Le Matin : On est en plein mercato hivernal actuellement. On en profite pour vous demander s’il y a une loi qui encadre ces transferts ?
Mohamed Rizki : Généralement, le marché des transferts intervient deux fois par an, en hiver et en été. C’est le système TMS (International Transfer Matching System) de la FIFA et les réglementations de la Fédération Royale marocaine de football qui encadrent ces transferts. À part cela, il n’y a pas de lois spécifiques, outre celles relatives au nombre de matchs disputés avec la sélection pour les étrangers et les restrictions du nombre de ces derniers dans les clubs marocains.
Justement, cette loi qui impose aux joueurs étrangers de disposer de 10 matchs en compagnie de leurs sélections pour pouvoir évoluer au Maroc, est-ce qu’elle constitue un point avantageux pour le championnat ou est-ce au contraire un handicap ?
Je crois que le football marocain en bénéficie, car cela nous permet de sélectionner les meilleurs joueurs africains. Notre championnat est très bien coté au niveau continental et les joueurs rêvent d’y évoluer.
C’est en effet un outil de sélection, mais ne pensez-vous pas que cette loi prive aussi des clubs de joueurs talentueux n’ayant toujours pas eu la chance d’évoluer en équipe nationale ?
Effectivement, c’est possible. Auparavant, toutes sortes de joueurs africains débarquaient au Maroc et plusieurs d’entre eux ne réussissaient pas. Cette loi vient donc pour filtrer et encourager la qualité, puisque seulement les meilleurs pourront accéder à la Botola D1.
Vous avez évoqué les joueurs africains, qui sont assez nombreux en Botola D1. En revanche, on remarque que les Latins se font assez rares chez nous. Quelle en est la raison ?
Le joueur issu d’Amérique latine est présent partout dans le monde et il y en a aussi au Maroc, mais pas suffisamment. Je crois que leur personnalité est plus proche de celle des Marocains. Ce sont souvent des joueurs très techniques qui font la différence. Il faudrait penser à accroître leur nombre au Maroc, car ils peuvent contribuer à hisser le niveau du championnat.
En tant qu’agent de joueur, votre mission initiale est de faire la médiation entre les équipes et les joueurs. Au-delà de ce rôle, vous retrouvez-vous parfois à faire de la prospection ?
Le médiateur sportif doit faire de la prospection. En Amérique latine, les agents prospectent et vont chercher de nouveaux talents à peine âgés de 13 ans. Ils les encadrent ensuite et les aident à atteindre le professionnalisme.
Cela ne vous crée-t-il pas de problèmes avec les clubs ou les parents, car il doit forcément y avoir de la méfiance ?
Je crois qu’il faudrait plutôt concevoir la chose comme un travail d’équipe. Le joueur doit percer au niveau de l’équipe et son agent doit lui assurer les moyens de percer au plus haut niveau. Chacun a ses tâches prédéfinies et l’objectif de tout le monde est de voir le joueur briller. Le cas échéant, tout le monde devrait en profiter. C’est donc un travail d’équipe et tout le monde profite du succès.
Vous avez été à l’origine du transfert de Walid Azaro à Al Ahly. À travers votre expérience, quelle est la nature de la relation qui devrait exister entre un joueur et son agent ?
C’est une relation qui doit être fraternelle et empreinte de confiance. Le joueur doit se concentrer sur ses prestations sur le terrain. L’agent, lui, doit veiller à commercialiser une belle image de son joueur et mettre en avant ses potentialités. Il doit aussi le conseiller, même en dehors de ce qui concerne sa carrière sportive, et peut aussi gérer ses affaires financières.
Avez-vous déjà refusé de vous lier à un joueur ?
Je préfère travailler avec des joueurs disciplinés. C’est moi qui établis le premier contact avec les équipes et j’associe donc son image à la mienne. Si le joueur sème le trouble ou fait montre d’une quelconque indiscipline, c’est mon image à moi aussi qui sera écornée et tout le capital-confiance pourrait s’effondrer. C’est pour ça que je préfère les joueurs calmes et sérieux.
Certains joueurs qui se sont sentis lésés par des dirigeants marocains ont donné des déclarations qui peuvent décourager d’autres joueurs et les éloigner de la Botola D1. Quel est l’impact de ces déclarations sur l’esprit des recrues potentielles ?
