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Comment le ministère public contribue à la lutte contre la corruption

Mis en place depuis sept mois, le centre de dénonciation des actes de corruption, relevant de la présidence du ministère public, a reçu 19.000 appels. Il a ainsi permis l’arrestation de 65 individus en flagrant délit et de les déférer devant la justice. Comment marche cette structure ? Quels sont ses moyens matériels et humains ? Quel est le cheminement des appels reçus ? Reportage.

Comment le ministère public contribue à la lutte contre la corruption

Il est 14 h 30 de ce mardi 15 janvier. Nous sommes au siège du centre dédié à la dénonciation des actes de corruption créé récemment au cœur de la présidence du ministère public. Hind, une jeune fonctionnaire, s’active aux côtés de nombre de ses collègues à répondre aux appels téléphoniques. «Allo bonjour, la présidence du ministère public à votre disposition», s’exprime-t-elle d’une voix aussi claire que rassurante.
Au bout du fil, des citoyens, de profils variés, et de différentes villes du Royaume. Ils appellent pour dénoncer un acte de corruption, un abus de pouvoir, un détournement de fonds ou encore un racket exercé par un agent public. «Certains appellent parfois par curiosité. Ils cherchent à s’informer des missions de ce centre. D’autres nous contactent pour dénoncer des cas de corruption ou de manœuvres dolosives. Il y a aussi ceux qui contactent le centre pour déposer une plainte. Les appels sont variés», nous explique la jeune cadre.
Le centre qui travaille de 8 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi, reçoit quotidiennement une moyenne de cent appels portant sur des objets très variés. Les fonctionnaires qui les réceptionnent les trient, n’hésitant pas à orienter les appelants en fonction de la nature de leur communication. Ils proposent ainsi aux personnes souhaitant déposer des plaintes de les envoyer par fax afin qu’elles soient acheminées ensuite au service des plaintes existant dans le même bâtiment du ministère public qui abrite le Centre. Seuls les appels ayant pour objet la dénonciation d’un acte corruption sont transférés via un logiciel informatique aux cinq magistrats chargés de l’examen de ces affaires.
«Le processus est simple, le citoyen contacte le centre d’appel en composant un numéro téléphonique direct qui est le 05 37 71 88 88. L’appel est réceptionné par un cadre du ministère public qui recueille toutes les informations nécessaires relatives au cas de dénonciation avant de transmettre l’appel, après avoir vérifié qu’il s’agit bel et bien d'un cas de corruption, à l’un des cinq magistrats mobilisés à cette fin. Le juge prend contact, par la suite, avec le procureur du Roi dans la région concernée et met en place, en coordination avec la police judiciaire, un plan pour arrêter la personne incriminée en flagrant délit», nous confie Abderrahman Lamtouni, magistrat chargé de la gestion de ce Centre d’appel. Selon notre interlocuteur, l’opération peut prendre 30 minutes, comme elle peut nécessiter jusqu’à trois jours. «Cela dépend des dispositions prises par la personne soupçonnée de corruption. Parfois, ce dernier reporte à plusieurs reprises “l’opération”, par précaution. Nous accompagnons dans ce cas le citoyen jusqu’au moment du rendez-vous», explique le même responsable. Et il semble que cette formule marche, puisque le suivi des appels reçus a donné lieu à l’arrestation et le jugement de plus de 63 individus pendant les sept mois ayant suivi le lancement du Centre. «Depuis le lancement de cette ligne téléphonique directe, le Centre a reçu 19.000 appels. Généralement, nous interceptons deux cas de corruption en moyenne par semaine. Le profil des personnes dénoncées est varié. Elles peuvent être des fonctionnaires de collectivités territoriales, des cadres, des médecins, etc. Il n’existe pas un secteur précis où la corruption sévit plus que d’autres», ajoute M. Lamtouni qui tient à rappeler que l’objectif du Centre d’appel n’est pas de se substituer au circuit classique emprunté par les citoyens, mais de l’accompagner et de le consolider. «Nous souhaitons que le citoyen devienne lui-même un acteur dans l’opération de lutte contre la corruption. Nous voulons également faire comprendre aux employés du secteur public, que leur lieu de travail est sacré et qu’ils doivent respecter le service qu’ils rendent aux citoyens et qu’ils sont tenus de respecter leurs fonctions», souligne M. Lamtouni.
Interpellé sur le cas l’ayant le plus marqué depuis le lancement de ce service, ce juge nous raconte non sans émotion le cas d’un septuagénaire diabétique ayant contacté le centre depuis quelques mois pour dénoncer l’abus de pouvoir d’un infirmier ayant refusé de lui fournir l’insuline pourtant distribuée gratuitement. Le fonctionnaire véreux exigeait à chaque fois 40 dirhams du vieux malade. «Ce montant peut paraître dérisoire, mais lorsque nous avons arrêté le suspect en flagrant délit à la fin d’une matinée, il avait en sa possession la somme de 4.000 DH, composée de billets de 20 dirhams. Cela renseigne sur le nombre de personnes rackettées chaque jour. Lorsque nous avons rencontré aussi la victime qui avait dénoncé ce délit, nous avons constaté à quel point son état de santé s'était détérioré parce qu’elle n’a pas pu disposer de son traitement durant trois mois. Ce cas montre à quel point la corruption peut avoir des conséquences désastreuses sur la vie des simples citoyens. Il nous interpelle aussi sur l’importance de lutter contre ce fléau avec plus d’engagement et de fermeté», conclut M. Lamtouni.

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