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Une pièce de théâtre dévoilant le drame du viol de Aïcha

L’écrivaine et journaliste Mounia Belafia vient de publier aux éditions Les Mandarines (France) une nouvelle pièce de théâtre «La fille qui…» racontant les péripéties d’une jeune fille violée et souillée, encore plus, par les propos d’une police qui ne lui rend pas justice. D’où la conclusion de l’écrivaine observant que «si le texte est choquant, la réalité qu’il décrit l’est encore plus».

Une pièce de théâtre dévoilant  le drame du viol de Aïcha

Connue pour son militantisme pour la cause féminine, Mounia Belafia accumule des écrits s’intéressant à la gent féminine, notamment ses nouvelles en langue arabe intitulées «Une poupée et un cercle» (Doumya wa daiira» publiées chez les éditions Slaiki Ikhwan (Tanger, 2016), deux pièces de théâtre en langue arabe «Des couples et des masques» (Azwaj wa akniaa), éditions Marsam (2013), puis une étude intitulée «L’image des femmes dans les proverbes populaires», éditions Toubkal (2008). Pour ce nouveau-né, «La fille qui…», l’écrivaine raconte l’histoire de Aïcha qui, suite à son viol, va, accompagnée de sa mère, déposer plainte auprès de la police pour que le coupable soit puni. Mais elle se trouve devant une situation plus choquante, car au lieu de s’attaquer au violeur, c’est elle qu’on va culpabiliser. Et pour cause, son apparence extérieure trompeuse, qui dénote «sa jeunesse, sa beauté, son travail, son pantalon serré, son parfum haut de gamme, sa propreté, bref, son existence en tant que femme, qui font d’elle la coupable», comme le souligne Mounia Belafia. Celle-ci compare cette histoire à un drame du corps féminin doublement violé et estime faire part de ces atrocités aux personnes qui ne connaissent pas ces vérités ou font semblant de les ignorer. «À travers cette pièce, je raconte l’une des réalités les plus choquantes de notre existence. Mais, bien entendu, je la raconte comme je la vois et selon mes convictions. Évidemment, à travers cette pièce et d’autres écrits, j’espère bien pouvoir y mettre ma goutte. Peut-être, elle participera à faire déborder le verre. En tous les cas, c’est ce que je souhaite, et c’est parmi les raisons essentielles qui me poussent à écrire», précise l’écrivaine Mounia Belafia qui milite pour que les femmes obtiennent plus de droits, non seulement à travers ses écrits, mais aussi par des actions syndicales et associatives.

Rappelons que Mounia Belafia est titulaire d’un doctorat en cinéma et audiovisuel de la Sorbonne nouvelle (Paris III) et d’un master II, spécialité «Arts de la scène» (Université de Saint-Denis, Paris). Actuellement, elle est journaliste à «Radio Monte Carlo Doualiya», filiale de «France Médias Monde», sachant qu’elle a travaillé pour différents médias de la presse écrite et audiovisuelle, notamment «France 24», «Alarabiya», «Almajalla Magazine». Comme elle a fait des rapports pour des organisations internationales et régionales, telles que l’Unifem, l’Unesco, l’UE, la FIJ... sur le genre et médias, sur les médias et sur la déontologie. Ce qui lui a valu certaines distinctions, tel que le Prix de la presse arabe à Dubaï (2002) et le prix Nazek Lmalaika de la nouvelle à Baghdad (2012). Elle est aussi syndicaliste, militante associative, coprésidente du conseil du genre à la Fédération internationale des journalistes et vice-présidente de l’Alliance mondiale genre et médias (AMGM) créée par l’Unesco. 

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Questions à Mounia Belafia, Journaliste et écrivaine

 

«Dans mes écrits, je défends l’être  humain qu’il soit femme ou homme»

Est-ce que vous vous êtes basée sur des faits véridiques en écrivant cette pièce théâtrale ?
«La fille qui...» est une pièce de théâtre qui chevauche entre fiction et réalité. Il est indéniable que les diverses relations qui lient la réalité à la fiction rendent très complexes les possibilités de dissocier l’une de l’autre. Dans cette pièce, la réalité inspire la fiction pour que celle-ci puisse nous aider à voir le monde, à mieux le comprendre et à chercher des issues pour le rendre meilleur. L’histoire de Aïcha est une histoire assez courante de ces filles qui voient leur vie basculer suite à un viol. Elle perd tout, même son nom. Pire encore, elle a osé dénoncer et réclamer justice. Ce qui lui coûtera encore plus cher, puisque non seulement sa mère lui fait comprendre qu’elle a tout perdu et n’a rien à espérer ; mais, même la loi supposée la protéger, lui trouve une part de responsabilité dans ce malheur. Combien de fois les filles victimes de viol se sont-elles trouvées devant un commissaire ou un juge qui, au lieu de leur poser des questions sur le violeur, scrutent leurs habits, leur maquillage, leur visage, bref leur corps  ? Car souvent les femmes sont, malheureusement, définies par leur corps, et c’est ce corps qu’on dénude et viole par force. Il est le même qu’on couvre par force aussi. Aïcha n’a pas seulement vécu la première expérience, elle va aussi être forcée de se couvrir sous une couverture noire. Car, dit-on, cela la protégera des regards des autres et de leurs langues.

Où voulez-vous en venir avec cette pièce ? Est-ce pour faire passer des messages ou simplement pour étaler une vérité qui existe ?
On ne peut pas prétendre pouvoir changer la réalité à travers un écrit. Mais on peut le faire par le biais aussi bien de plusieurs écrits que par d’autres manières d’expression. Il faut une vraie dynamique de la société pour faire basculer les réalités, pour pousser vers une réflexion plus profonde autour de notre quotidien. Malheureusement, la réalité normalise assez souvent avec les injustices et les incohérences de la vie. Et là, je pense que les créateurs ont leur rôle à jouer pour mettre le doigt sur ces anomalies.

Y a-t-il déjà des projets pour la mise en scène de cette pièce ?
Il y a un projet de mise en scène en France. Mais ce que je souhaite, c’est de voir cette pièce sur scène au Maroc. Bien évidemment, cela ne dépendra pas de moi. Personnellement, je suis ouverte à toute proposition de mise en scène de la pièce.

Vous vous intéressez souvent à la femme dans vos écrits. Est-ce qu’on peut dire que vous êtes une féministe qui défend la cause de la femme quelle qu’en soit la raison ? C’est-à-dire même si vous savez que souvent beaucoup de femmes ne méritent pas cette peine...
Dans mes écrits, je défends surtout des valeurs. La justice, l’équité, l’égalité, la dignité, l’empathie... Je défends l’être humain qu’il soit femme ou homme. Dans ma collecte de nouvelles, «Poupée et cercle», il y avait les souffrances des femmes et des hommes. Dans les deux pièces de théâtre parues dans un même livre «Couples et masques», j’ai abordé les problématiques du couple. Ceci dit, j’ai une grande sensibilité aux problématiques liées à la condition des femmes, surtout dans le monde arabe et musulman. Oui, je suis féministe, si être féministe veut dire défendre le droit de chacun à jouir des mêmes droits et opportunités, du respect à être traité en tant qu’un être multidimensionnel et qu’on ne définit pas par son corps. Ce qui est assez souvent le cas envers les femmes. On oublie toutes les autres dimensions et on réduit les femmes à un corps. Tel est le cas de Aïcha.

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