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Les Matinales Groupe Le Matin

Les délais de paiement est un processus qui implique l’ensemble des acteurs économiques, publics comme privés. Conscient de cette réalité, le groupe a choisi de placer la première Matinale de son cycle de conférences sous la thématique  : «Délais de paiement dans l’administration, fin du calvaire ?». Cette rencontre a réuni autour de la table l’ensemble des parties prenantes, à savoir la DGCL, la TGR, la DEPP, ainsi que le secteur privé. Ces institutions sont toutes en ordre de marche et ont développé leurs propres stratégies en convergence avec les autres entités concernées pour réduire les délais de paiement.

Les Matinales Groupe Le Matin
Ph. Saouri

Hamza Belkebir, gouverneur-directeur des Finances locales, Direction générale des collectivités locales (DGCL)

«Le délai moyen de paiement en lui-même ne veut pas tout dire. Pourquoi ? Parce qu’il y a une phase avant le dépôt des attachements et de la facture que nous appelons phase grise. Celle-ci n’était pas comptabilisée dans le délai de paiement. L’ordonnateur ou l’administration peut recevoir la facture ou l’attachement et ne pas apposer le cachet “reçu”. Parfois, la facture est mise carrément dans le tiroir et le fournisseur ne peut dans ce cas disposer de la véritable date de dépôt. Pour pouvoir dépasser ce problème dans les commandes publiques des collectivités territoriales - évaluées à 35 milliards de DH- nous avons mis en place avec la Trésorerie générale du Royaume le dépôt électronique de la facture. Ce process permet donc à l’ordonnateur de déposer à distance la facture et d’obtenir un reçu daté de son dépôt. Pour cette problématique des délais de paiement au niveau des CL, je pense que nous sommes à la fin du calvaire. Nous avons aussi travaillé avec la TGR et les autres directions du ministère de l’Économie sur la résorption des stocks des arriérés des CL qui étaient de 8 milliards de DH, il y a 2 ans. Aujourd’hui, nous sommes aux alentours de 5,3 milliards. Le travail continue et nous pensons pouvoir venir à bout de ce stock qui constitue aujourd’hui l’essentiel des retards de paiement des CL. Il y a une autre problématique à souligner : certaines CL programment leurs dépenses sur la base des recettes prévisionnelles, tout en sachant que ces dernières ne sont pas bien maîtrisées. Ce qui fait que des crédits sont ouverts sur des budgets au mois de novembre voire même décembre de l’année N+1 et qui ne pourront pas être honorés tant que les fonds nécessaires ne seront pas disponibles. Nous avons beaucoup de cas d’entreprises qui ont été payées au bout de 2 à 3 ans après la fin des travaux. Parce que la collectivité avait programmé des crédits sur des rubriques qu’elles n’arrivaient pas à rendre disponibles. C’est une problématique sur laquelle nous travaillons. Dans un mois et demi, nous allons permettre aux CL de programmer et de saisir leur budget sur la plateforme GID, avant même de les voter. Ce qui permettra aux organes de contrôle et de suivi de vérifier la sincérité des recettes prévisionnelles qui vont permettre d’alimenter des comptes de marché». Said Naoumi