Je crois que le Maroc jouit d’une excellente image à l’étranger. Tout le monde sait que le Maroc est un pays sûr, où les gens sont traités avec respect. Notre championnat a aussi sa place parmi les meilleurs du continent. Il existe des exceptions, des joueurs qui se plaignent après leur départ du Maroc, mais c’est très rare et l’impact de leurs déclarations est très restreint.
Vous vous retrouvez sûrement à faire la promotion de la Botola et du Maroc lorsque vous négociez pour faire venir un joueur. Quels sont les atouts que vous vantez dans ce sens ?
Premièrement la sécurité. Deuxièmement la position géographique, car notre situation nous permet de commercialiser de façon optimale. Les joueurs peuvent prétendre à des carrières en Europe, au Maghreb ou au Golfe à travers la Botola. On dispose de très belles villes aussi et les gens sont accueillants ici et cela nous facilite la tâche.
On répète souvent que le joueur marocain ne s’exporte plus en Europe. Quelles sont les raisons de ce blocage ?
À mon avis, nous disposons de joueurs qui sont capables d'évoluer dans des championnats européens, mais quand je dis européens, je ne parle pas forcément de l’Espagne, de la France ou de l’Italie. Il y a plusieurs éléments qui ont leur place au Portugal, par exemple, mais le problème c’est qu’ils sont liés par des contrats à leurs clubs et les formations portugaises ne peuvent pas assumer des montants élevés. Je crois donc que le blocage réside au niveau de la valeur des transferts, car les dirigeants préfèrent toujours les clubs du Golfe, qui déboursent beaucoup plus que les Européens.
Vous avez été mandaté par le Zamalek pour négocier avec le DHJ en vue de transférer Hamid Ahaddad. Cependant, le joueur n’a pas pu s’imposer et a passé une première moitié de saison difficile en Égypte. Quelle est sa situation au Zamalek actuellement ?
Il a en effet reçu des offres du Maroc et le Zamalek est obligé de le prêter pour signer un nouveau joueur. Je crois qu’il va être prêté bientôt.
L’Union nord-africaine de football a proposé une loi qui fait de tous les joueurs maghrébins des joueurs locaux dans les 5 pays de l’UNAF. Comment cela peut-il influencer votre travail ?
Il y aura plus de facilité à transférer les joueurs marocains vers les pays du Maghreb. Les Égyptiens, les Algériens et les Tunisiens pourraient aussi venir plus massivement au Maroc et évoluer en tant que locaux. Je crois que cela devrait créer plus de compétitivité. C’est indéniablement positif pour le championnat marocain.
Certains avancent que les salaires et les montants des transferts sont trop élevés au Maroc. Est-ce vrai ?
Selon mon expérience, je crois que les salaires au Maroc font partie des plus bas. Il suffit de les comparer avec l’Algérie, où les équipes payent mieux qu’au Maroc. La même chose avec la Tunisie et l’Égypte. De ce fait, il est difficile d’attirer les meilleurs joueurs africains en Botola D1. Quand les Tunisiens, les Algériens, les Égyptiens et même Al Hilal et Al Marrikh du Soudan payent mieux, il est normal que les joueurs préfèrent bien sûr ces destinations. Il faudrait, à mon avis, nous orienter vers le marché de l’Amérique latine dans ce cas. L’Europe de l’Est constitue aussi une aubaine, puisque les Roumains, les Slovaques et d’autres joueurs peuvent facilement s’imposer ici.
Vous souffrez souvent de l’intervention des intermédiaires, qui ne jouissent d’aucune formation ou d'aucun statut officiel, mais qui sont quand même sollicités. Comment gérez-vous ce paramètre ?
C’est un problème auquel la FIFA elle-même n’a pas trouvé de solutions ! Avant l’apparition du nouveau système régissant l’activité des agents, la FIFA indiquait que 60% des transactions dans le monde du football étaient l’œuvre des intermédiaires non agréés. C’est un problème à l’échelle mondiale et pas seulement au Maroc.
Entretien réalisé par Abderrahman Ichi et Youssef Moutmaïne