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Lancement du spot «Arrestations» : INSAF déterminée à éradiquer le fléau

Depuis sa promulgation, il y a un an, la loi 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques n’a pas vraiment exercé l’impact souhaité dans la lutte contre le travail des enfants. Ce qui a poussé INSAF à initier une nouvelle campagne de mobilisation contre l’exploitation des mineurs. Le film «Arrestations» lancé par l’association rappelle que le travail des mineurs est un délit passible de prison.

Lancement du spot «Arrestations» : INSAF déterminée à éradiquer le fléau

Le travail des enfants est l’une des plus graves violations de leurs droits. Travailler les prive, en effet, d’avoir accès à une bonne éducation et à une vie sereine. L’association INSAF (Institut national de solidarité avec les femmes en détresse) se bat, depuis des années, pour lutter contre ce fléau et libérer les petites bonnes et les accompagner dans leur scolarité afin qu’elles se forgent un véritable avenir. L’association, qui a réussi à ce jour à arracher au travail domestique quelque 550 petites bonnes, tente aujourd’hui d’innover pour agir plus efficacement contre le travail des mineurs en lançant un spot-choc intitulé «Arrestations». Présenté lundi dernier à Casablanca, ce film, qui met en scène une série d’arrestations de personnes ayant employé des mineurs, vise à toucher un grand nombre de citoyens pour les sensibiliser à la gravité de ce délit. Il s’agit d’une façon de rappeler que le travail des enfants est un crime puni de prison par la loi 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques, promulguée 
il y a un an.
«D’après l’article 23 de la loi 19-12, une personne qui emploie une petite bonne de moins de 16 ans est passible de 25.000 à 30.000 DH d’amende. En cas de récidive, ces amendes sont doublées, et l’employeur risque 1 à 3 mois de prison. Nous étions persuadés que cet article allait permettre de libérer beaucoup de petites filles... Aujourd’hui, un an après, nous ne savons pas quel impact réel a eu cette loi. Nous n’avons malheureusement pas de statistiques crédibles sur le nombre d’enfants esclaves retenus dans les maisons», a souligné Meriem Othmani, présidente d’INSAF. Et d’ajouter : «Nous savons que ce phénomène perdure et nous avons voulu être plus explicites. Nous avons donc demandé à l’agence 109 de nous produire un spot-choc qu’ils ont intitulé “Arrestations”. Grâce au financement de l’Agence de coopération espagnole, l’AECID, nous allons pouvoir le lancer dans les réseaux sociaux. Mais nous avons besoin de le diffuser, le partager, le vulgariser, le transférer afin de toucher le maximum de personnes. Nous devons lutter tous ensemble pour que plus personne n’ignore les risques encourus».
De son côté, Giovanna Barberis, représentante de l’Unicef au Maroc, a indiqué que le recrutement des filles en tant qu’employées domestiques est une grave violation de leurs droits. «Le travail domestique expose les enfants à l’exécution de travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant ou à des travaux qui s’effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, pendant de longues heures ou la nuit, ou pour lesquels l’enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de l’employeur. Dans l’article 32, la Convention des droits de l’enfant interpelle les États parties à reconnaître le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social», affirme Mme Barberis.

«L’Unicef interpelle l’ensemble des détenteurs d’obligation à considérer que l’abolition effective du travail des enfants est une nécessité morale qui doit être respectée, promue et réalisée. Il n’existe pas de politique unique en soi, capable de mettre fin à l’exploitation des enfants par le travail. L’élimination du travail des enfants doit être intégrée dans le cadre des politiques nationales et régionales abordant simultanément les actions, qui adopte et applique une législation nationale interdisant le travail des enfants sans exception, et s’assurer que l’information sur la législation est largement diffusée auprès des parents et des employeurs. Il est aussi important de renforcer le dispositif d’application de la législation en mettant en place des procédures de signalement et de l’exécution des sanctions appropriées», a poursuivi la représentante de l’Unicef, qui a également appelé à renforcer les programmes de lutte contre la pauvreté et soutenir les familles pour la protection de leurs enfants en œuvrant pour la mise en place d’un système de protection sociale par le biais de transfert de fonds.
Le lancement du film «Arrestations» était également l’occasion pour INSAF et les différents participants à la rencontre de faire le point sur la situation actuelle en matière de travail des mineurs. On a ainsi rappelé que selon l’Organisation internationale du travail, 152 millions d’enfants travaillent dans le monde. Au Maroc, en 2018, sur les 7.049.000 enfants âgés de 7 à 17 ans, 247.000 exerçaient encore un travail, selon l’enquête nationale sur l’emploi du Haut-Commissariat au Plan (HCP), 162.000 fournissant un travail dangereux. Les intervenants ont, en outre souligné qu’il est très difficile, voire impossible, de connaître le nombre exact d’enfants employés au Maroc. Afin de réduire drastiquement le nombre d’enfants au travail, le ministère de la Famille, de la solidarité, de l’égalité et du développement social, en collaboration avec l’Unicef, a adopté la Politique publique intégrée de protection de l’enfance au Maroc (PPIPEM) et le Programme national de lutte contre le travail des enfants (LCTE) en est la mise en œuvre.

Les participants à la rencontre ont également pointé du doigt, la loi 12-19, qui n’a pas vraiment réussi à changer la situation sur le terrain, depuis sa promulgation, il y a un an. «Malgré des campagnes de communication et d’information sur les peines encourues, les résultats sont maigres, les poursuites aussi. L’outil législatif a montré ses limites et ses insuffisances, la première étant que les inspecteurs du travail et les assistances sociales n’ont pas accès à l’intérieur des maisons pour vérifier que les employés de maison sont bien majeurs. La seconde est que le nombre d’inspecteurs du travail est bien trop faible pour pouvoir même imaginer un contrôle efficace, et ce en nombre suffisant. Enfin, les employés mineurs, bien que sensibilisés à leurs droits, ont beaucoup de difficulté à dénoncer leur employeur en cas de non-respect de la loi ou, pire, de maltraitance», a-t-on déploré. 

Les actions de prévention et de réinsertion d’INSAF

INSAF a développé des programmes de prévention auprès des enfants et des parents. Ainsi, 79 établissements scolaires ont été ciblés dans le cadre d’activités parascolaires organisées au profit des enfants dans le but de les sensibiliser aux risques du travail domestique et du mariage précoce, tout en faisant la promotion des droits des enfants. Les interventions des équipes terrain d’INSAF ont ciblé 39 communes dans le cadre des actions de sensibilisation de proximité organisées au profit de la population locale. L’Association a ainsi pu mobiliser plusieurs acteurs institutionnels, associatifs et des représentants des autorités locales autour du programme de Lutte contre le travail des enfants au travers de conventions signées avec les directions provinciales du ministère de l’Éducation nationale au niveau des provinces ciblées ainsi qu’avec huit associations locales de proximité. INSAF œuvre aussi à offrir aux petites bonnes sorties de la maison où elles travaillaient les moyens de se forger un avenir. Depuis le démarrage de son programme, l’association a accompagné 545 filles dans leur parcours scolaire et 32 sont aujourd’hui bachelières. 202 sont actuellement prises en charge.

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