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La transformation digitale, oui, mais pas le botox digital à outrance...

Chaque année, un certain nombre de concepts et d’approches ont le vent dans les voiles. C’est le cas de la transformation digitale, un mot valise et polysémique dont la popularité a atteint 48 millions de views, selon les récentes statistiques de Google.

La transformation digitale, oui, mais pas le botox digital à outrance...

La transformation digitale attise les passions et les débats en tant que remède contre les grippes organisationnelles et les pratiques ataviques du management post-informatique, mais aussi en tant que «come out» synonyme de reconversion en mode numérique après de longues années dédiées à la pensée analogique qui règne depuis la période post-industrielle. 
S’il existe des initiatives fort louables tel que le saut quantique pour les organisations les plus ambitieuses et les plus nanties, il existe un bon nombre de tentatives mitigées pour ne pas dire de mauvaises pratiques dont la démarche relève moins de la e-Transformation que de la domotisation inévitable ; une sorte de lifting où l’on confond la mise en place d’une architecture organisationnelle agile avec du cosmétique échelonné sur plusieurs phases comme s’il s’agit de l’innovation incrémentale. Hélas, la transformation digitale est tout sauf un assemblage mécanique de smart technologies.

Compte tenu des bouleversements technologiques qui sont en train de façonner tous les us et coutumes organisationnels, il existe un réel besoin d’aller au-delà du cosmétique sur le corps organisationnel pour traiter les vrais problèmes, les vrais freins et les arcanes du up-cycling organisationnel. 
Dans un article paru l’an dernier dans le «Harvard Business Review» sur les raisons de l’échec de tant de projets de transformation numérique, Thomas H. Davenport et George Westerman ont défini la transformation numérique comme étant «un processus continu de changement dans la façon dont vous faites des affaires. Elle exige des investissements substantiels dans les compétences, les projets, l’infrastructure et, souvent, dans l’assainissement des systèmes informatiques. Il faut mélanger les gens, les machines et les processus d’affaires, avec tout le désordre que cela implique.»
Les stratégies de transformation numérique comportent tant de pièces mobiles et de zones d’ombre pour constituer un processus limpide ou linéaire, top-down ou bottom-up. Et en tant que cible amovible et dynamique, il est assez difficile de cerner le niveau atteint par les efforts d’acculturation souhaitée. Encore faut-il qu’il existe une politique RH d’acculturation synchronisée avec l’architecture agile et qui répond à la diversité générationnelle qui existe entre les natifs du numérique, les nomades et la Génération, X, Y ou Z qui se croisent incessamment dans les activités de l’entreprise.
Identifier les angles morts de transformation numérique. C’est justement là où le bât blesse. Il y a tellement de technologies tantôt propriétaires, tantôt universelles ou customized, tellement de processus, d’intervenants et d’acteurs à intégrer dans ce processus complexe et transverse qu’à un moment donné, tout risque de chambouler. Malgré cela, Eric Hanson, VP Market Intelligence chez Fuze, a déclaré que la transformation est un défi que les leaders en TI veulent relever, non seulement en raison de ses nombreux avantages technologiques, mais aussi en raison de l’impact qu’elle pourrait avoir sur l’efficience de la main d’œuvre 4.0. Ceci, sans compter l’émergence de la gig-emploi jadis connue comme les intérim, vacataire, freelance, etc.
Avec l’adoption ou l’intégration d’une nouvelle technologie, les DSI et autres décideurs en TI sont confrontés au défi des technologies éphémères et du manque de politique transformationnelle à 360 °/365 j, qui va au-delà d’une simple initiative de mise à niveau de la plomberie informatique. Il s’agit de projets de transformation complexes qui nécessitent l’alignement de l’architecture agile avec les mentalités à tous les niveaux de l’entreprise et l’ensemble des segments du personnel. 
En tant que consultants, et en faisant passer les analyses de radioscopie que nous avons souvent l’occasion d’entreprendre pour différentes industries, nous remarquons bien souvent des substrats anciens et coagulés dans les différentes couches de l’appareil hiérarchique, des jeux de pouvoir et des habitudes anti-productives qui n’apparaissent certainement pas à l’œil nu, mais qui freinent trop souvent les ambitions de transformation. Rares sont les entreprises qui comprennent que l’effet botox du digital sur un fond non préparé n’est que du gâchis sur les moyen et long termes.
Il y a un vrai besoin de bâtir la transformation digitale sur ce que nous appelons une ADN propre à chaque entreprise plus relative à ce qu’elle sait faire, et ce qu’elle souhaite consolider, et à ce qu’elle ne maîtrise pas. Faire comme les autres est généralement une garantie de passer à côté de ces trois piliers et de ne concentrer l’attention des ressources de l’entreprise que sur le Time to Market à tout prix. Parfois, il est aussi important de savoir dire non à la digitalisation à tout prix si l’organisation n’est pas prête et que des préalables sont à construire avant d’aller plus loin : Alignement de la vision et de la stratégie, cohérence entre la stratégie et les structures, articulation des structures sur les portefeuilles des projets pertinents, et l’engagement des collaborateurs autour des projets et de la vision globale.
Il y a un véritable angle mort dans l’itinéraire transformationnel qui peut causer des dégâts considérables.
À l’instar d’un iceberg, il s’agit de dimensions à la fois invisibles au premier regard, mais surtout fort enracinées dans les différentes couches de la culture organisationnelle. L’angle mort cache les carences dont nous avons parlé, mais aussi une incapacité de renforcer l’efficacité par l’efficience et la pertinence. En effet, les collaborateurs, les équipes et les entités composantes de l’entreprise peuvent avoir une capacité incontestable pour atteindre des objectifs donnés et pour se conformer à des processus déterminés. Ceci dit, les entreprises se doivent de mettre en place des politiques holistiques d’acculturation pour pallier les améliorations mises en place au fur et à mesure et département par département.
Cette incapacité à repenser les processus d’implémentation de la transformation digitale en tant que processus de décloisonnement, de proximité, d’empathie multicanal, de transparence, de vulgarisation du Data (des KPIs significatifs), de mise en place du raisonnement logistique en tant que mode de dispatching des informations inter-proxies et non pas inter-subordonnés ou collaborateurs, rend difficile une compatibilité entre les fondements de l’architecture agile et les mentalités 2.0. D’où, la fragilité des projets, des résultats mitigés et des retards de déploiement, les erreurs de traduction de la pensée stratégique que nous avons relevés et identifiés de maintes livres blancs et baromètres produits par le cabinet Trusted Advisors, entre autres études réalisées par McKinsey. 
In fine, la e-Transformation est tout sauf le Botox. Une Domotisation à vitesses multiples des processus de management n’est en aucun un gage de «durabilité» et encore moins d’efficience. Et comme on dit en anglais : «The Devil is in the Detail»… 

Farid Yandouz,expert en Transformation & Conduite du changement.

Jamal Boukouray,expert Innovation & Design Organisationnel.

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