, embryonnaires et disparates. Cependant, je reste persuadé que la création d’un forum des associations africaines d’intelligence économique contribuera à développer ne vision unifiée de la veille stratégique et contribuera ensuite à promouvoir les bonnes pratiques en termes de bonne gouvernance. 

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