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La mixité au sommet de la hiérarchie améliore le rendement des entreprises

Le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) vient confirmer un constat déjà souligné par plusieurs études ayant mis en avant les nombreux avantages de la mixité en entreprise, surtout au niveau de l’encadrement supérieur et des postes décisionnaires. Le document affirme, chiffres à l’appui, que la présence des femmes au sommet de la hiérarchie permet d’augmenter sensiblement la rentabilité de l’entreprise.

La mixité au sommet de la hiérarchie améliore le rendement des entreprises
«Un des enseignements capitaux de notre rapport est que la diversité hommes-femmes est une bonne stratégie d’affaires : une mixité insuffisante peut faire obstacle à un meilleur rendement des entreprises», lit-on dans le rapport dévoilé le 28 mai dernier sous le titre «Femmes d’affaires et femmes-cadres : Les arguments en faveur du changement».

Cette enquête menée auprès de quelque 13.000 entreprises présentes dans 70 pays et cinq régions du monde indique que les différentes mesures prises en faveur de la diversité et de l’égalité des chances permettent aux entreprises non seulement d’améliorer leurs productivité et profits, mais aussi leur attractivité et capacité de rétention des talents, leur créativité et innovation, leur réputation ainsi que leur capacité à cerner les besoins des consommateurs.

 

En chiffres, les initiatives en faveur de la mixité ont contribué à l’amélioration des résultats de 57,4% des entreprises sondées contre 22,6% (54,9% dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord – MENA). Parmi elles, 60,2% signalent un accroissement de leurs productivité et profits, 56% rapportent une plus grande capacité à attirer et à conserver les talents, 54,4% signalent un surcroît de créativité, d’innovation et d’ouverture d’esprit, 54,1% déclarent que la réputation de leur entreprise s’est améliorée et 36,5% se disent mieux à même de jauger l’intérêt et la demande des consommateurs.

Par ailleurs, l’étude constate que près de 74% des entreprises interrogées font état d’une hausse de leurs profits de 5 à 20% grâce aux mesures qu’elles ont adoptées en faveur de la diversité et de l’égalité.

Dans le détail, 26,7% des sondées ont enregistré une amélioration de 5 à 10%, 29,1% autres 10 à 15%, alors que 18,1% ont affiché une hausse de 15 à 20% et 16,9% des entreprises interrogées ont fait état d’une hausse de plus de 20%.

Dans la région MENA, plus de 25% des répondants ont indiqué avoir augmenté leurs profits de 10 à 15% alors que plus de 21% disent avoir atteint 20% et plus. L’amélioration de la productivité et des profits de l’entreprise ne sont pas les seuls arguments avancés dans le rapport. Celui-ci met également en avant l’impact avéré de l’emploi féminin sur la croissance du PIB. 

«Pour comprendre combien la croissance du PIB est sensible à l’évolution de l’emploi féminin, nous avons constitué un ensemble de données pour un panel de 186 pays sur la période 1991-2017 afin d’évaluer l’élasticité partielle de la production de l’emploi féminin. Les résultats confirment une corrélation positive entre le PIB et l’emploi féminin perceptible sur le plan statistique», souligne l’OIT dans son rapport.

Ces résultats indiquent que chaque pour cent de croissance de l’emploi féminin est associé, en moyenne, à une croissance annuelle du PIB de 0,16% (0,17% dans la région MENA et 0,21% en Afrique).

Cependant, maintenir en poste les femmes qualifiées semble représenter un défi pour près de 48% des entreprises interrogées contre plus 52% qui affirment le contraire (45,6% dans la région MENA).

 

Femmes et postes à responsabilité

Selon l’étude de l’OIT, les entreprises dirigées par une femme ont une probabilité de 3,5% supérieure d’obtenir de meilleurs résultats et une probabilité de 2,8% supérieure d’avoir une productivité et des profits accrus.

De manière globale, près de la moitié des entreprises interrogées confirment que les femmes représentent moins de 30% des postes de cadres débutants, et 27% déclarent avoir de 11 à 29% de femmes dans les postes d’encadrement intermédiaire. Seuls 2 à 3% d’entre elles ne comptent aucune femme parmi les responsables hiérarchiques débutants et les cadres intermédiaires. Mais c’est surtout dans les postes de direction que la sous-représentation des femmes apparait avec plus d’acuité.

«Au niveau d’encadrement supérieur, la plus grande proportion d’entreprises (33%) déclare qu’entre 1 et 10% des cadres supérieurs sont des femmes, tandis que près de 20% d’entreprises indiquent que les femmes occupent de 11 à 29% de ces postes», relève l’enquête de l’OIT. 


