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«Ce n’est pas un hasard si j’ai jeté mon dévolu sur le Maroc pour démarrer ma campagne électorale»

Catherine Geslain-Lanéelle, candidate de la France à la direction de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dévoile dans un entretien accordé au «Matin» ses priorités pour lutter contre la faim et la malnutrition et la stratégie qu’elle compte mettre en place pour le faire. «Produire plus et mieux», tel est le slogan de cette campagne électorale menée avec une main de fer par l’ancienne directrice générale de l’alimentation au sein du ministère de l’Agriculture français. S’agissant de l’Afrique, la première candidate femme à la FAO plaide pour un appui et un accompagnement «personnalisé» des pays africains dans leurs efforts pour l’amélioration du secteur agricole et dans leur lutte contre les effets du changement climatique. Elle évoque également son intérêt pour la promotion de la parité entre les sexes dans le domaine agricole ainsi que ses ambitions pour améliorer les conditions de vie de la femme dans l’agriculture.

«Ce n’est pas un hasard si j’ai jeté mon dévolu sur le Maroc  pour démarrer ma campagne électorale»

Le Matin : Dans quel cadre s’inscrit votre visite au Maroc ?
Catherine Geslain-Lanéelle
: Je suis la candidate de la France au poste de directeur général de la FAO. Aujourd’hui, je visite le Maroc pour solliciter son soutien à ma candidature et je pense que ce n’est pas un hasard si j’ai jeté mon dévolu sur le Royaume comme première destination pour démarrer ma campagne électorale après l’audition des quatre candidats à la FAO. J’estime en effet que le Maroc est un pays à forte vocation agricole qui affiche de belles performances et compte à son actif de belles réussites en matière de développement agricole grâce au déploiement du Plan Maroc vert.

Quel regard portez-vous justement sur ce programme ?
Je pense que le Plan Maroc vert est une feuille de route dont la mise en œuvre a permis de belles réalisations autant sur le plan quantitatif que qualitatif. Lors de ma visite au Salon international de l’agriculture, j’ai pu suivre de près les réalisations enregistrées grâce à ce programme aussi bien en termes de création d’emploi qu’en matière de développement et de diversification de la production agricole et je souhaite justement accompagner le Maroc, une fois que je serai élue directrice générale de la FAO, dans les nouvelles orientations qu’il donnera à ce programme. Je souhaiterais également soutenir le Royaume dans ses efforts pour accompagner les autres pays africains à identifier de nouvelles solutions pour surmonter les problématiques auxquelles ils font face dans le cadre d’une coopération Sud-Sud.

L’Afrique est confrontée aujourd’hui à plusieurs défis. Quels sont ces défis et comment la FAO peut-elle contribuer à les surmonter ?
L’Afrique est confrontée à de nombreux défis, bien qu’elle dispose de plusieurs atouts et potentialités. Parmi ces défis, il y a lieu de citer un développement démographique rapide, une population jeune en âge de travailler, des besoins importants en termes d’alimentation. L’Afrique fait face également au défi relatif aux effets que provoquent les changements climatiques. Mais je pense que ces défis restent surmontables. Je ne suis pas pessimiste. J’ai rencontré de nombreux ministres africains lors de ma visite au SIAM et j’ai pu constater à travers ces rencontres qu’il existe une réelle volonté politique, des stratégies et des politiques qui peuvent être soutenus et accompagnés par la FAO. Cette organisation peut en effet apporter aux leaders africains des solutions et un appui pour qu’ils puissent déployer concrètement des solutions à même d’accompagner le secteur agricole dans leurs pays respectifs à produire plus et surtout mieux, tout en luttant contre les effets des changements climatiques et en œuvrant à créer davantage d’emplois aussi bien dans le secteur de l’agriculture que celui de la pêche.

