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Mardi 19 Mars 2024
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«Le cinéma peut faire changer les lois ou au moins créer le débat»

Projeté dans le cadre des Séances spéciales, le film «Adam» a fait de l’effet sur le public, aussi bien marocain qu’étranger, du fait de sa thématique qui aborde la problématique de la jeune mère célibataire. Pour nous parler du film «Adam», nous avons rencontré la réalisatrice et scénariste Maryam Touzani.

Le Matin : Toute jeune, vous aviez fait du journalisme de cinéma. Vous a-t-il apporté un plus dans votre carrière de cinéaste ?
Maryam Touzani
: Oui, forcément. Car ce qui m’intéressait en écrivant sur la culture et le cinéma, c’était de donner la parole aux autres, de les écouter, de retranscrire ce qu’ils avaient à dire. Il y a eu une certaine continuité de ce désir quand je suis passée au documentaire. C’est un prolongement naturel du journalisme. À un moment donné, il y a eu mes premiers pas dans la réalisation de films de fiction pour répondre au besoin de raconter certaines choses, en créant ma propre réalité, pas comme dans le documentaire où il faut aller chercher celle des autres. En grande lectrice, les mots ont une grande importance. J’ai trouvé qu’il y a un bel équilibre entre l’écriture d’un scénario, l’histoire qu’on imagine et le fait de la mettre en images.

Dans vos films, vous abordez souvent des sujets épineux de la société. Est-ce pour attirer l’attention sur certaines choses ou pour transmettre des messages ?
Pas du tout. Mon désir est de faire des films qui parlent de choses qui me touchent. Bien sûr, ces choses-là font partie d’un certain sujet ou problématique. Mais en général, ce sont des personnages qui m’ont inspirée ou des histoires qui m’ont touchée ou bouleversée et que j’ai exprimés à travers le cinéma.

En tant qu’actrice, que ressentez-vous quand vous incarnez des rôles un peu osés ?
J’ai joué une seule fois dans ma vie, dans le film «Razzia» de mon mari Nabil Ayouch. C’est un personnage que j’avais très envie de défendre. En écrivant le scénario avec lui, il n’a jamais été question que j’aille le jouer. Ce n’est qu’à la fin de l’écriture qu’il m’avait proposé de faire des essais. Mais il faut dire que j’avais un peu peur de le décevoir. Finalement, c’était concluant pour lui et pour les producteurs.

Comment vivez-vous le fait à la fois de co-écrire le scénario et d’interpréter un personnage que vous avez écrit ?
Dans le cas de «Razzia», c’était très intéressant. Il y avait quelque de très beau dans le fait d’écrire un personnage sans savoir que j’allais l’interpréter et de me retrouver après dans la peau de ce personnage qui, en même temps, puisait son inspiration dans des choses de mon réel à moi. C’est sûr qu’il y avait plus de force et d’émotion dans le jeu.

«Adam», a fait sa première sortie au Brésil. Pourquoi ?
C’est simple. Quand les films sont entre les mains des vendeurs internationaux, c’est eux qui décident de leur sort.

En voyant le film «Adam», on remarque un travail très profond chez les deux actrices principales. Est-ce que cela a demandé beaucoup de temps ?
D’abord, ces deux actrices, Nisrin Erradi et Lubna Azabal, ont beaucoup de talent. Mais c’est vrai qu’on a pris tout notre temps pour travailler avec elles sur la vérité de leur personnage sur le terrain. Nisrine, en côtoyant les jeunes mères célibataires pour comprendre qui elles sont réellement. Pour Azabal, on a passé beaucoup de temps à la Médina de Casa pour qu’elle puisse s’inspirer de ces femmes qui font «lamssemen» et «rziza». Et ce pour que l’interprétation du personnage ne soit pas uniquement un jeu, mais ait une part de réalité. Il y a eu énormément de rencontres, de conversations entre nous pour comprendre le personnage tel qu’il est dans la vie. J’avais envie de donner une place et une voix à ces deux personnages et peut-être participer à changer le regard que portent les gens sur ces femmes.

Croyez-vous que le cinéma peut contribuer à ce changement ?
En tout cas, il peut nous faire ressentir les choses d’une autre manière. Car beaucoup de choses passent par le changement de perception, et le changement de perception passe par l’émotion. Ceci peut contribuer à accélérer les choses et à faire changer les lois ou au moins à créer le débat. 


Fiche technique

Réalisation : Maryam Touzani

Production  : Nabil Ayouch

Scénario : Maryam Touzani

Image  : Virginie Surdej

Montage : Julie Naas

Direction artistique  : Pilar Peredo

Interprétation  : Lubna Azabal, Nisrin Erradi, Douae Belkhaouda, 

 Aziz Hattab, Hasna Tamtaoui


Synopsis

Abla s’isole du monde extérieur pour pleurer la perte de son mari récemment disparu, tout en continuant à subvenir aux besoins de sa fille Warda, grâce à la vente de pâtisseries à domicile, dans la médina de Casablanca. Lorsqu’elle croise Samia, dans les derniers mois de sa grossesse et somnolente dans l’embrasure d’une porte, elle prend en pitié la jeune femme et décide de la ramener chez elle. Craignant d’être stigmatisée dans son village, Samia a pris la fuite lorsque l’homme qui lui avait promis le mariage l’a abandonnée. Peu à peu, les deux femmes apprennent à vivre ensemble et à se faire confiance, réussissant à se libérer progressivement de leurs douleurs.

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