Les femmes-cadres intermédiaires et supérieures se concentrent dans trois principaux domaines fonctionnels, à savoir les ressources humaines (51,8%), la finance et l’administration (49,8%) et le marketing et les ventes (37,8%). 
Dans la région MENA, les fonctions RH arrivent également en tête (plus de 40%), suivies des fonctions de la communication et des relations publiques (plus de 35%), ensuite viennent la finance et l’administration ainsi que le marketing et les ventes avec plus de 30%.
«Cette division sexuelle des fonctions managériales soulève des questions sur la présence de stéréotypes sexistes dans les processus de recrutement et de promotion. Elle laisse aussi entendre que les femmes et les hommes suivent des études différentes et que la division sexuelle du travail commence avant d’accéder aux fonctions de cadre», commente le rapport.
Pour ce qui est des cadres dirigeants, 35% des répondants ont indiqué que seulement 1 à 10% de femmes occupent ces fonctions (près de 39% dans la région MENA) alors que 10% d’entre eux ont affirmé qu’aucune femme n’est représentée à ce niveau-là.

 

Le rapport souligne toutefois que dans une bonne partie des pays, «la part des femmes parmi les cadres a atteint une masse critique de 30% qui est généralement considérée comme le point de bascule où la représentation des femmes commence à influencer l’institution et sa prise de décisions». Sauf la région MENA qui demeure la seule qui n’a toujours pas encore atteint ce point de bascule.
Les femmes PDG, elles, sont plutôt en minorité : près de 22% contre plus de 78% d’hommes à l’échelle mondiale, 10,2% contre 89,8% au niveau de la région MENA. De plus, à mesure que croît la taille de l’entreprise, la part des femmes occupant des fonctions de direction générale s’amenuise. Ce qui indique la persistance du phénomène appelé «plafond de verre».
Parmi les facteurs qui favorisent l’accès des femmes à la direction de l’entreprise, le rapport cite la proportion élevée des femmes dans les effectifs de l’entreprise : «Quand les entreprises ont davantage de femmes dans leurs effectifs, elles ont nettement plus de chances d’avoir une femme PDG». Et de préciser que quand les femmes représentent entre 30 et 39% des effectifs, la probabilité d’avoir un PDG féminin est de 6% plus élevée. En cas de parité, l’entreprise aura 15% de chances supplémentaires d’avoir une femme aux commandes. Quand les femmes sont majoritaires (remplissant de 61 à 100 pour cent des fonctions), la probabilité atteint 22%.
Le rapport s’est en outre intéressé à la catégorie des femmes propriétaires d’entreprise. Se référant aux données du Bureau international du travail (BIT), il a souligné que la part des femmes employeurs a augmenté à l’échelle mondiale, passant de 17,3% en 1991 à 22% en 2018.

 

La plus faible progression a été enregistrée au niveau de la région MENA où la courbe des femmes propriétaires d’entreprise n’a pratiquement pas bougé entre 1990 et 2018.
L’OIT a également examiné la présence des femmes dans les conseils d’administration et constate que près d’un tiers des entreprises dans le monde (31,7%) ont atteint une masse critique d’au moins 30% de femmes dans leur conseil. La région MENA enregistre la proportion la plus élevée d’entreprises ayant un conseil exclusivement masculin (28%), suivie par l’Afrique (12%).
La proportion des femmes présidentes de conseils d’administration est encore plus faible avec 76,4% d’entreprises qui déclarent que leur conseil est présidé par un homme (près de 89% dans la région MENA).
Les différentes données présentées dans le rapport de l’OIT confirment que les progrès réalisés en matière de mixité dans les différents niveaux d’encadrement reste globalement assez lent, et l’est encore plus dans certaines régions. Les arguments économiques et commerciaux avancés dans ce rapport devraient convaincre les entreprises de fournir davantage d’efforts et de mettre en œuvre des mesures concrètes pour atteindre une meilleure diversité hommes-femmes et pour favoriser la représentation des femmes au niveau de la direction et des conseils d’administration. 


Laila El Andaloussi du réseau international des femmes dirigeantes et leaders «Wimen»

La mixité est un levier de performance dans les entreprises. En effet, toutes les études menées ces dernières années mettent en évidence l’influence positive de la présence féminine dans les postes d’encadrement sur les performances de l’entreprise. La présence des femmes dans les entreprises est aujourd’hui un impératif économique et même une source d’innovation. À l’échelle des entreprises, celles qui comptent des femmes au sein de leur conseil d’administration, enregistrent en moyenne de meilleures performances financières en termes de rendement des capitaux investis et de valorisation boursière pour celles cotées d’après une étude récente en France. De plus, aujourd’hui la présence des femmes dans le top management est un signal fort et positif adressé au marché en termes de bonne gouvernance et diversité des compétences managériales. Tout cela influence positivement l’image et a un impact aussi sur la rentabilité de l’entreprise. Pour garantir aux hommes et aux femmes d’être placés sur un pied d’égalité pour leur évolution de carrière, le rôle de l’État est important pour assurer certains droits. Notre constitution garantit l’égalité dans tous les domaines au Maroc, économique, politique, social. Cela veut dire qu’à travail égal, la rémunération devrait être égale, et les postes occupés du même calibre. La législation du travail ne prévoit aucune discrimination dans les entreprises en termes de genre. Tout le travail qui reste à faire est de rendre effective l’application des textes, en agissant progressivement sur les mentalités et certains obstacles psychologiques. Au niveau de notre réseau Wimen, nous recommandons la mise en place de chartes internes pour promouvoir l’évolution des carrières des femmes en agissant en interne sur l’organisation des entreprises et en impliquant le top management à jouer pleinement son rôle de catalyseur. Le véritable changement ne peut se faire que par de la sensibilisation, la volonté des femmes et une volonté à l’intérieur de ces entreprises.


