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Le représentant de l’UNFPA au Maroc : «Les jeunes représentent une aubaine pour la croissance»

Dans une tribune exclusive, Luis Mora, le nouveau représentant du Fonds des Nations unies pour la population au Maroc (UNFPA), partage avec les lecteurs du «Matin» sa réflexion sur la situation des jeunes dans le monde et au Maroc. Le haut responsable onusien revient ainsi sur ce qui a été réalisé depuis la Conférence internationale sur la population et le développement tenue au Caire en 1994 ainsi que sur les grands défis que les 1,8 milliard de jeunes lancent aux gouvernements du monde entier.

Le représentant de l’UNFPA au Maroc : «Les jeunes représentent  une aubaine pour la croissance»

Soukaïna, Mohammed et Mustapha sont trois jeunes Marocains qui ont partagé avec nous leurs histoires de vie, leur vécu personnel, mais aussi leurs aspirations pour la jeunesse marocaine. Venant d’horizons divers, ces jeunes ont au moins une chose en commun. Ils sont tous nés en 1994. Cette même année, Le Caire a accueilli la conférence internationale sur la population et le développement (CIPD). Lors de la CIPD, 179 pays, dont le Maroc, ont placé les êtres humains au cœur de l’agenda de développement international, en mettant l’accent sur l’importance de garantir le bien-être des jeunes et de libérer leur potentiel. Aujourd’hui, le monde commémore le 25e anniversaire de la CIPD. Son mandat révolutionnaire a transformé des millions de vies dans le monde. Mais, loin d’être universelle, sa quête ne peut être plus pressante. Depuis quelques années déjà, nous assistons à une étape historique de l’humanité. Jamais le monde n’a connu un nombre aussi important de jeunes. Ils sont aujourd’hui 1,8 milliard et représentent une opportunité à saisir pour transformer l’avenir.
Au Maroc aussi, les jeunes représentent près du tiers de la population. Mais beaucoup d’entre eux sont confrontés à de multiples obstacles pour réaliser leur plein potentiel. Plusieurs rapports de l’UNFPA ont montré que l’existence d’une population jeune aussi large représente une aubaine pour la croissance, c’est ce que l’on appelle «le dividende démographique». Ce dividende se produit grâce à une population active très nombreuse, qui peut s’avérer un puissant agent de développement économique et social. Son ampleur dépend toutefois de la manière dont les pays tirent profit des avantages qui peuvent résulter de la présence d’une population active jeune et productive. Plusieurs pays de l’Asie orientale ont montré l’importance de bénéficier de cette aubaine démographique, à travers des investissements importants dans les capacités des jeunes durant les années 1950 et 1960. Ces actions leur ont permis de réaliser une croissance économique et sociale en un temps record. La République de Corée, par exemple, a vu son produit intérieur brut par habitant augmenter d’environ 2.200 pour cent entre 1950 et 2008. La célébration au Maroc de cette Journée internationale des jeunes se fait à un moment où le pays a quasiment achevé sa transition démographique et a, depuis quelques années, vu s’ouvrir une fenêtre démographique. Nous nous félicitons également de l’engagement indéfectible du pays pour l’épanouissement de sa jeunesse. Il faut toutefois garder à l’esprit que cette opportunité ne durera que deux ou trois décennies, car elle sera vite rattrapée par le vieillissement de la population, qui connaîtrait une croissance de plus en plus accélérée à l’avenir.
Par ailleurs, le dividende démographique ne peut réellement se concrétiser que si tous les acteurs concernés mettent en œuvre des mesures appropriées, en mettant l’accent sur l’éducation, l’emploi, la santé, la participation et l’inclusion des jeunes. Au Maroc, les jeunes sont confrontés à de multiples défis et subissent des inégalités de formes multiples. À titre d’exemple, le taux de chômage des 15-24 ans est plus que deux fois plus élevé par rapport au taux enregistré au niveau national, soit 20,6% contre 9,6%. Néanmoins, au-delà des actions visant à promouvoir l’employabilité des jeunes, une attention particulière devrait être accordée aux causes sous-jacentes qui empêchent des millions de jeunes d’atteindre leur plein potentiel. La dimension genre est particulièrement importante. Le statut de la jeune fille détermine son accès à ses droits à la santé, à l’éducation et aux opportunités économiques. Contrairement aux hommes, la participation économique des femmes est étroitement liée à leur capacité de décider librement quand se marier, et si oui, quand et combien d’enfants elle voudrait avoir. Au Maroc, Plus de 35.000 filles ont été mariées avant 18 ans, selon les données de 2013 du ministère de la Justice. Les données de l’Enquête nationale sur la population et la santé familiale (ENPSF) au titre de l’année 2018 ont même montré que 2,7% de l’ensemble des femmes enquêtées ont été mariées avant l’âge de 15 ans et que le taux de fécondité des femmes âgées de 15 à 19 ans avoisine 19,4 pour 1.000. Cette situation pourrait bien être à l’origine de la faible participation des femmes marocaines dans le marché du travail. Une seule femme marocaine sur 4 est active alors que 3 hommes sur 4 le sont. À ce niveau, les adolescentes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables.

Elles subissent les conséquences graves du mariage d’enfants et d’autres formes de violence basée sur le genre, telles que les complications de la grossesse et de l’accouchement, les avortements à risque, les suicides et les féminicides. L’UNFPA, Fonds des Nations unies pour la population, appuie le Maroc pour répondre aux problématiques les plus pressantes par des mesures appropriées permettant de saisir cette aubaine démographique au bénéfice du développement économique et social.  S’ajoutant à la production et l’analyse des connaissances sur les adolescents et les jeunes et son plaidoyer pour un partenariat multipartite en faveur de cette population, l’UNFPA promeut les habiletés de vie des adolescents et des jeunes et leur accès aux informations et services de santé et aux opportunités économiques et leur participation active dans le processus de développement. Des actions spécifiques visant à promouvoir l’égalité de genre, lutter contre la violence basée sur le genre et mettre fin aux pratiques néfastes, en particulier le mariage d’enfants, sont également mises en œuvre pour permettre une participation plus active des femmes et des filles dans le développement. 25 ans après la CIPD, l’UNFPA organise, en partenariat avec le Kenya et le Danemark, un Sommet mondial à Nairobi en novembre, pour que la communauté internationale renouvelle ses engagements et accélère le processus pour tenir la promesse du Caire. Au Maroc, nous ne pouvons pas attendre 20 ans pour saisir l’opportunité de la jeunesse. Il sera bien trop tard. Nous sommes tous appelés à agir maintenant pour valoriser le capital humain des jeunes comme Soukaïna, Mohammed et Mustapha et travailler étroitement avec eux pour construire un Maroc meilleur aussi bien pour la jeunesse que pour toute la population. 

Par Luis Mora, le nouveau représentant
de l’UNFPA au Maroc

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