Houcine Jouhar, chef de la Division des Systèmes de gestion intégrée- TGR

«Fin du calvaire, oui, et les chiffres le prouve ! Quand on passe au niveau de commandes publiques, pour l’État, d’un délai moyen de paiement de 148 jours en 2016 à 58 en 2017 et 39 en 2018, c’est une amélioration. Pour les collectivités locales, ce délai est passé de 142 en 2016 à 44 en 2018. Ceci dit, nous sommes dans un processus d’amélioration continue. Ces délais sont comptabilisés à partir du moment où le maître d’ouvrage dépose sa “constatation des faits”, mais cela signifie qu’un travail en amont est fait. Il faut rappeler que le constat sur les délais de paiement a été fait suite à une étude effectuée en 2013. C’est à partir de ce moment-là que le ministère, en concertation avec la CGEM, a commencé à réfléchir à des méthodes pratiques pour réduire ces délais et notamment pour appréhender la phase amont des certifications. Cette réflexion a été bien évidemment accélérée suite aux orientations de S.M. le Roi contenues dans le discours de 20 août 2018. Nous avons dès lors enclenché des actions pour résoudre cette problématique. Le processus de certification a été notamment allégé grâce au système Gestion intégré de la dépense “GID-Fournisseurs”, qui permet aux prestataires de services de suivre les étapes administratives du traitement de leurs contrats depuis leur création jusqu’à leur achèvement. La TGR s’attèle également à uniformiser et normaliser les procédures pour éviter toute mal compréhension de la part des parties prenantes, et ce, à travers la publication des manuels ou guides de procédures, mais surtout via les systèmes d’informations qui représentent des outils efficaces pour harmoniser les pratiques et uniformiser les interprétations des textes. Le dépôt électronique obligatoire, déployé cette année, devra être complété et peaufiné au fil du temps pour être généralisé à la fin de 2022. D’autres chantiers sont menés pour pallier cette problématique des délais de paiement comme la dématérialisation des décomptes, les cautions provisoires et définitives, l’installation des comités locaux pour le suivi des délais de paiement dont les rapports sont discutés dans le cadre d’un comité central qui réunit l’ensemble des parties prenantes.» Souad Badri

Ahmed Belfahmi, chef de la Division des Programmations et Contractualisations- DEPP

«Nous sommes, presque jour pour jour, à 15 mois du 20 août 2018, lorsque S.M. le Roi avait tiré la sonnette d’alarme sur les délais de paiement. À partir de là, il y a eu une dynamique impressionnante de la part des opérateurs de l’administration publique mobilisée pour mettre en place des mesures pratiques et des actions de sensibilisation. Juste après, en octobre 2018, il y a eu des Orientations royales pour les établissements et entreprises publics afin d’honorer leurs engagements à l’égard des entreprises privées. La DEPP a tout de suite après mis en place une feuille de route ambitieuse pour déployer des mesures ciblées, mais durables. Les grandes entreprises publiques ont ainsi fait l’objet d’un dialogue stratégique présidé par le ministre pour pouvoir, ensemble, apporter des solutions concrètes à cette question des délais de paiement, appuyées par les efforts de l’État en la matière. Les résultats sont là et les chiffres le prouvent. De plus, nous ne nous sommes pas contentés de traiter les délais moyens de paiement, mais nous sommes allés au-delà puisque nous venons de publier les délais de paiement déclarés par les EEP qui permettent donc de divulguer la réalité telle qu’elle l’est. Une analyse de ces chiffres montre que les délais moyens varient énormément, ce qui fait que l’amélioration reste difficilement palpable. Il faut noter, à cet égard, les efforts déployés par ces entreprises pour répondre aux exigences du ministère de manière transparente et responsable. Ces délais déclarés feront également l’objet d’audits de la part des auditeurs des EEP, des commissaires aux comptes, pour les SA et du ministère. Ce sujet fait donc désormais partie de l’ordre du jour des comités de gouvernance et surtout des comités d’audit. Après cette première publication, il y aura une deuxième en décembre, pour les délais à fin septembre, et à partir de mars 2020, nous serons sur un rythme de publication mensuel. Ces délais sont également à prendre avec précaution puisque l’on a à faire à des entreprises disparates en termes de statuts juridiques, de maturité de leurs systèmes d’information, de leurs capacités de gestion ou encore de leurs secteurs d’activité. L’analyse devra donc être approfondie par rapport aux secteurs, aux délais des travaux, des prestations de services… pour appréhender cette problématique dans sa globalité. La commande publique au niveau des EEP mobilise un chiffre de 200 milliards de dh par an. Sur ce montant, nous n’avons eu, à fin juin, que 16 milliards de dette échues exigibles. Le rapport est donc assez lisible mais n’explique pas pour autant tous les retards de paiement. S.Ba.