Entretien avec Aziz Qadiri, président de la Commission «Genre et Égalité des chances» à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) 

«La féminisation des organes de gouvernance des organisations constitue une source de performance économique et de richesse pour l’entreprise et le pays»

Management & Carrière : Que pensez-vous du constat avancé dans le dernier rapport de l’OIT sur les femmes dans les postes à responsabilité ? 
Aziz Qadiri : Effectivement, plusieurs études ont démontré la corrélation entre la présence de femmes dans les postes de responsabilité et l’amélioration de la performance économique de ces entreprises. 
Des études se sont focalisées à étudier la composition, selon la diversité genre, des conseils d’administration et ont démontré une corrélation positive avec le nombre de sièges occupés par les femmes au sein des Conseils d’administration et la performance financière et boursière des entreprises concernées. Je cite, à ce sujet, l’étude McKinsey, réalisée en 2017, qui a prouvé que dans les 53 entreprises africaines ayant le plus de femmes dans leurs conseils d’administration sur un échantillon de 210, le résultat d’exploitation (EBIT) est en moyenne de 20% supérieur à celui de la moyenne sectorielle. 
D’autre part, une étude publiée en 2011 par Deloitte Touche Tohmatsy précise que les entreprises où les femmes étaient largement représentées – trois ou plus – au conseil d’administration, pendant au moins quatre à cinq ans, avaient nettement de meilleurs résultats que celles où les femmes étaient faiblement représentées avec plus de 84% pour le rendement des ventes, plus de 60% pour le rendement des capitaux investis et plus de 46% sur le rendement des capitaux propres. 
Je voudrais souligner que selon la Banque mondiale, une meilleure intégration des femmes à l’économie générerait un PIB additionnel, à l’horizon 2025, de 12 trillions de dollars à l’échelle mondiale et de 30 milliards de dollars au Maroc. 
C’est pour dire que la participation des femmes dans l’économie avec la féminisation des organes de gouvernance des organisations et des entreprises constitue une source de performance économique et de richesse pour l’entreprise et également pour le pays.

Quels sont à votre avis les meilleurs moyens à mettre en place pour garantir aux hommes et aux femmes d’être placés sur un pied d’égalité pour leur évolution de carrière ?
Sans doute, le premier est celui de la culture d’entreprise, c’est l’investissement pérenne qui permet le respect et l’égalité des chances autant pour les hommes que pour les femmes dans leur parcours professionnel et leur évolution de carrière. Ce sont des procédures claires applicables et appliquées à l’ensemble des salariés avec une conviction profonde du chef d’entreprise sur des valeurs et des principes universels d’équité et de transparence. 
Il y a certainement aussi la nécessité de tenir compte de l’environnement de l’entreprise et de la société marocaine. La femme, de manière générale, et la femme marocaine, en particulier, consacre beaucoup de son temps à sa famille et aux activités domestiques. Elle a du mal à concilier entre sa vie privée et sa vie familiale, d’où l’importance d’instaurer des mesures de flexibilité des horaires et de l’organisation de travail, notamment pour les parents avec enfants en bas âge. Il faut en particulier fortement augmenter le nombre de crèches.

Quelles sont vos actions dans ce sens au niveau de la Commission ?
Permettez-moi tout d’abord de rappeler que la Commission «Genre et Égalité des chances», créée lors de l’actuel mandat, est très jeune. Elle a pour objectif de favoriser la diversité, l’égalité des chances et de traitement au sein des entreprises. Sachant que la diversité, sous toutes ses formes, est une source de cohésion sociale, d’acceptabilité sociétale et de performance économique pour les entreprises. Ainsi, la commission intervient au niveau de deux principaux axes. Le premier est consacré à l’approche genre et la promotion de l’égalité professionnelle hommes/femmes. Le deuxième axe a trait à l’inclusion et l’accès à l’emploi des catégories de personnes en situation de vulnérabilité ou en risque d’exclusion sociale.
Au niveau de la commission et concernant précisément la question «Genre», notre rôle est de sensibiliser les entreprises à cette question, aux avantages et bénéfices qu’elles peuvent en tirer. Nous les accompagnons via des outils développés pour leur permettre de mesurer leur action, de mettre en place des actions pour pouvoir progresser et avancer en améliorant leurs performances en matière du genre. Notre rôle aussi est d’offrir des espaces d’échanges, de partage d’expériences et de bonnes pratiques entre les entreprises. 
Propos recueillis par M.Se.

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