Quelles sont justement vos priorités pour le continent africain ?
J’ai deux priorités. D’abord accroître la productivité et la production agricole de manière durable en mettant en place des systèmes de production adaptés aux changements climatiques. Mon deuxième objectif est de développer les chaines de valeurs, la transformation, la distribution, le commerce et les services liés à l’agriculture et la pêche, ce qui permettra de créer des emplois dans le monde rural afin d’améliorer l’accès des agriculteurs aux marchés et offrir un avenir à nos jeunes. J’estime que l’agriculture et la pêche sont des leviers très importants pour éradiquer la pauvreté dans les zones rurales.

L’inauguration officielle du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM) s’est déroulée mardi dernier à Meknès. Quel regard portez-vous sur cet événement ?
Je pense que le SIAM constitue une belle vitrine pour présenter les belles réussites et les avancées que connaît le secteur de l’agriculture marocain aussi bien en termes d’amélioration de la productivité agricole qu’en termes de durabilité et d’amélioration des revenus des agriculteurs. Depuis ma dernière visite au salon en 2015, j’ai constaté que cette rencontre est en développement continu et s’est transformée au fil des ans en véritable hub et plateforme d’échange entre les hauts responsables politiques, mais aussi entre les acteurs économiques, notamment les coopératives, les investisseurs, les équipementiers, etc.

Lors de votre visite au SIAM, vous vous êtes entretenu avec plusieurs hauts responsables africains, ces derniers ont-ils affiché un soutien à votre candidature ?
Je me suis entretenu d’abord avec le ministre de l’Agriculture marocain, M. Aziz Akhannouch. C’était un excellent entretien qui m’a permis de réaliser à quel point il existe une convergence de visions et d’approches concernant le rôle que la FAO est appelée à jouer pour apporter son appui et ses solutions à chaque pays pour qu’il réussisse le défi de son développement agricole en tenant compte de sa particularité et de ses priorités. J’ai saisi par ailleurs l’occasion de ma présence au SIAM pour rencontrer effectivement une quinzaine de ministres africains, en particulier de l’Afrique subsaharienne, et j’ai sollicité leur soutien. Je pense qu’il est encore tôt de se prononcer sur cette question puisque les élections sont programmées pour le 22 juin, mais ma campagne progresse.

194 pays membres de la FAO vont élire le futur directeur général de la FAO pour un mandat de 4 ans. Vous, en tant que candidate femme, quelles sont les actions que vous pouvez déployer afin d’améliorer le quotidien des femmes travaillant dans le domaine de l’agriculture ?
Comme vous l’avez souligné dans votre question, je suis effectivement la première femme candidate à ce poste-là depuis la création de cette organisation il y a 70 ans. En effet, aucun pays n’a jamais présenté une candidature féminine. Je suis donc fière de représenter les femmes, parce que je suis consciente de la place qu’elles occupent dans les systèmes alimentaires. Elles sont dans les champs, dans les usines de transformation et dans toute la chaine de production. Elles sont dans les commerces alimentaires et contribuent de manière décisive à la sécurité alimentaire. Au travers de ma candidature et mon projet, je souhaite qu’elles accèdent plus facilement aux ressources. Je souhaite faciliter et améliorer leurs conditions de vie pour qu’elles puissent contribuer de manière plus significative au développement de l’agriculture et de la pêche et créer davantage d’emplois.

Quels sont à votre avis les efforts qui restent à déployer pour garantir la parité entre les sexes ?
Il existe encore des disparités entre les sexes. C’est un constat mondial. Bien qu’il existe des progrès significatifs, des défis restent à relever. Dans le domaine de l’agriculture, les femmes trouvent toujours des difficultés à accéder au foncier, à l’eau et aux crédits. Je suis justement très sensible à ces difficultés et si je suis élu, je ferai tout mon possible pour que toutes les actions de cette organisation soient attentives à faciliter l’accès des femmes aux ressources et aux formes de décisions parce qu’elles peuvent nous aider à atteindre nos objectifs, à savoir produire plus et produire mieux. 

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