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Malgré les avancées, le Code de la famille toujours à l’épreuve du changement des mentalités

La célébration de la Journée de la femme constitue une occasion propice pour examiner les réalisations en matière d’accès des femmes à leurs droits. Une évaluation qui ne pourra être réalisée sans s’arrêter sur les acquis apportés par le Code de la famille. Promulgué en 2004, le texte avait consacré nombre de droits inaccessibles pour les femmes, inaccessibles jusqu’alors. Mais quinze années après sa mise en œuvre, des défis restent encore à relever pour pouvoir instaurer une véritable égalité hommes-femmes.

Malgré les avancées, le Code de la famille toujours à l’épreuve du changement des mentalités

En 2004, le Maroc avait adopté un Code de la famille avant-gardiste. Très attendu à l’époque par le mouvement féminin et les associations de défense des droits de l’Homme, le nouveau texte avait consacré une certaine égalité hommes-femmes et avait rendu plus difficile la pratique de la polygamie. En gestation depuis 1999, le texte de la Moudawana avait apporté des droits qui étaient alors encore inaccessibles pour les femmes.
La gent féminine s’est vue reconnaître ainsi des droits pour lesquels elle a milité pendant de longues années. Elle a été mise sur un pied d’égalité avec l’homme, en lui attribuant des droits qui ne lui étaient pas acquis jusqu'alors. La famille a ainsi été placée sous la responsabilité conjointe des deux époux, la notion de «l’obéissance de l’épouse à son mari» a été abandonnée, la femme disposait désormais de la possibilité de se marier sans tuteur. Quant à l’âge légal du mariage, il est passé de 15 à 18 ans dans le nouveau texte.
La polygamie a été «réglementée et le mari s’est vu imposer la condition d’obtenir l’autorisation de la première épouse avant de se remarier. La répudiation a été désormais soumise à l’autorisation du juge. La femme a bénéficié également du droit de demander le divorce et, en cas de divorce, celui qui a la garde des enfants conserve le domicile conjugal. Toutes ces dispositions ont été positivement accueillies.
Mais quinze années après l’adoption de ce texte, une question se pose avec acuité, dans quelle mesure cette réforme a-t-elle atteint ses objectifs et est-ce que ce texte a pu répondre aux aspirations de la société marocaine ?
Pour Boutheïna El Galbzouri, professeure universitaire et coordinatrice du master spécialisé sur la jurisprudence dans les affaires de la famille et le renouvellement du discours au sein de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat, la mise en œuvre de la Moudawana a permis d’identifier plusieurs défis qui restent à relever, notamment la problématique de la mise en œuvre de l’article 16 relatif à l’identification du mariage, qui constitue une brèche pour esquiver la loi dans les cas de polygamie ou de mariage précoce. Les statistiques du ministère de la Justice et des libertés viennent d’ailleurs appuyer ce constat. Bien qu'anciens, ces chiffres indiquent que le taux de mariage des mineures est passé de 7,75% en 2004 à 11,47% en 2013. L'autre insuffisance relevée porte sur le flou que contient l’article 53 relatif à l’exclusion du domicile conjugal et l’intervention du parquet général. Cet article n’identifie pas clairement les causes de l’exclusion. L’autorisation de la polygamie est une autre disposition qui continue de faire du bruit. En effet, bien que l’article 40 rende la procédure difficile, des hommes continuent à recourir à certaines méthodes pour se marier à une seconde épouse.
Pour Amina Afroukhi, chef de pôle de Rabat au parquet général, l’heure est venue pour établir un bilan à la lumière de ce qu’a dévoilé la mise en œuvre de la Moudawana comme insuffisances et d’examiner les volets socioculturels qui entravent encore l’implémentation de ce texte. Car bien que les nouvelles dispositions mettent en jeu des innovations juridiques qui cherchent à revaloriser le principe d'égalité entre homme et femme et à renforcer les droits de la femme, de la famille et de l'enfant, force est de constater que ces nouvelles lois posent un problème d'applicabilité en raison d'un manque d'ancrages social et institutionnel dans un environnement où se manifestent plusieurs signes de résistance à la culture égalitaire. En effet, il va sans dire que dans une société majoritairement patriarcale, les garçons et les filles sont éduqués de manière à ce que les premiers dominent les secondes. Ce rapport de domination se traduit par la soumission de la femme à son mari, la division sexuelle du travail et autres. Ainsi, le vrai défi qui reste à relever ne consiste pas seulement à réviser la Moudawana, mais surtout et avant tout à changer les mentalités ! 

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