La satisfaction des besoins humains se fait au détriment de la nature
L’homme est au cœur des écosystèmes dont la destruction menacerait sa propre existence. Historiquement, l’avènement de l’agriculture a conduit à la sédentarisation de l’homme qui a eu besoin de terres, de bois de chauffe… Au fil des siècles, ce qui a changé c’est l’augmentation de la population humaine. La résilience de la nature s’en est trouvée réduite, d’où les tensions sociospatiales et la «dette écologique». À titre d’exemple, la France a épuisé au mois de mai ses ressources naturelles. Les Français vivent donc à crédit et c’est ce qui se passe au niveau de toute la planète à différents niveaux. Si tout le monde vivait comme les Français, il nous faudrait 2,9 planètes pour couvrir les besoins de l’humanité. Ce déséquilibre a eu pour résultat la résurgence d’anciennes maladies et l’apparition de nouvelles pathologies dues aux nouveaux modèles de production. Nous vivons au-dessus des moyens de la nature. Il faut par conséquent revoir les modèles de consommation et de production.
La seule alternative, le développement durable
Jusqu’aux années 1970, on considérait la dégradation de la nature comme un sous-produit de la croissance économique. Ce débat est dépassé avec la notion de développement durable selon laquelle le développement est possible sans attenter à la qualité de ces ressources ni à leur quantité. Au Sommet de la Terre de 1992 à Rio, il y a eu l’apparition d’un nouveau principe, celui de la précaution, qui n’est ni de la prévention ni la réparation des dégâts causés à la nature. Il s’agit d’apprécier les risques engendrés par la consommation et la production. Tout investissement dans des projets économiques doit être lu à travers cette grille. Aujourd’hui, presque 30 ans après, les estimations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont plus complexes, car nous ne connaissons qu’une partie de la biodiversité qui risque de disparaître avant même d’être connue de l’homme. Les différentes alertes émises depuis ont été entendues dans une certaine mesure, car les efforts restent encore insuffisants, en raison des approches différentes, des confrontations des intérêts et des forces qui se neutralisent.
Le concept de «population soutenable»
L’espoir est né avec la définition, en 2015 par les Nations unies, des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030, mais qui demeurent insuffisants, car ils ne prennent pas en compte la notion de population soutenable, qui s’est perdue en cours de route. Nous pourrons augmenter la productivité, la justice climatique, la justice sociale, la solidarité générationnelle… mais les ressources naturelles sont limitées et ne seront pas en mesure de répondre aux besoins d’une population mondiale en croissance. Là aussi, les données ne sont pas homogènes. Dans les pays développés, les populations sont vieillissantes ou en renouvellement, alors que celles des pays en développement connaissent une croissance soutenue. Ce qui complique la situation. Quoi qu’il en soit, il faut un arbitrage entre la création de richesse et la préservation des écosystèmes naturels. Cependant, et à titre d’exemple, le problème de l’universalité de la taxe carbone reste entièrement posé. Il faut trouver un moyen pour que les industriels tiennent compte de la pollution, quel que soit le pays recevant leurs projets délocalisés.
L’Afrique face à ses défis, mais riche de ses potentialités
L’Afrique a un potentiel énorme, à condition d’allier développement économique et développement social et écologique. C’est possible, car le continent a d’énormes potentialités : eau, agriculture, forêts, minerais, pastoralisme… Pour y parvenir, il faut concevoir des projets bancables financés par le Fonds vert pour le climat. L’Accord de Paris en 2015 a débouché sur l’engagement des pays les plus développés à transférer 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020. La Banque mondiale recommande que 50% de la finance climat profitent aux projets portant sur l’adaptation au changement climatique, plutôt que ceux de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas encore le cas. Or il se trouve que les projets portant sur l’adaptation au changement climatique ne sont pas aussi rentables que ceux de l’atténuation des émissions de CO2. Les accords ont du mal à se concrétiser, d’où la tenue à Marrakech, lors de la COP 21, du Sommet des Chefs d’État africains traçant la feuille de route qui traite de l’ensemble des thématiques. Il y a eu création de trois commissions : Bassin du Congo de lutte contre la désertification, dont le Maroc a pris en charge les études de faisabilité, et la commission des États insulaires qui sont menacés par l’élévation des niveaux des mers.
Le territoire, porte d’entrée au développement durable
Au Maroc, la Constitution de 2011 dispose d’un article qui est l’esprit même du développement durable dans sa rigueur et dans sa pureté. Cet article dit que les générations actuelles ont le droit d’exploiter les ressources naturelles sans compromettre les droits des générations futures. Il va falloir exprimer la solidarité intra et intergénérationnelle. Pour cela, le territoire est l’unité d’entrée du développement durable qui doit guider l’ensemble des actions de développement. Après l’approche sectorielle (agriculture, tourisme…) et l’approche thématique (ressources naturelles), il y a maintenant l’approche dite territoriale qui intègre l’ensemble des secteurs et des thématiques. Nous ne pouvons pas faire du développement intégré en additionnant les projets sectoriels. Chaque région doit disposer de son plan de développement qui permet de tracer les lignes rouges à ne pas dépasser. Dans la région de Souss-Massa, le niveau des nappes ne fait que baisser ces 25 dernières années et se situe actuellement en moyenne à 60 mètres de profondeur. Ce tarissement est dû au prélèvement de l’eau au motif de créer de la croissance. Mais ce faisant, on aggrave la dette écologique et on livre le territoire à la désertification. Dans le calcul de la valeur ajoutée, il faut extraire la dette écologique. La valeur ajoutée doit tenir compte de la décapitalisation des ressources naturelles.