Abdelkader Boukhriss, président par intérim de la Commission Financement et Délais de paiement- CGEM

La fin du calvaire, je ne peux qu’y croire ! En tant qu’opérateurs, nous sommes tous d’accord sur l’obligation de sortir de ce tunnel, surtout que ce problème ne date pas d’aujourd’hui. Il y a quelques décennies lorsque les finances publiques du Maroc ne se portaient pas très bien, cela a engendré une accentuation du problème. Le pic de cette crise a été enregistré en 2007-2008. Dès lors, nous avons commencé à travailler sur des solutions, mais, contrairement à d’autres pays, nous sommes encore dans le tunnel et nous n’y sommes pas encore sortis. Certes, il y a eu des lois et des initiatives, mais les premiers outils n’ont été effectifs qu’en 2018 après la sonnette d’alarme tirée par S.M. le Roi à l’occasion du discours d’août de la même année. Tout en saluant les initiatives prises, il reste que nous ne sommes pas tous d’accord sur les chiffres qui circulent, mais on s’accorde tous à dire que l’on est dans des seuils raisonnables. Cette disparité dans les chiffres est étroitement liée à la fixation de la date à laquelle on lance le compte du délai qui, selon moi, en ma qualité d’opérateur, commence selon la bonne volonté de celui qui va réceptionner la facture pour vous permettre d’intégrer le circuit. C’est l’un des problèmes liés au comportement, que ce soit dans le secteur public ou privé. Il faut par ailleurs rappeler que les entreprises privées ont à faire à des marchés publics et donc nous n’avons pas le même cadre législatif ce qui engendre des déséquilibres par la suite. Il est donc important de procéder à une harmonisation des législations. Autre point sur lequel il faut faire des efforts, celui de la concentration de la commande publique : 72% de la commande publique est concentrée entre 80 entreprises. Troisième constat, c’est que nous sommes parfois face à des établissements qui sont pourtant de bonne foi, bien gérés et ont de bons systèmes d’information, mais qui n’ont pas d’argent pour payer. C’est un problème réel qui devrait interpeller le ministère de tutelle qui devrait prévoir, dans le cadre de la Loi de finances, un soutien pour ces établissements. Mais nous restons positifs, le dialogue est maintenant ouvert via l’observatoire des délais de paiement pour régler les problèmes et pour que les opérateurs puissent se consacrer à leur business et répondre ainsi favorablement à la commande publique.» S.Ba.

Mustapha Miftah, Directeur de la Fédération nationale des BTP

«Notre secteur, les BTP, est plutôt fréquentateur du calvaire ! Le processus pour les entreprises, dès la soumission à un marché public jusqu’au paiement, est un parcours de combattant. Il y a certes énormément d’efforts sur la règlementation avec pour objectif de permettre un délai de paiement raisonnable, mais il subsiste malheureusement quelques failles. Autre amélioration à relever est celle qui intervient à la fin du processus, c’est-à-dire la phase du décompte durant laquelle les délais sont devenus minimes. Et pour garantir la fluidité dans le paiement, on note le suivi de l’exécution du marché dont l’objectif est de garantir que les rattachements soient effectués rapidement. Pour notre secteur, on note également un problème au préalable, celui de marchés de travaux lancés sans préparation (plans, réseaux,…), ce qui empêche l’entrepreneur de respecter les délais impartis. Cependant, de l’autre côté, on note qu’il y a une rapidité dans l’application des pénalités. De manière générale, on note qu’il règne aujourd’hui un esprit nouveau et positif à tous les niveaux. À cet égard, je rappelle que nous venons de signer un contrat-programme avec le gouvernement pour le secteur des BTP dans l’objectif de sortir les entreprises du calvaire quotidien qu’elles vivent. Cela n’empêche pas de signaler la subsistance de certaines contraintes, notamment la diminution de la commande publique globale du BTP qui impacte le moral des acteurs du marché, nous espérons que grâce à ce genre de dialogue nous allons parvenir à rétablir la confiance.» S.Ba.

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