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«Tout le monde est conscient du problème de la fuite des cerveaux , mais les solutions et actions correctives tardent à se faire sentir sur le terrain»

«Tout le monde est conscient du problème de la fuite des cerveaux , mais les solutions  et actions correctives tardent à se faire sentir sur le terrain»

Management & Carrière : La fuite des cerveaux demeure l’une des principales problématiques auxquelles font face plusieurs secteurs au Maroc. Comment expliquez-vous ce phénomène qui s’intensifie d’année en année ?
Mohamed Benouarrek :
C’est un phénomène naturel et logique qui concerne principalement, quoique pas uniquement, certains métiers comme les ingénieurs en systèmes d’information (SI), les experts en intelligence artificielle et les médecins, pour ne nommer que quelques-uns… La loi d’attraction s’applique à tous. Il faut comprendre que la mondialisation ne veut pas dire le démantèlement des barrières douanières uniquement. Il s’agit d’une accélération et intensification de la mobilité des marchandises et des compétences entre les pays. Les plus forts attireront, à l’instar des grands clubs de football, les meilleurs (ou au moins ceux qui conviennent au mieux à leur modèle ainsi que leurs besoins).
Le Maroc ne répond pas aux exigences de ces talents à forte valeur ajoutée ailleurs. En effet, rares sont les entreprises marocaines capables de concurrencer les multinationales et entreprises étrangères qui font les yeux doux à nos jeunes compétences. Attention, car il ne s’agit pas d’offres salariales, mais aussi d’offres de carrières sans parler du cadre de travail et du cadre général. Il ne faut pas se leurrer. Être conscient de ces lacunes ou insuffisances est essentiel pour une analyse réaliste. Les insuffisances sont diverses : financières, matérielles, et structurelles. En plus, l’écart ne cesse de se creuser entre les deux rives.

Pensez-vous que cette «migration» n’est pas sans conséquence sur le développement économique du pays ?
C’est beaucoup plus une fuite qu’une migration. Les répercussions sont néfastes. Le coût de revient d’un cadre (ingénieur, médecin ou gestionnaire) est énorme. Ce que l’État et/ou les parents ont investi dans leur formation est important, mais la récolte va ailleurs. Les pertes pour le pays et pour les entreprises locales sont inestimables : indisponibilité de compétences dans le marché d’emploi local, ralentissement du développement du tissu économique local, car tout développement passe par le capital humain, le manque à gagner énorme et des fois les entreprises qui composent la texture économique locale louent les services de ces Marocains expatriés à trois fois le prix sur facturation par le biais des entreprises étrangères.
C’est malheureux, car certains de ces talents cherchaient désespérément un travail au Maroc quelques années auparavant amis en vain. La loi du marché opère ses corrections à terme. On ne peut pas planifier pour un futur brillant du Maroc sans des entreprises puissantes. De même, on ne peut pas concevoir des entreprises robustes sans un capital humain qualifié et compétent (compétences de pointe).

Les entreprises marocaines sont-elles conscientes de l’ampleur du problème ? 
Tout le monde en est conscient. Hélas, ce n’est pas la responsabilité des entreprises marocaines uniquement. C’est un problème complexe qui interpelle, le ministère d’éducation et de recherche, le ministère d’emploi, le ministère d’industrie, ainsi qu’une demi-douzaine d’autres départements sans oublier la CGEM. Le challenge est collectif complexe et va au-delà des frontières d’entreprise des fois pour inclure le climat et cadre de vie global. Sécurité, épanouissement, valorisation, carrière, chances d’évolution, sont tous quelques mots clés qui déterminent la destination finale où reposera le choix de ses talents qui sont prêts à sacrifier leur pays natal, leur famille et entourage pour aller vers d’autres cieux. Tout le monde est parfaitement conscient du problème, entreprise, associations, presse, mais les solutions et actions correctives tardent à se faire sentir sur le terrain (si on suppose qu’elles existent).

Quelles sont les mesures à prendre (côté management) pour garder et fidéliser les talents ?
Je recommande de s’ouvrir sur les pratiques managériales occidentales au même titre que notre ouverture sur leurs habillements, styles et modes ainsi que leurs malls et shopping centers. Les talents cherchent la reconnaissance, l’épanouissement et l’évolution. Si nous ne changeons pas notre manière de faire, nous serons condamnés à perdre des cerveaux qui fuient vers l’eldorado.
Fuir son propre pays est un acte qui requiert beaucoup de réflexion et surtout beaucoup de courage et une multitude de raisons. Si on active quelques leviers de fidélisation, on aura un peu de chance d’en garder quelques-uns. Ces talents cherchent l’équité, l’évolution, la reconnaissance et l’encadrement. Tout cela relève de la maturité managériale et de l’altitude que certains entrepreneurs démontrent à l’égard de leurs ressources humaines.
Sans mobilisation générale de l’État, des entreprises et des associations compétentes, il sera difficile de stopper l’hémorragie. Il s’agit d’un méga-système international qui s’invite à tous les pays et tous les continents sans exception.L’optimisme, à lui seul, relève de la naïveté. William Arthur Ward l’a bien dit : «Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles». 


Propos recueillis par N.M.

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